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EAN : 9782742735624
41 pages
Actes Sud (04/02/2002)
3.89/5   14 notes
Résumé :

Deux hommes, dans un pays dévasté par la guerre, brûlent les morts. Une femme, laissée pour morte, se relève. Ils la nourrissent, prennent soin d'elle. Elle se joint à eux pour entretenir le bûcher. Elle ne parle pas, ne parle qu'aux morts.

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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Deux fossoyeurs brûlent les corps que la guerre prive de vie. Leur dos se brise, leurs mains sèchent, leur peau les gratte. Quand on vous donne un travail qu'aucune bête ne ferait, qui se soucie des conditions dans lesquelles vous le faites ? Ils lèvent la voix, rien n'y fait. Une femme leur apparaît. Phare de vie sur l'océan de mort que la guerre balaie. Oasis d'espoir dans un désert d'oubli. le droit de grève et le devoir de mémoire vont-ils faire cause commune ?
Les morts de nos guerres, les migrants qui les fuient, les sans-grades qu'on asservit : dans Cendres sur les mainsLaurent Gaudé prête sa plume à ceux qui n'existent pas ou si peu que certains sont prêts à effacer leur trace pour brouiller l'histoire. Mais voilà, le récit, le chant et l'amour aussi portent des flammes.
Le texte de Gaudé est un miracle de sens, de poésie et, aussi, d'humour. Alexandre Tchobanov le sert avec ferveur et sobriété, comme il sied. La scène avec sa brume, qu'aucun vent ne dissipe plus depuis des mois, dit les conflits de l'humanité, le rôle et l'identité, le pouvoir et la paix, la vie et l'oubli. Les trois acteurs révèlent avec naturel chaque degré du texte et climat du propos. le jeu, le rythme, les timbres et le chant de la voix, les corps qui flottent, volent et naviguent. Non, on n'est pas prêt d'oublier cette femme dans la nuit. Ces Cendres sur les mains où se joue le drame antique qui redit l'absurde des guerres d'aujourd'hui. Tendons les mains... et courons (re)voir la pièce si cet été on est à Avignon.

CENDRES SUR LES MAINS de Laurent GAUDÉ
Lundi 15 mai, 15h - Studio Hébertot, Paris
AVANT-PREMIÈRE PARISIENNE AVANT AVIGNON (13h45 au Théâtre des Carmes André Benedetto du 7 au 26 juillet 2023 - relâche les 13 et 20)
Mise en scène : Alexandre Tchobanoff
Distribution : Arnaud Carbonnier, Olivier Hamel, Prisca Lona
Assistante m.e.s : Prisca Lona
Régisseuse : Janou Dupraz
Production : le Théâtre de Demain
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Un mot - allez-y!
C'est une pièce bouleversante, très bien jouée (surtout Olivier Hamel dans le rôle du Deuxième fossoyeur). Extrême économie de moyens - trois acteurs sur scène, décors minimaux, quelques éléments très épars, comme une voix off, ou une séquence vidéo...
Tout d'abord, c'est une écriture littéraire et théâtrale puissante. Gaudé n'écrit pas son théâtre comme il écrit sa prose, les choses sont épurées, ramassées, fortes...
Le contexte est celui de la guerre de Kosovo. Deux fossoyeurs sont chargés de brûler les corps. Or l'un de ces corps se trouve être vivant, et c'est celui d'une ennemie - d'une femme de surcroît... Rien que cet incipit pourrait couper tout envie d'y aller. On a une certaine saturation des thèmes doloristes, conflictuels, et il est clair que Gaudé est à l'opposé du divertissement. Il s'agit ici d'une oeuvre artistique au sens fort. Mais justement, c'est la présentation du spectacle qui identifie les lieux et les forces, pas le spectacle lui-même. Aucune allusion au contexte historique réel, aucun nom qui pourrait river l'inspiration aux lourdeurs d'un contexte précis. Ce qui fait que, tout en étant située, l'oeuvre de Gaudé s'envole vers les cimes universelles. Chacun peut s'y reconnaître, y lire sa propre histoire personnelle ou collective. Car Gaudé négocie le seuil que la religion négociait, celui de la vie et de la mort, le sens de l'une, le contenu de l'autre. La manière dont Gaudé rythme les choses, comment il serre le fil narratif, comment il navigue parmi les horreurs sans jamais nous faire choir dans la fange, en restant étonnamment pudique pour ne pas alourdir son propos par le détail macabre - tout cela est une manifestation d'une véritable maestria, qui rend la visite au spectacle tout à fait recommandée.
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Sublime petite pièce de théâtre, cette oeuvre de Laurent Gaudé est publiée dans la collection "papier" d'Actes Sud. A explorer, au passage, il y a de belles surprises. Cette tragédie donne à lire l'indicible en peu de pages. Dans un pays en guerre, deux fossoyeurs sont chargés de brûler les morts.

Une femme, laissée pour morte, se relève d'entre les cadavres et se joint à eux. Sa méthode de "travail" n'est pas la même qu'eux. Les morts, elle les recoiffe, leur caresse les joues, déplie leurs membres et leur parle. D'ailleurs, elle ne parle qu'à eux.

