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EAN : 9782070148981
192 pages
Gallimard (10/04/2015)
4/5   3 notes
Résumé :
Publié pour la première fois en 1972, Le présage est un ouvrage qui pose d’une manière presque prémonitoire toutes les questions actuelles de l’écologie. Au cours de ses voyages à travers le monde, le narrateur observe certaines transformations de la vie végétale dues aux effets secondaires de la modernité. Il ne s’agit, en l’occurrence, que de la raréfaction ou la disparition des lichens, mais ce phénomène, aux conséquences assez limitées, a la valeur d’un signe, d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Pierre Fournier, dit Pierre Gascar, (1916-1997), est un journaliste, critique littéraire, écrivain, essayiste et dialoguiste français (Les Yeux sans visage, le célèbre film de Georges Franju, lui doit l'essentiel de son scénario et ses dialogues). Après une enfance difficile et avoir été prisonnier en stalag pendant la Seconde Guerre mondiale, il devient journaliste à son retour au civil. Il se consacrera totalement à son oeuvre à partir de 1953, date à laquelle il obtient le prix Goncourt pour le Temps des morts. Publié pour la première fois en 1972, le Présage vient d'être réédité.
Récit ou essai, cet ouvrage à but écologique avant l'heure nous avertissait déjà en son temps des problèmes auxquels notre planète se trouvait confrontée. de ses voyages aux quatre coins du monde, des steppes de Sibérie à la lagune de Venise, de l'Inde du nord de Bombay à la Thaïlande, du Jura à New York, Pierre Gascar se focalise sur les lichens qui à ses yeux ont valeur de symbole car ils « sont les premiers organismes vivants à disparaître par l'effet de la pollution de l'air. »
Si comme moi vous saviez peu de choses sur ce végétal formé de l'association d'un champignon et d'une algue vivant en symbiose, vous allez vite vous remettre à niveau grâce à cette lecture très instructive. Les lichens, selon les espèces, sont nourriture, médecine, alerte radioactive. Pour autant il ne s'agit pas d'un bouquin scientifique et rébarbatif, ce n'est pas l'angle adopté par l'auteur. L'écriture est très belle, à l'ancienne, cultivée mais abordable, avec des accents poétiques ou philosophiques.
Récit de voyages, enseignement scientifique, extrapolation littéraire avec le poète italien Camillo Sbarbaro (« Comment le poète, l'artiste, ne s'identifierait-il pas à ce végétal obscur et inutile, relié à la primitivité… »), poésie quand l'écrivain sait nous convaincre par ses descriptions de ces végétaux qu'il ne s'agit pas de cochonneries poussées sur les murs ou les troncs d'arbres, philosophie quand Pierre Gascar se demande si ces « espèces d'écailles (…) racornies » sont la preuve de « la mort du monde ou sa revivifiante mue. » Beaucoup de choses, dans bien peu de pages en quelque sorte.
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Au début d'un texte initialement paru dans La Nouvelle Revue française en 1997 sous le titre « Pierre Gascar. le silence de la résorption » (texte repris dans le recueil Soies Brisées, Hermann, 1999), André Bernold écrit : « Le cas de Pierre Gascar est exemplaire. Quel cas ne l'est pas ? Il l'est étrangement. Près de soixante-dix livres ; une quarantaine chez Gallimard, dont cinq ou six chefs-d'oeuvre, et tous inscrits au catalogue ; en librairie, nota bene, inexistants quasi. (…) C'est l'écrivain deleuzien en pratique, car il a réussi son devenir-imperceptible. » Il ajoute un peu plus loin que le Présage « contient les pages les plus éblouissantes de Gascar. »
Ma première lecture du Présage s'est faite au printemps 2021, lors de trajets dans les transports en commun entre 6h30 et 7h30, le matin. J'avais également avec moi l'étude de Pierre Schoentjes, Ecrire la nature, imaginer l'écologie - Pour Pierre Gascar (Droz, 2021).
