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Critique de michfred


Un fantôme a dû me caresser sans que j'y prenne garde, comme pour Salvatore Piracci, commandant du Zeffiro, du côté de Lampedusa, chargé d'arraisonner les barques -épaves des migrants venus du Soudan ou de Libye . Oui, un fantôme a dû me frôler, en passant. Comme si j'avais fait "entrer chez (moi) une ombre " ...

Des frissons partout.

Un livre plus tout jeune (2001) , mais d'une actualité brûlante, d'une acuité terrible, qui vous traverse comme un coup de poignard et ouvre dans votre confort une route violente et impérieuse dont le sillage n'a pas fini de vous hanter.

Salvatore, le mal nommé, sauve des vagues les malheureux migrants pour mieux les renvoyer dans l'enfer qu'ils cherchent à fuir- Soudan, Libye, Irak, Syrie...la liste s'allonge au fil des drames de l'actualité.

Il les sauve du naufrage pour mieux naufrager leurs rêves d'Eldorado.

L'Eldorado de cette Europe fantasmée, terre d'asile, de paix, de travail et de fraternité...Il les envoie dans des centres de rétention d' où ils seront aiguillés vers leur pays d'origine, vers leur enfer personnel...

Jusqu'au jour où une femme demande à Salvatore une arme pour abattre l'homme d'affaires véreux, armateur du Vittoria, le bateau-poubelle abandonné par son équipage en pleine mer avec tout son chargement d'hommes, de femmes et d'enfants promis à une fin atroce, et responsable, singulièrement, de la mort de son enfant...

Le récit épouse cette prise de conscience de Salvatore et suit le parcours croisé de deux routes inexorables.

Celle de Salvatore, d'Europe en Afrique, vers une sorte d'expiation- rédemption, sans illusion ni foi, dans la solitude et le désespoir.

Celle de Souleiman, d'Afrique en Europe, vers un Eldorado mythique, dans la solidarité farouche d'une fraternité de substitution - son amitié indéfectible pour Boubacar le Boîteux, pour tenter de faire pièce à la solitude et à l'effroi.

Le réalisme violent de certaines scènes- le siège du mur barbelé de la frontière marocaine, à Ceuta- se mêle à la dérive hallucinée de Salvatore, de plus en plus nu, seul, dépouillé de lui-même, jusqu'à atteindre une sorte d'existence poétique et divine, qu'il accepte comme un destin.

Un très beau livre, qui résonne avec une intensité particulièrement dramatique dans le contexte actuel..



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