Le savon, la chaux, la fumée pour dire la douleur, l'horreur et le néant. Inspiré par le témoignage d'une réfugiée kosovare, Laurent Gaudé prouve ici que les tragédies du 21e siècle n'ont rien à envier aux drames antiques.
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Laurent Gaudé se fait reporter de guerre dans plusieurs de ces pièces. Pas celles que l'on voit à la télé. Non, celles qui ne portent aucun nom. Elles s'appellent « La guerre ». Leur point commun, la désolation, la misère, la mort, les cadavres. On ne parle pas ou peu d'eux, on les appelle les Morts tombés sur le champ de bataille et on se promet de ne pas les oublier.
A l'époque et là où elle se passe, les morts il faut les enterrer deux fossoyeurs (fossoyeur 1 fossoyeur 2) brûlent et enterrent chaque jours ces corps disloqués. Les cendres brûlent leur peau, font tousser. Ce ne sont pas des obsèques mais juste un travail d'enfouissement. Une rescapée, une ennemie, semble-t-il est là, mutine. Elle les observe et essaye de donner un peu d'humanité à tout cela. Ils la laisse en vie.
Trois seuls acteurs de cette pièce très forte même si l'on a parfois le sourire aux lèvres. L'horreur est là. On imagine le reste et c'est pire encore l'imagination.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Fossoyeur 2. Qu'on est comme eux.
Fossoyeur 1. Comme qui?
Fossoyeur 2. Les morts.
Fossoyeur 1. Ne dis pas n'importe quoi.
Fossoyeur 2. Des fois. De plus en plus souvent. Je me dis ça.
Fossoyeur 1. T'es vivant.
Fossoyeur 2. Je ne sais pas.
Fossoyeur 1. T'es mort si tu veux, moi, je suis vivant.
Fossoyeur 2. Pas mort comme eux, peut-être. Mais quand même.
Fossoyeur 1. Quand même quoi ? On est mort ou on l'est pas.
Fossoyeur 2. Des fois, justement, je me dis que c'est plus embrouillé que ça.
Fossoyeur 1. Plus embrouillé ?
Fossoyeur 2. Encore vivant, un peu, mais pas mal mort déjà. Tu vois ?
Fossoyeur 1. T'es mort ou tu l'es pas.
Fossoyeur 2. Qui se soucie de nous ?
Fossoyeur 1. Ça n'a rien à voir.
Fossoyeur 2. On n'existe pour personne. C'est comme d'être mort, ça.
Fossoyeur 1. On est vivants, je te dis.
Fossoyeur 2. Pourquoi ?
Fossoyeur 1. Parce que ça nous gratte. C'est une preuve, ça. On est vivants, mon vieux. Tant que ça nous démangera.
Fossoyeur 2. Et si c'était pire que ça ?
Fossoyeur 1. Qu'est ce que tu veux dire ?
Fossoyeur 2. Non seulement morts. Mais des morts que ça gratte encore.
Fossoyeur 1. Il faut être vicieux pour penser ça. T'es vivant, compris ? Tu te tais. Tu réfléchis plus. T'es vivant. C'est comme ça.
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J’ai longé des routes,

Traversé des terres que je ne connaissais pas.

J’ai fait saigner mes pieds.

J’ai erré longtemps jusqu’à atteindre, un jour, le haut de la colline.

Je me suis arrêtée.

A mes pieds,

Sur des kilomètres, à perte de vue, se tenait un campement.

Un amas immense de tentes et d’abris.

Une ville entière d’enfants pieds nus et de réfugiés.

Je suis restée là, à les contempler.

J’ai embrassé du regard cette foule qui se tenait serrée.

Et je suis descendue, lentement, au milieu des miens.
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" Ils les jettent. Sans ménagement. Ils n'y pensent même pas. Moi, je regarde ces corps, étendus là, les jambes pliées, un bras derrière le dos, parfois. Comme désarticulés. Je les regarde. Je m'en approche. Je ne peux pas les laisser. Comme ça. Tordus. Je m'approche. Je les remets comme il faut. Mais ça ne suffit pas."
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Fossoyeur 1. On nous méprise. Si. Parfaitement. Il faut être lucide. On nous méprise. Très bien. On va leur montrer qu'on peut s'organiser. Ils ne veulent rien entendre. Bon. Il nous reste une arme. Celle de tous les travailleurs méprisés.
Fossoyeur 2. C'est quoi ?
Fossoyeur 1. La grève.
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Fossoyeur 2. Personne ne se soucie. Tu m'entends ?
Fossoyeur 1. ...
Fossoyeur 2. On n'est pas reconnus dans ce qu'on fait.
Fossoyeur 1. ...
Fossoyeur 2. Même notre grève, tout le monde s'en fout. C'est quand même un signe.
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Vidéo de Laurent Gaudé
Vendredi 13 novembre 2015, il fait exceptionnellement doux à Paris – on rêve alors à cette soirée qui pourrait avoir des airs de fête. Deux amoureuses savourent l'impatience de se retrouver ; des jumelles s'apprêtent à célébrer leur anniversaire ; une mère s'autorise à sortir sans sa fille ni son mari pour quelques heures de musique. Partout on va bavarder, rire, boire, danser, laisser le temps au temps. Rien n'annonce encore l'horreur imminente. Laurent Gaudé signe avec *Terrasses* un chant polyphonique qui réinvente les gestes, restitue les regards échangés, les quelques mots partagés, essentiels – écrit l'humanité qui éclot au coeur d'une nuit déchirée par l'impensable. Et offre à tous un refuge, face à un impossible oubli.
le nouveau livre de Laurent Gaudé paraît le 10 avril. Lire les premières pages : https://www.actes-sud.fr/terrasses #litterature
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