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sur 11960 notes
Momo, petit garçon arabe vit chez madame Rosa depuis plusieurs années. Madame Rosa garde les enfants de prostituées. Plus personne ne paie pour la garde de Momo auquel Madame Rosa s'est attachée, il n'ira pas à l'Assistance Publique, il restera près d'elle. Madame Rosa ne sait plus monter les escaliers qu'il faut emprunter pour regagner son appartement au 6ème étage et, le temps passant, elle ne saura plus rien faire qu'attendre la mort mais surtout pas à l'hôpital, elle ne veut pas devenir le « légume » le plus endurant, elle veut mourir chez elle. Momo s'occupera d'elle jusqu'au bout, petit arabe fidèle à sa vieille juive.
Au début du roman, l'auteur donne à Momo la voix d'un enfant qui s'embrouille assez avec des termes français trop savants pour lui et, au fur et à mesure, il fait grandir la voix de Momo, Momo mûrit, Momo n'est plus le petit garçon.
La vie devant soi est un condensé d'émotions et de bons sentiments, une magnifique leçon de vie.
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Sous le pseudo d'Emile Ajar qu'il prit pour retrouver une certaine virginité littéraire , Romain Gary , ce petit cachottier , fut le seul à se voir décerner un second prix Goncourt ( Les Racines du Ciel : 1956 ) pour La Vie Devant Soi .

Mohammed a 10 ans , bientot 14 . Mohammed prefere qu'on l'appelle Momo , les Inconnus n'ont rien inventé ; ) . Recueilli des son plus jeune age par madame Rosa qui s'est spécialisée dans " l'adoption " d'enfants de putain , il creche à Belleville , au sixieme , sans ascenseur . Madame Rosa , ancienne gagneuse qui se défendait avec son cul , juive , déportée , n'est plus que l'ombre d'elle-meme . Laide , grosse , 36 cheveux au compteur , elle se rend bien compte qu'elle n'a plus la lumiere à tous les étages . Elle "s'absente " de plus en plus fréquemment , sentant bien que ses jours de pleine lucidité sont désormais comptés . Finir la bave aux levres avec le regard du veau qui tete , tres peu pour elle ! N'est pas Ribéry qui veut....Ses cauchemars récurrents , Hitler et le cancer : l'un étant éradiqué , l'autre , aux aguets , attendant son heure selon ses dires...Une femme ayant échappé au terrible systeme concentrationnaire d'Auschwitz ne peut s'imaginer entrer dans le livre des records en pulvérisant un coma végétatif de 17 ans , alors détenu par un Amerloque ( trop fort ces Ricains ! ) . Elle fera promettre à son petit Momo de " l'avorter " si l'on devait en arriver là . du haut de ses 10 ans , bientot 14 , Momo fera bien plus que cela...

Le tour de force de ce roman , c'est d'évoquer un sujet résolument grave sur le ton de la légereté . La grande faucheuse est omniprésente , on la sent se rapprocher inexorablement jusqu'à vous submerger de sa noirceur et pourtant , par le biais de ce jeune héros au phrasé si particulier , la lecture s'accompagne d'un petit sourire en coin qui ne vous quitte jamais .
Les personnages découverts sont hétéroclites au possible . Cela va de Monsieur N'da Amédée , " proxynete " illettré le mieux sapé de Paname et de sa proche banlieue à Monsieur Hamil , ancien vendeur de tapis ambulant et néo philosophe sans oublier Madame Lola qui d'ancien champion de boxe au Sénégal s'est reconvertie en travestie au Bois de Boulogne . Autant d'acteurs truculents gravitant autour de ce petit monde fusionnel qu'est l'univers Rosa-Momo .