J'ai lu, relu le Présage. C'est un récit extrêmement marquant, tant par l'usage de la langue française qui s'y déploie que par les images générées à la lecture (qui me reviennent à l'esprit de temps à autre). (Et cette espèce de silence, bourdonnant (le bruit de la terre, sans doute)).
Réflexions, digressions nées d'une observation de la raréfaction des lichens (plantes d'emblée qualifiées de « crépusculaires ») accompagnent le narrateur dans ses déplacements professionnels, ses voyages (Sibérie, Venise, Inde, Thaïlande, Chine, Jura...). On perçoit d'abord, puis on comprend peu à peu que cette obsession des transformations de la vie végétale se paie d'un délabrement progressif de l'état du narrateur (ce qu'il nomme lui-même - avec une certaine retenue - un « désordre d'esprit ») : « solitude », « mouvement de régression », « appel porté par les réalités crépusculaires des sous-bois » (de nouveau le crépusculaire...). Avant, dans les derniers paragraphes, une tentative pour inscrire cette errance dans un devenir, celui du monde et des groupements humains.

« (…) que figuraient les lichens, ces plantes aux formes indécises, quelquefois rampantes ou plates comme des estampilles ou, encore, pendant en serpentins, et dont la mollesse, sous les doigts, n'était pas loin de provoquer la répulsion ? Les créations de l'inconscient, la pensée obscure, les phantasmes.
Dans ces solitudes du nord, dans ces lieux de brume où rien ne se produisait, où l'homme n'agissait pas, n'était jamais que de passage, ils représentaient une dégradation de la logique du monde, comme si ce dernier, sous ces méridiens, en marge du jour et de la nuit qui constamment le partagent, avait poursuivi un demi-sommeil peuplé de visions informes (…). Proches des créations les plus obscures de notre esprit (moins créations peut-être que souvenirs aussi anciens que notre espèce), les lichens glissent facilement hors de leur réalité et nous contraignent souvent à vérifier leur existence. » (Gallimard, « L'imaginaire », p. 24-25)
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Là où ne-poussent plus les arbres ni leurs
fruits, ni les céréales, ni même l'herbe, aux
confins de la terre, il y a les lichens et, vivant
des lichens, des rennes, et, vivant des rennes,
der hommes, et urie immémoriale civilisation.
Et cette chaîne précaire, qui fonctionne depuis
des centaines de milliers d'années, s'arrête aux
environs de l'année 1970 de l'ère chrétienne.
Il tombe sur le monde une lente, invisible
pluie de particules radioactives. Les lichens,
qui se noprrissent de l'air du temps, concentrent cetté radioactivité et les rennes deviennent six cents fois plus radioactifs que les
boeufs d'élevage. La civilisation du renne disparaît. Présage. Présages. Les lichens reculent
devant l'homme, c'est-à-dire partout. Ils annoncent d'autres disparitions.
II y a des livres que l'on a lus avant de
les avoir lus, que l'on voudrait écrire lorsqu'on
en a seulement lu le titre, que l'on sait par
coeur de bout en bout, dès la dix-huitième
ligne. On ne résiste pas à un livre qui commence par : « En Transbaïkalie, l'ancien territoire
des Huns, avant les monts Khingan, à l'endroit
où la Sibérie, la Mandchourie et la Mongolie
se touchent... »
Pierre Gascar, qui écrit dans le même souffle, plutôt demi-souffle, de coureur de fond,
un livre entier, ne se case nulle part dans
la littérature contemporaine. Il serait du côté
de Marguerite Yourcenar, de Michel Leiris, de
Francis Ponge. Faute•de l'avoir classé, on l'oublie. Ce qui permet de le redécouvrir par
hasard, un jour, parce qu'il écrit ce qu'on n'a
jamais écrit sur ce que ressent un automobiliste qui conduit une grosse et douce puissante voiture sur une route au petit matin.
Un autre jour, parce qu'il raconte Chambord
de telle manière que l'on soupçonne que Chambord n'a jamais existé avant •qu'il ne le découvre.
En lisant Gascar, on ne devine ni son âge
ni son visage. En revanche, cm . . son
regard gris et ancien qui repère les signes de
l'usure, les rides de la folie collective, les
vertiges d'autodestruction de l'espèce; le regard de ceux qui ont toujours su reconnaître
les présages pour les donner à lire aux autres.
