J'ai beaucoup travaillé la sonate de Kodaly. je commence à la sentir au bout de mes doigts. Je sais l'interpréter. J'ai déjoué tous les pièges. Maintenant, il faut que je la fasse vibrer de son souffle à elle. Trouver l'esprit qui la hante. Pour le docteur et le parfum de sa femme. C'est cela qu'il veut entendre. L'âme parfumée de la sonate.
Souvent, on aime les musiques qui ressemblent à notre âme. Même si on ne le sait pas.
J'ai suivi avec espoir et inquiétude chaque geste de Myriam tentant d'apprivoiser sa maladie jusqu'au moment où un violoncelle fut déposé dans sa chambre. Il y avait là une clé qu'elle a patiemment utilisée, jusqu'à créer la tendresse et entrouvrir une porte.
(extrait de la préface)
Un corps respire avec la musique, un corps respire la musique, s'en gave et la crache, se vide avec elle de toute la beauté qu'elle contient, un corps exulte et meurt, dans une fusion gourmande avec la voix du violoncelle.
- C'était un des morceaux préférés de ma femme. Elle est morte. Comme vous, elle était musicienne et jouait du violoncelle... dans un orchestre symphonique. D'elle il ne me reste que des souvenirs, des parfums de musique, comme ceux qui embaument votre chambre quand vous jouez.
(Référence à la Sonate pour violoncelle seul, op. 8 de Zoltán Kodály)
Anne-Sophie est différente quand elle écoute du violoncelle. Plus vivante, dans un ailleurs inaccessible. Une émotion, enfin, passe sur son visage, s'inscrit dans son corps.
Carvalec est bouleversé par la beauté féroce de ces confidences.
J'entendais ceux des autres mais mes mots n'avaient rien à dire.
Je hurlais des saletés. Tu étais une ordure, un salaud, une merde. J'éructais des mots obscènes parce que je les pensais, parce qu'ils te correspondaient, parce que mon ventre les vomissait naturellement. Mon visage devait être maquillé de ta laideur. Je me suis épuisée en vain. Je me suis trouvée laide et sale, après. Je n'ai plus eu envie d'être sale ainsi, après. J'ai renoncé. J'ignore pourquoi je m'habitue à l'infortune.
C'est un dialogue à trois, une partie de billard où les boules peuvent tourner sans fin, se cogner obstinément et ne jamais trouver l'apaisement du trou.