L'auteur vous prend aux tripes en conférant à ce jeune narrateur une gravité anormalement conscientisée pour un gamin de son age . Un vocabulaire fait d'amalgames aussi amusants que profonds et c'est la mort qu'on appréhende à un age ou l'innocence devrait faire loi . Momo découvre que rien ne dure jamais . Qu'il devra devenir un acteur majeur dans l'inéluctable disparition de sa maman d'adoption . Une mere de substitution qui le fait se questionner sur son age et ses origines mais qu'il aime par dessus tout . Un gamin innocent projeté et ballotté dans un monde d'adultes bien avant l'heure . S'il maitrise de façon plus qu'aléatoire la définition de la majorité des mots de son vocabulaire , il saisit cependant parfaitement le sens de la vie qui s'écoule et s'acheve parfois tragiquement . Ce roman écrit par un sexagénaire que la mort effrayait au plus haut point ( et qu'il devancera pourtant en 1980 ) est tour à tour lyrique , naif , sombre et violent mais baigne , paradoxalement , dans une perpétuelle bonne humeur contagieuse . Sa causticité décalée vous emportera de la premiere à la derniere page !

La Vie Devant Soi : atypique et jubilatoire...
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Je déteste les fins d'année scolaire. Je déteste les fins tout court.
Peut-être parce que la fin annonce qu'on n'a plus la vie devant soi.
Ma vie devant soi est déjà bien entamée mais ça, ça m'est bien égal. Ça me va bien comme ça.
Suffit juste de savoir négocier la toute fin. Parce que celle-là, c'est la plus dure.


Il me fait marrer Momo - le héros du roman dont je suis en train de faire la critique – quand il s'énerve contre les vieux qui disent «  Tu es jeune, tu as toute la vie devant toi. » parce qu'il croit qu'ils cherchent à lui faire peur.
Ouaip, c'est vrai, il a raison ! Avoir toute la vie devant soi, ça peut foutre la trouille..tout autant que de la trouver derrière soi.
C'est cette histoire là que nous raconte Romain Gary, l'histoire d'un môme qui croit que la vie, ça n'a rien d'enviable, que le bonheur, c'est dégueulasse. « Le bonheur c'est une belle ordure et une peau de vache ». ça peut faire froid dans le dos quand on entend un gamin parler comme ça. L'histoire d' un gosse qui se raccroche à une vieille dame plus toute jeune, déjà bien fanée et qu'il n' y a plus moyen de rempoter.
L'histoire d'une ancienne prostituée juive et d'un p'tit arabe, fils de putain. Une histoire drôlement émouvante, mais racontée par Momo avec tant de naïveté et à la fois tant de lucidité sur la vie qu'on ne peut que sourire à pleines dents.
J'ai adoré Momo et ses expressions d'une candeur et d'une fantaisie improbable !
J'ai adoré Madame Rosa d'avoir pris sous son aile cet oisillon là et peu importe qu'il soit juif, arabe ou chrétien..
J'ai adoré leur ange, madame Lola, ce rayon de soleil, travestie du Bois de Boulogne, qui fut champion de boxe au Sénégal.
J'ai adoré leurs façons à eux deux, Madame Rosa et Momo, de dire « Merde » aux autres, de se dépatouiller tant bien que mal avec cette chienne de vie qui ne leur avait pas fait de cadeau ni à l'un ni à l'autre et d'avoir trouvé, là, la beauté des choses ...la tendresse infinie.


Et bien sûr, je ne peux terminer cette critique sans faire un petit clin d'oeil à Meeva dont l'obsession pour Romain Gary n'est un secret pour personne sur Babelio. Allez, chanson ! 

« Ouvrez vos yeux pleins d'innocence
sur un Paris qui vit encore,
et qui fera de votre enfance
le plus merveilleux des décors.

Voyez plus loin que l'horizon,
le temps n'a pas tout démoli,
les rues sont pleines de chansons,
les murs ne sont pas toujours gris.