ALAIN HERVE

Lien : http://referentiel.nouvelobs..
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Les lichens supportent le froid, la raréfaction de l’oxygène (on les rencontre jusqu’à 6 000 mètres d’altitudes), la chaleur extrême, l’absence d’eau (ils revivent plusieurs mois après une dessiccation complète), mais meurent aujourd’hui dans le centre de Paris, de Londres, de New York, de Tokio et même de Venise où cependant des herbes, des arbres, sensibles, par contre, aux excès du climat, continuent tant bien que mal de pousser. En un mot, les lichens ne se montrent vulnérables qu’aux modifications anormales du milieu. Comment ne pas admirer la justesse, pour ne pas dire la sagesse, de cette réaction ? Comment ne pas applaudir à ce refus, ne pas y voir une leçon ?
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Si nous sommes enclins à imaginer, à Venise, en particulier certains soirs de l’arrière-saison, la présence dans les rues et dans l’air des symboles pervertis qu’alentour tant d’œuvres d’art recelaient jusqu’ici en secret, si nous finissons par éprouver, dans cette ville, une oppression due au poids de l’histoire et du génie humain, si nous en venons à peupler de fantômes ces rues vides, à doubler de l’écho de la fable le moindre cri, le moindre appel ou le moindre bruit d’aile, si nous nous sentons, par moments, comme coupables de tout cet art, de toute cette culture qui n’a pas su donner un sens à la vie et qui s’achève sur le vide, si, au cours de nos promenades, nous errons comme poursuivis par les âmes inapaisées que nous avons fait naître dans nos tableaux, nos sculptures, nos poèmes, nos musiques, nous ne pouvons pas supporter que disparaisse à jamais la plus petite partie de ce fonds où s’enracinent à la fois notre orgueil et notre désespoir. Car nous n’avons pas d’autre au-delà que l’art. Ciel ou enfer, la distinction ici ne s’impose guère. Il importe peu que l’œuvre nous parle de notre salut ou de notre damnation. Ce que nous y cherchons, c’est seulement une ouverture.
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Les lichens ont eu leur poète en la personne de Camillo Sbarbaro qui occupe une place très honorable dans l’histoire de la littérature italienne de la première moitié de ce siècle (…) Sbarbaro alliait le sentiment poétique à la connaissance scientifique et faisait des lichens le thème de ses rêveries les plus libres comme de ses traités de botanique les plus rigoureux
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....goût nostalgique du passé dans lequel, à toutes les époques, certaines natures, souffrant d’une sorte de frilosité, au contact du présent, ont cherché refuge
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Video de Pierre Gascar (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Pierre Gascar
La Fête du Livre de Bron propose chaque année une journée de réflexion sur des enjeux majeurs de la littérature contemporaine. le vendredi 8 mars 2019, nous proposions un focus sur les liens entre littérature, nature sauvage, grands espaces, sciences humaines et environnement. Lors de cette 33ème édition, nous avions la chance d'accueillir Pierre Schoentjes, professeur à l'Université de Gand, spécialiste du « nature writing » en langue française pour un grand entretien exceptionnel, animé par Thierry Guichard, à revivre ici en intégralité.
Dans Ecopoétique, Pierre Schoentjes étudie les spécificités du « nature writing » en langue française – le terroir plus que la terre, le lieu plutôt que le paysage, l'esthétique plutôt que l'éthique – en délimitant un corpus littéraire constitué d'écrivains comme Jean-Loup Trassard, Pierre Gascar, Charles-Ferdinand Ramuz ou Philippe Jaccottet. Mais il explore aussi les oeuvres d'écrivains très contemporains comme Emmanuelle Pagano, Belinda Cannone ou Marie-Hélène Lafon. En partenariat avec l'Université Lyon 2, la Médiathèque Départementale du Rhône et Médiat Rhône-Alpes.
©Garage Productions.
Un grand merci à Stéphane Cayrol, Julien Prudent et David Mamousse.
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