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EAN : 9782070299256
210 pages
Gallimard (21/04/1978)
3.82/5   11 notes
Résumé :
Ces histoires où l'éclairage est mis sur des chevaux, des bêtes de boucherie, des rats, des fauves, un chat, des chiens sont très loin de l'anthropomorphisme. C'est par les mots, le style, son art d'écrivain que l'auteur apprivoise ces étrangers, ces créatures d'un autre monde, pour percer leur secret.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Incité par un courriel qui me rappelle l'opportunité du service de prêt en ligne (Lirtuel), je parcours leurs dernières acquisitions : Pierre Gascar, "Les Bêtes", Goncourt 1953. Coup d'oeil dans la blogosphère, l'écrivain fut prolifique de 1949 à la fin du siècle, Babelio donne deux avis divergents sur ce recueil, une première lectrice s'y est ennuyée, l'autre est enthousiaste : "une langue incroyablement ciselée, d'une élégance extraordinaire, à mettre au rang de Julien Gracq, Ernst Jünger. ...un auteur oublié de façon incompréhensible, à réhabiliter absolument !".

Le saut fait, je suis aspiré. Deux jours suffiront pour savourer ces six nouvelles où l'on découvre la fascination de Gascar pour le monde naturel. Et d'accord : un auteur à (re)découvrir.



N'y cherchez pas l'écho des émissions télé sur nos amis chiens et chats domestiques, c'est un livre sombre et puissant, écrit au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans lequel les bêtes nous renvoient notre propre image animale – "notre propre face tourmentée, comme dans un miroir griffu" écrit Gascar à la fin de "Entre chiens et loups".


Roger Grenier célèbre l'auteur dans la brève postface : "... c'est par les mots, le style, son art d'écrivain que l'auteur apprivoise ces étrangers, ces créatures d'un autre monde, pour percer leur secret. L'écriture de Gascar, une des plus belles de la littérature contemporaine, est armée de cette poésie qui est un des instruments de connaissance les plus pénétrants."


Six nouvelles sombres et dures, mais tellement bien écrites :

"Les nouveaux s'étaient tus, à leur tour, mais gardaient encore leurs yeux ouverts, comme s'ils avaient été livrés, par l'excès de leurs épreuves, à une sorte d'immortalité rêveuse ou, simplement, comme s'ils avaient été fascinés par l'unique ampoule électrique qui brillait contre une poutre de la grange avec l'acuité même du silence. Seule, parfois, la vrille folle d'un ronflement partait d'un coin d'ombre et, se retournant, le dormeur faisait claquer sa langue sur le vin noir du sommeil. Puis le silence, ce silence du gel qui, dehors, écartelait la nuit, s'établissait de nouveau, sans que personne ne parût songer, même par un simple mouvement, à le rompre. C'est alors que, hors des murs de la grange, s'élevèrent deux longs rugissements." Métaphores de luxe pour ces prisonniers russes affamés dans une grange à quelques kilomètres du front ; tout proche, incongru, un cirque avec des fauves à nourrir (nouvelle éponyme "Les bêtes").


Trois récits se déroulent en temps de guerre, mais j'ai été plus sensible aux trois autres : "La vie écarlate", un jeune orphelin devient boucher malgré lui, "Le chat", un couple emménage dans un espace empreint de mystère et hanté par un chat inquiétant "et "Gaston" où des rats envahissants perturbent les services de dératisation.


Bémol technique, ma version numérique souffre de coquilles dues, j'imagine, à la procédure de reconnaissance optique pour numériser le livre : "Ils" devient "Us" ou "Il" devient "H" et les guillemets ouverts "«" deviennent "à", etc. C'est agaçant et finit par induire un doute quant aux mots qu'on a sous les yeux.


Pour celles et ceux qui veulent aller plus loin, deux études (Université de Gand).

"La guerre de Pierre Gascar", où la littérature est vue comme témoignage de la guerre.

Puis un mémoire de maîtrise titré "Enjeux de l'écriture de la nature chez Pierre Gascar". Extrait : "... la ligne de frontière séparant le règne animal de la nature humaine semble tout simplement inexistante dans ce recueil. Ainsi, il nous semble que, dans plusieurs nouvelles, l'homme et l'animal se rapprochent l'un de l'autre dans une forme hybride, où l'homme se transforme, du moins partiellement, en une entité zoomorphique." La tendance humaine à l'atavisme y est en effet très présente.