Écoutez-moi, les Gavroches,
vous les enfants de la ville :
non Paris n'est pas si moche,
ne pensez plus à l'an 2000. »

Extrait d' « Ecoutez moi les Gavroches » de Renaud
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Après son premier Emile Ajar, « Gros calin » en 1974, Romain Gary récidive en 1975 avec « La vie devant soi »…pour un écrivain que la critique de l'époque jugeait fini…

« La vie devant soi ». Un thème récurrent dans la littérature française : un enfant arabe voue une infinie tendresse à une vieille dame… juive. Jacques Lanzmann, Joseph Joffo, Eric-Emmanuel Schmitt , et probablement d'autres ont " traité " le sujet…
Quoiqu'il en soit sous la plume de Romain Gary, le thème est magnifié, non seulement par l'intrigue que nul autre ne pouvait imaginer que Romain Gary, mais également par le second thème, en filigrane : la fin de vie…

Madame Rosa, une ancienne prostituée juive (elle a connu Auschwitz) de la rue Blondel, ou elle « se défendait » dans son jeune temps, comme dirait Momo… Elle a vieilli et est devenue Grosse, laide et malade…
Momo, un jeune garçon arabe, est recueilli par Madame Rosa dans son établissement qui accueille les « enfants nés de travers »… comprenez les naissances accidentelles de ces dames prostituées…
L'histoire d'un amour fusionnel du jeune garçon pour la vieille dame… elle est malade. Elle doit être hospitalisée. C'est le drame. Momo l'enlèvera et « l'assistera » dans ses derniers moments pour une fin dans la dignité…

Un roman, peut-être un des plus émouvants de l'auteur avec « Clair de femme »… En tout cas, un de mes préférés.
Le jury Goncourt ne s'y est pas trompé, d'ailleurs, qui attribua son Prix à Emile Ajar, alias Romain Gary. Un prix qui lui avait déjà été attribué en 1956 pour « Les racines du ciel »…
Bravo, l'artiste…
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une critique qui se formule dès l'ouverture du livre

"Romain Gary, ses nombreux voyages à l'étranger, son besoin pathologique de se cacher, son goût de la mystification. Ce désir de simuler et de brouiller les pistes comme à plaisir, cette odeur de souffre qui entoura la publication de « La vie devant soi », il en fera l'un des thèmes de Pseudo, sorte d'autobiographie canular qu'il donne en 1976 et où il se présente comme un «mythomane parano et mégalo»…
Refusant les interviews, se dérobant, de masque en masque. Devant tout ce qui pourrait le cataloguer définitivement. Ajar apparaît d'emblée comme un écorché vif « à qui il est absolument impossible d'exposer sa chair et ses os », un homme aux prises avec une quête impossible – et à la limite de la folie – de l'identité.
C'est bien de cette quête de l'identité de cette recherche de racines qu'il s'agit dans « La vie devant soi. » Déjà plus un enfant - «Je suis un fils de pute et mon père a tué ma mère et quand on sait ça, on sait tout et on n'est plus un enfant du tout. - Mohammed, dit Momo. N'est pas en encore un adulte et c'est ce qui fait toute la saveur de son récit.
Abandonné à sa naissance dans le «clandé » de Madame Rosa, Momo navigue dans l'entre-deux et l'ambigu : arabe, il est élevé par une vieille juive, sortie d'Auschwitz et du trottoir. Qui ne rêve que d'Israël : son âge même est faux – il n'a pas été … daté »- ; et quand son père voudra le voir, Madame Rosa qui ne veut pas se séparer de celui qui est devenu son seul lien avec le monde, le fera passer pour Moïse, un petit juif.
Héraut de tous les paumés et les déracinés. Ajar nous transporte dans ce Belleville où coexistent arabes, juifs et noirs, vieux, travestis et prostituées. Au milieu de toute cette misère, un enfant étonnamment lucide découvre la vie, les femmes « qui se défendent », la solitude de la vieillesse, la noire réalité du racisme
« Pendant longtemps je n'ai pas su que j'étais arabe parce que personne ne m'insultait » dont les préjugés restent tenaces même au sein de ceux qui en sont les premières victimes. Il se heurte à la haine, au mépris. À l'indifférence d'une société qui rejette dans un ghetto
- « le reste de la rue et du boulevard de Belleville est surtout juif et arabe. Ça continue comme ça jusqu'à la Goutte d'Or et après c'est les quartiers français qui commencent… » - tout ce qui ne lui ressemble pas. « La Vie devant soi » met donc en scène les nouveaux Misérables d'aujourd'hui : Momo qui a des ses dispositions pour l'inexprimable », rêve, après ses conversations avec Monsieur Hamil usage qui lit le Coran et «Les Misérables», de devenir un nouveau Monsieur Victor Hugo.

