« Vous avez donc fait de l’or ? » lui dis-je un jour d’un air de doute, en regardant son chapeau presque aussi vieux que le mien.
« Oui, me répondit-il avec un parfait dédain, j’ai eu cet enfantillage ; j’ai fabriqué des pièces de vingt francs qui m’en coûtaient quarante ; du reste, tout le monde fait de l’or, rien n’est plus commun : Esq., d’Abad., de Ru., en ont fait ; c’est ruineux. J’ai aussi composé du tissu cellulaire en faisant traverser des blancs d’œuf par un courant électrique ; c’est un bifteck médiocre et qui ressemble toujours un peu à de l’omelette. J’ai obtenu le poulet à tête humaine, et la mandragore qui chante, deux petits monstres assez désagréables ; comme maître Wagner, j’ai un homunculus dans un flacon de verre ; mais, décidément, les femmes sont de meilleures mères que les bouteilles. Ce qui m’occupe maintenant, c’est de sortir de l’atmosphère terrestre. Peut-être Newton s’est-il trompé, la loi de la gravitation n’est vraie que pour les corps : les corps se précipitent, mais les gaz remontent. Je voudrais me jeter du haut d’une tour et tomber dans la lune. Adieu ! » (p125/126)
UNE VISITE NOCTURNE
Mon ciel a été le manteau de la cheminée ; mon horizon, la plaque noire de suie et blanche de fumée ; un espace de quatre pieds où il faisait moins froid qu’ailleurs, mon univers. (p122)
L’ÂME DE LA MAISON
Pourtant, n’allez pas croire que le temps ainsi passé soit du temps perdu. Cette mort apparente est ma vie.
Cette solitude et cette inaction, insupportables pour tout autre, sont pour moi une source de voluptés indéfinissables.
Mon âme ne s’éparpille pas au-dehors, mes idées ne s’en vont pas à l’aventure parmi les choses du monde, sautant d’un objet à un autre ; toute ma puissance d’animation, toute ma force intellectuelle se concentrent en moi ; je fais des vers, excellente occupation d’oisif, ou je pense à la petite Maria, qui avait des taches roses sur les joues. (p124/125)
L’ÂME DE LA MAISON
« Vous m’avez crue plus sorcière que je ne l’étais, ma chère enfant ; l’oreiller que je vous ai donné est comme tous les autres oreillers, un sac de toile bourré de plumes ; il n’a jamais dit un mot. Vous avez pris sa voix pour la voix de votre conscience, qui se faisait entendre dans le recueillement de la nuit ; votre imagination, frappée, aidait à l’illusion. Vous avez cru entendre ce que vous disiez vous-même : cela ne vaut-il pas la bague du prince Chéri et tous les talismans possibles ? Maintenant, votre raison est formée, vous avez un mari qui répondra à toutes vos questions, qui éclairera tous vos doutes. Vous n’avez plus besoin de l’oreiller, mettez-le de côté, et gardez-le pour votre première fille. » (p141)
L’OREILLER D’UNE JEUNE FILLE.
Avec la jeunesse de ma pensée, celle de mon corps s’en est allée aussi ; mes joues, rebondies et roses comme des pommes, se sont profondément creusées ; ma bouche, qui riait toujours,
et qu’on eût prise pour un coquelicot noyé dans une jatte de lait, est devenue horizontale et pâle ; mon profil se dessine en méplats fortement accusés ; une ride précoce commence à se dessiner sur mon front ; mes yeux n’ont plus cette humidité limpide et bleue qui les faisait briller comme deux sources ou le soleil donne : les veilles, les chagrins les ont fatigués et rougis, leur orbite s’est cavée, de sorte qu’on peut déjà comprendre les os sous la chair, c’est-à-dire le cadavre sous l’homme, le néant sous la vie. (p98)
L’ÂME DE LA MAISON
« Lorsque les volets de La Descente de croix s’entrouvrirent, Tiburce éprouva un éblouissement vertigineux, comme s’il eût regardé dans un gouffre de lumière ; la tête sublime de la Madeleine flamboyait victorieusement dans un océan d’or, et semblait illuminer des rayons de ses yeux l’atmosphère grise et blafarde tamisée par les étroites fenêtres gothiques. Tout s’effaça autour de lui ; il se fit un vide complet. [...] » (p60)
LA TOISON D’OR
En 1834, Balzac imagine et commande une canne somptueuse à l'orfèvre parisien le Cointe.
La « pomme » en or, finement ciselée des armoiries des Balzac d'Entraigues, qui n'ont aucun lien avec l'écrivain, est ornée d'une constellation de turquoises, offertes par sa bien-aimée Mme Hanska.
Cette canne est excessive en tout, et très vite, elle fait sensation parmi journalistes et caricaturistes. C'est la signature excentrique de l'écrivain, la preuve visible et provocante de son énergie et de sa liberté, imposant sa prestance au milieu de la société des écrivains. Pour Charlotte Constant et Delphine de Girardin, amies De Balzac, la canne est investie d'un pouvoir magique…
Pour en savoir plus, rdv sur le site Les Essentiels de la BnF : https://c.bnf.fr/TRC
Crédits de la vidéo :
Direction éditoriale
Armelle Pasco, cheffe du service des Éditions multimédias, BnF
Direction scientifique
Jean-Didier Wagneur
Scénario, recherche iconographique et suivi de production
Sophie Guindon, chargée d'édition multimédia, BnF
Réalisation
Vagabondir
Enregistrement, musique et sound design
Mathias Bourre et Andrea Perugini, Opixido
Voix
Geert van Herwijnen
Crédits iconographiques
Collections de la BnF
© Bibliothèque nationale de France
Images extérieures :
Projet d'éventail : l'apothéose De Balzac
Grandville, dessinateur, entre 1835 et 1836
Maison de Balzac, BAL 1990.1
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
La canne De Balzac
Orfèvre le Cointe, 1834
Maison de Balzac, BAL 186
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Sortie des ouvrières de la maison Paquin, rue de la Paix
Béraud Jean (1849-1936)
Localisation : Paris, musée Carnavalet, P1662
Photo © RMN-Grand Palais / Agence Bulloz
La pâtisserie Gloppe, avenue des Champs-Elysées
Béraud Jean (1849-1936)
Localisation : Paris, musée Carnavalet, P1733
Photo © RMN-Grand Palais / Agence Bulloz
Balzac à la canne
Illustration pour Courtine, Balzac à table, Paris, Robert Laffont, 1976
Maison de Balzac, B2290
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Balzac, croquis d'après nature
Théophile Gautier, 1830
Maison de Balzac, BAL 333
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Portrait-charge de Balzac
Jean Pierre Dantan, sculpteur, 1835
Maison de Balzac, BAL 972
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Honoré de Balzac
Jean-Théodore Maurisset, graveur, 1839
Maison de Balzac, BAL 252
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Balzac en canne
Jean-Théodore Maurisset, graveur, 1839
Maison de Balzac, BAL 253
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Comtesse Charlotte von Hardenberg
Johann Heinrich Schroeder (Boris Wilnitsky)
Droits réservés
Delphine Gay (Portrait de Delphine de Girardin)
Louis Hersent, 1824
Musée de l'Histoire de France
© Palais de Versailles, RF 481
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