Dans la suite de son oeuvre, les affinités de Gascar avec le monde naturel deviendront un vrai souci écologique et il condamnera les dégâts causés par l'industrie et la modernité. J'avais très apprécié "La friche" (1993) révèlent mes notes de 2006.
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J'avais eu l'idée de lire Les Bêtes de Pierre Gascar quand FOG l'avait mentionné dans son livre L'animal est une personne. Je ne savais pas trop à quoi m'attendre, si ce n'est à un roman. Mais Les Bêtes est un recueil de textes sur les animaux: le premier, Les Chevaux, ne m'a pas beaucoup intéressée (univers très masculin, ambiance de guerre) et je l'ai lu en diagonale. J'ai poursuivi avec La Vie écarlate, le seul que j'ai lu correctement : un jeune garçon est embauché par le boucher du village. On assiste à la mise à mort de veaux, d'agneaux, de moutons, en plein coeur du village, dans un hangar. Contre son gré, le garçon devient donc apprenti-boucher. On apprend beaucoup d'horreurs sur les animaux de boucherie, comment on enferme un jour dans le noir un veau qu'on force à boire des litres d'eau avant de le tuer le lendemain, afin de fournir du "veau blanc", une viande tendre. La préparation du veau est d'ailleurs horrible : le garçon, qu'on force à récurer le dessous des pattes, se retrouve avec une tête dans une cuvette, tête du veau qu'il avait contre lui la veille.
La Vie écarlate m'a plu par la tournure qu'il prend à la fin : le boucher est contraint, par de nouvelles lois, à ne plus tuer ses bêtes chez lui. L'abattoir devient le lieu officiel. Il résiste, ne veut pas, trouve toutes les ruses jusqu'à ce qu'enfin, il parte une nuit en pleine nature. Alors que le mouton, le veau et l'agneau vont être sacrifiés avec leurs pattes accrochées aux arbres, le jeune garçon s'enfuit car les branches, dans le vent, crient la plainte de tous les animaux sacrifiés.

Les autres récits, je ne les ai pas lus, juste parcourus, même si je me suis attardée davantage sur Gaston qui raconte comment les rats ont envahi la ville. Mais c'est une espèce qui semble nouvelle et l'un d'entre eux a reçu le prénom de Gaston. Tout le monde est terrorisé par leur présence.
Je m'attendais peut-être à quelque chose de plus engagé. On était dans un récit assez objectif, même si l'on perçoit, au creux de phrases, ce que peut penser l'auteur.

Je ne suis pas parvenue à être happée par cette lecture qui parle pourtant des animaux. L'ennui me prenait très vite. Pierre Gascar a reçu le Goncourt pour ce livre, en 1953.
Lien : http://edencash.forumactif.o..
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Cinq récits mettant en scène les rapports des humains dit civilisés avec les animaux, ici "les bêtes" car le titre ne tient en rien au hasard : il s'agit bien des ces pauvres bêtes, dans le sens péjoratif du terme, ces animaux objets de mépris ou au mieux d'indifférence, en tout cas de dénis de respectabilité, si ce n'est comme adversaires, comme Moby Dick suscite le respect horrifié du Capitaine Achab, ici vous découvrirez la fascination dégoûtée de ses traqueurs pour "Gaston"... Ce sont des récits impitoyables sur l'impitoyabilité des hommes vis-à-vis des bêtes, mais aussi - c'est ce qu'on ne peut s'empêcher de ressentir, particulièrement avec le premier récit autour des chevaux parqués dans une baraque de type concentrationnaire - vis-à-vis de leurs semblables, pour peu que ceux-ci se retrouvent en position de vulnérabilité ou d'infériorité. Cette cruauté humaine est mise à nu par une langue incroyablement ciselée, d'une élégance extraordinaire, à mettre au rang de Julien Gracq, Ernst Jünger. Au cas où vous douteriez de mon jugement, sachez que Kenzaburô Oé, prix nobel de littérature en 1994, cite Pierre Gascar comme ayant joué un rôle déterminant dans son cheminement. D'ailleurs il partage avec lui ce goût très japonais qui mêle cruauté et raffinement.
Bref, Pierre Gascar, un auteur oublié de façon incompréhensible, à réhabiliter absolument !
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Mon Dieu!, mon Dieu, faites qu'on ne tue plus jamais les moutons.
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Video de Pierre Gascar (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Pierre Gascar
La Fête du Livre de Bron propose chaque année une journée de réflexion sur des enjeux majeurs de la littérature contemporaine. le vendredi 8 mars 2019, nous proposions un focus sur les liens entre littérature, nature sauvage, grands espaces, sciences humaines et environnement. Lors de cette 33ème édition, nous avions la chance d'accueillir Pierre Schoentjes, professeur à l'Université de Gand, spécialiste du « nature writing » en langue française pour un grand entretien exceptionnel, animé par Thierry Guichard, à revivre ici en intégralité.
Dans Ecopoétique, Pierre Schoentjes étudie les spécificités du « nature writing » en langue française – le terroir plus que la terre, le lieu plutôt que le paysage, l'esthétique plutôt que l'éthique – en délimitant un corpus littéraire constitué d'écrivains comme Jean-Loup Trassard, Pierre Gascar, Charles-Ferdinand Ramuz ou Philippe Jaccottet. Mais il explore aussi les oeuvres d'écrivains très contemporains comme Emmanuelle Pagano, Belinda Cannone ou Marie-Hélène Lafon. En partenariat avec l'Université Lyon 2, la Médiathèque Départementale du Rhône et Médiat Rhône-Alpes.
©Garage Productions.
Un grand merci à Stéphane Cayrol, Julien Prudent et David Mamousse.
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