Pourtant met la comparaison s'arrête là – tout souci de réalisme, toute préoccupation de vraisemblance sont absents de « La Vie devant soi. » . C'est au moyen du paradoxe, du non-sens et de l'absurde que Momo déchiffre et cerne le monde qui l'entoure. Son langage, entre le vraisemblable et l'irréel, est à l'image de sa vie. Ce déraciné livré à lui-même, cet hors-jeu – « hors contexte » - transforme littéralement cette langue qui n'est pas la sienne et que seuls « les gens garantis d'origine et dûment datés » peuvent employer à bon escient. C'est là le tour de force qu'a magnifiquement réussi Ajar : rendre matériellement, par ce jeu éblouissant sur les mots, toute la singularité de l'existence de Momo et, au-delà de lui, de toute une communauté d'exclus. Par l'erreur systématique, le «mal emploi » des mots, le détournement d'expressions toutes faites, Momo « parle à l'envers pour exprimer quelque chose de vrai » : de ces rapprochements illogiques, réalistes et surréalistes, de ce mélange de stéréotypes et d'inventions, de cette candeur feinte qui est en réalité le comble de l'art, naissent, non seulement le rire, mais aussi la vérité et un accent inimitable de sincérité. C'est ainsi que «la vie peut être très belle mais on ne l'a pas encore trouvée et en attendant il faut bien vivre », que «c'est pas nécessaire d'avoir des raisons pour avoir peur »et que la meilleur chose à faire «c'est d'aller vivre là où ce n'est pas vrai».

« Aller vivre là où ce n'est pas vrai», telle était la tentative dans Gros-Calin, de cet employé d'un service de statistiques qui s'était réfugié dans un amour délirant pour son python. Momo en mal de tendresse, s'évade en regardant le cirque miniature d'une vitrine de grand magasin, ou essaie, en une lutte déchirante contre les lois de la nature. D'arracher sa mère adoptive à la mort : à l'aide d'artifices de toutes sortes, parfum, fards, peinture et étoiles, il tentera pendant plusieurs jours de ralentir sa décomposition… le rêve, la folie et la dérision sont, dans le système « ajarien », la seule manière d'échapper à l'angoisse et au désespoir, le seul remède à cet état de manque – manque d'amour et de tendresse – dont sont atteints irrémédiablement les hommes.
Car la misère de Momo – et en cela il se rapproche du héros de Gros-Câlin est plus affective que sociale. le premier drame dans la vie de cet enfant abandonné sera d'apprendre qu'il « est payé », c'est-à-dire qu'il a été recueilli chez Madame Rosa moyennant un mandat mensuel. Ce besoin d'amour, cette tendresse qui, du fond du désespoir le plus noir, refleurit toujours – « La Vie devant soi » devait initialement s'appeler « La Tendresse des pierres » semblent bien être une des leçons de ce récit entre farce et tragédie. « Il faut aimer »… mais au-delà d'un certain seuil de détresse, quand la lucidité extrême risque de devenir folie, les seules défenses possibles restent le rire et l'imagination, le refuge dans le « pseudo» et l'humour."

A lire et à relire
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Pour moi, ce livre reste inséparable de l'image de Madame Rosa, incarnée si bien par Simone Signoret, à l'écran.

Combien touchant, drôle, tragique, nous apparaît Momo, le protégé de Madame Rosa, gardant les enfants des prostituées , Momo, le petit Arabe, qui par sa verve et ses réflexions pleines de bon sens et de lucidité, nous émeut et remue en nous des effluves de compassion et d'indignation.Et nous fait rire aussi.

Combien triste et poignant est son parcours, heureusement jalonné de figures hautes en couleur, Madame Rosa , juive vieillissant mal, en premier lieu, Madame Lola, travesti généreux, et toutes ces personnes vivant dans le même immeuble à Belleville,qui, par leur solidarité et leurs élans de fraternité, vont permettre à Momo de se sentir moins seul.

Combien émouvant est son lien avec Madame Rosa, dont il deviendra ensuite, en grandissant, le protecteur, celui qui va l'aider à survivre, à conjurer les frayeurs, à mourir enfin.

La fin est déchirante , avec en filigrane, un peu d'espoir pour l'avenir de Momo...

Emile Ajar, alias Romain Gary, n'a pas volé son deuxième Prix Goncourt, ce roman est flamboyant de désespoir, criant de réalisme, délirant d'humour, un condensé de vie, la vie devant soi, celle de Momo, de tous ces enfants perdus, en manque d'amour et de reconnaissance.

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Roman incontournable de la littérature française, ce livre a reçu le Prix Goncourt en 1975, prix attribué à Émile Ajar, pseudonyme sous lequel se cachait Romain Gary, déjà récompensé en 1965 pour Les Racines du ciel. Les articles de l'époque furent, pour la plupart, élogieux car les critiques s'enthousiasmèrent pour ce livre par son style et son humour hors normes.

Tout le récit repose sur un exercice de style assez périlleux, mais tout à fait réussi puisque dès la première page on oublie l'écrivain. Dosant subtilement l'ironie et l'humour noir, le roman est écrit à la première personne, avec la vision d'un enfant de 14 ans, séparé à 3 ans de sa mère prostituée, sans instruction mais très observateur, particulièrement curieux et vif d'esprit, qui regarde la société et ses moeurs avec les yeux d'un enfant de son âge et avec ce que la vie lui a donné comme codes pour comprendre les choses. L'attention du lecteur est donc portée vers Momo, cet enfant singulier qui nous raconte sa vie et son environnement à sa manière, et qui donne le ton au récit. Libéré du style littéraire habituel de Romain Gary, l'auteur invente un nouveau style parlé enrichi d'un langage nouveau et familier qui convient tout à fait à ce roman. Les mots, la syntaxe et les phrases sont déformés, les maladresses, les incorrections et les réflexions naïves en apparence provoquent souvent un effet comique. Il les sculpte pour en tirer une musique qui est celle de Momo et qui nous attendrit tout au long du roman. Romain Gary tente avec succès un exercice très risqué que peu d'autres écrivains ont réussi.

La langue de Momo ne nous lasse jamais et nous ravit par sa fraîcheur ; bien qu'il ne soit qu'un enfant Momo a une grande lucidité. Si Momo est le narrateur qui donne le ton au récit, Madame Rosa en est l'épicentre. C'est autour d'elle qu'est construit tout le roman. C'est d'elle que naît l'émotion.
Madame Rosa n'a que soixante-cinq ans mais est en très mauvaise santé. C'est une juive polonaise, devenue prostituée qui a vécu la rafle du Vel' d'Hiv et la déportation. A son retour des camps, Madame Rosa a continué à faire le trottoir pendant quelques années puis, trop vieille et trop flétrie, a élevé des enfants de prostituées afin de leur éviter d'être placés à l'Assistance publique. Avec le temps, sa santé se détériore, son médecin veut qu'elle aille à l'hôpital, elle refuse. Pourtant elle vit seule avec Momo, en haut d'un immeuble sans ascenseur, où elle peine à faire monter ses kilos superflus, puis devenue incapable de se déplacer, elle reste cloîtrée chez elle, vêtue de vêtements invraisemblables. L'angoisse de Madame Rosa est d'être obligée de finir ses jours à l'hôpital, dégradée et « transformée en légume ». Ce n'est pas tant la mort qu'elle craint, que les conditions dégradantes de survie qui l'accompagnent. La jeunesse de Momo est confrontée à l'angoisse d'une vieillesse désespérée d'une femme qui veut pouvoir mourir dans la dignité.

Momo raconte avec simplicité et familiarité son histoire, sans peine ni tristesse, bien qu'il vive dans un milieu de grande pauvreté. Sa vie est normale, c'est la vie. Tout ce qui est raconté n'est jamais un apitoiement, Momo ne porte pas de jugement, il constate. L'humour involontaire et l'infinie tendresse de Momo à l'égard des hommes nous font échapper à la noirceur. le lecteur est forcément touché car ce qu'il raconte est dur mais il le rend souvent beau et presque sans gravité ; le ton général du roman est si léger et décalé qu'il fait souvent oublier les épreuves que traversent les personnages. C'est l'entraide entre les personnages du roman qui est ici mis en valeur. Peu à peu l'intrigue prend le pas sur la narration et on se surprend à s'attacher à ces figures pittoresques.

Avec talent, Emile Ajar, ou plutôt Romain Gary, donne vie à toute une faune et nous passionne tout en nous renseignant sur l'amour, l'existence humaine et la signification de l'expression « vivre sa vie ». Il décrit avec finesse la tendresse qui unit le petit Momo et Madame Rosa, ce lien affectueux qui ne fait que croître au cours du récit. Avec une grande pudeur, Emile Ajar raconte une histoire d'amour filial entre un petit musulman et une vieille juive, entre deux êtres qui ont été privés d'amour toute leur vie et qui ne se sont jamais autorisés à l'exprimer.

Un roman émouvant où Romain Gary arrive à nous toucher et à nous transmettre des valeurs importantes comme la tolérance, la tendresse, l'amour et l'amitié. Une superbe histoire de générosité, d'humanité et de solidarité, un magnifique roman.
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« Monsieur Hamil, est-ce qu'on peut vivre sans amour ? »
« Il n'a pas répondu. »

Premier pincement au coeur, on était page 11. Ça commençait fort.

Allez, je te le dis. J'ai versé ma petite larme. Mais faut pas croire, mon petit Momo que ça a été comme ça tout du long. Tu m'as fait rire, sourire, même que c'était triste d'en rire de cette fichue vie.

Ce livre contient tout. Tout ce qui me fait aimer la vie malgré, malgré ...tout ! Un roman magnifique, une écriture époustouflante, une virtuosité incroyable dans l'usage des mots, du jeu des mots. le fond magnifié par la forme. Quelle performance !
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Dans la fin des années 70 j'ai reçu ce roman comme le premier « livre du mois » des éditions France-Loisirs auxquelles j'étais abonné à l'insu de mon plein gré comme beaucoup… Je devais le renvoyer, sinon, je le payais. Bien sûr, il est resté à trôner de belles années dans la chambre d'amis sur la cheminée art-déco en marbre noir moucheté surmonté de l'incontournable miroir bordé de doré où se reflétait mon air perplexe : lira, lira pas ?
Finalement, je ne l'ai jamais lu, ni d'autres Gary non plus d'ailleurs. J'estimais ça ringard !
Je l'ai laissé là, pour « faire bien » quand des parents viendraient. C'était nul.
A l'époque je lisais SAS, j'aimais bien quand Malko Linge faisait les quatre-cents coups dans le monde entier pour payer un pan de la toiture de son château en Autriche. Trop classe !
Alors, l'histoire d'un gamin rebeu de dix ans qui habite chez une vieille pute un immeuble à Belleville au sixième étage, je m'en tapais total.
J'habitais alors au Père-Lachaise, tu parles d'un dépaysement !
Et puis, un auteur qui signait même pas de son nom alors que tout le monde savait c'est qui. Quel snobisme ! Vous formalisez pas pour le style, je fais comme Momo, j'explique…

Les années sont passées plus vite que je n'aurais pensé et du coup, je colmate les brèches comme Malko sa toiture. Avec des idées moins arrêtées et moins préconçues surtout.

Je l'ai lu avec des yeux couleur d'enfants et j'ai pris plaisir au jeu de l'inconscience…

Et puis je ne savais pas que madame Rosa était aussi Juive que Momo Musulman avec de l'intelligence et surtout de l'amour comme du beurre dedans.
« Madame Rosa et moi, on peut pas sans l'autre. C'est tout ce qu'on a au monde. »
J'ai monté les six étages de l'immeuble sans m'essouffler, jamais.
J'étais content comme Momo de retrouver Madame Rosa déglinguée mais vivante.
J'ai croisé les voisins à chaque étage et j'ai appris à reconnaitre l'abnégation, la gentillesse sans fard et l'humilité.

Et puis j'ai constaté que Emile-Romain était le pape de la « punchline » et que son « flow » et plus fort que Big Flo et Oli qui peuvent prendre une tisane et aller au lit.
Alors qu'en 1975 le rap émergeait à peine M. Ajar-Gary a su écrire le mal-être, le racisme, la misère, la fraternité, la sexualité, l'ostracisme, l'amour et la mort comme un punchlineur à grands coups d'eye-liner sur les yeux de Madame Rosa à la lucidité épuisée aussi bien que le dévouement jusqu'au sacrifice, l'espoir et la volonté dans le coeur arc-en-ciel de Momo. Yo.

C'est « La vie devant soi » avec la mort aux trousses quand même.

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Depuis des années j'avais en tête cette séquence radio au ton tellement « vintage » dans laquelle Armand Lanoux annonce l'attribution du prix Goncourt 1975 à « Monsieur Emile Ajar pour son roman : La vie devant soi. »
Il n'est pas nécessaire de revenir sur l'anecdote du double prix et du pseudo pris par Romain Gary pour écrire ce roman. Mais cela m'avait marqué ; pourtant, en réalité je n'avais jamais lu cet ouvrage. Il était temps de combler cette lacune.

L'histoire est simple et présente cependant de multiples facettes. Momo, petit arabe de 10 ou 14 ans…. est élevé dans le respect de ses origines par Madame Rosa, une ancienne prostituée de 65 ans, juive, malade, qui dans son trois pièces au sixième étage sans ascenseur s'occupe, contre rémunération d'enfants cachés de prostitués.
Elle les aime tous et assure le quotidien tant bien que mal. Miraculeusement rescapée d'Auschwitz, elle vit avec de nombreux sujets de peur et d'inquiétude : Hitler, le cancer, la mort à venir, l'avenir des enfants dont elle s'occupe encore, la souffrance, la mort à l'hôpital, l'acharnement thérapeutique…
Momo avec son naturel simple, espiègle et rusé, son langage imagé, en perpétuel manque d'amour et de reconnaissance soignera et aidera avec amour madame Rosa jusqu'au bout…

La lecture de cet ouvrage m'a d'abord procuré beaucoup de plaisir, mais aussi une bonne dose de surprise. Je connaissais mal Romain Gary, et j'avoue que l'image que je m'en faisais ne me permettait pas de l'imaginer écrire dans ce registre. de plus, cela redonne confiance d'imaginer que les jurés du prix Goncourt en 1975 ont décidé de couronner cet ouvrage hors des standards.
Mais ils ne s'y sont pas trompés. Ce roman est un océan de tendresse, d'amour, d'altruisme, et aussi de réflexions sur la vie.

Rien n'est rose dans ce livre, cependant, c'est plein de joies, de bonheurs simples et immédiats, mais aussi de soucis, de difficultés, d'inquiétudes. Madame Rosa transmet plus de valeurs dans son trois pièces que ne semble le faire l'école aujourd'hui.

Quel bel ouvrage ! J'aurais vraiment dû le lire plus tôt. En tout cas, cette lecture d'aujourd'hui m'a procuré énormément de bonheur. Et Momo devient vraiment un copain pour tous ceux qui abordent la lecture de ce roman.
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