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Critique de Eskalion


C'est un nouveau livre, un premier roman. Il est signé Olivier Gay, et sans doute s'agit il là d'un beau bébé puisque celui-ci vient de se voir décerner le prix du « premier roman » à Beaune. Remis chaque année à l'occasion du festival international du film policier qui ne manque jamais de faire une place à la littérature, ce prix est un coup de pouce donné à de jeunes auteurs en devenir.

Il s'appelle John Fitzgerald (un prénom qui, vous en conviendrez, donne une sacrée envie de vouloir s'essayer au fusil à lunette en accrochant ses parents dans la ligne de mire) et c'est un noctambule. Un clubber comme on dit dans le milieu branché des nuits parisiennes.

Mais un clubber du genre sangsue. de ceux qui vous collent aux basks, parce qu'il n'est pas pété de tunes au point de pouvoir vous lâcher plusieurs billets de 200 pour une bouteille, mais qui aime la lumière des stroboscopes et des lasers et tout ce qui s'agite dessous .Et si cela peut frétiller sur des escarpins et dans des bas résilles, cela n'est pas pour déplaire à notre play-boy.

Alors notre félin nocturne se faufile à votre suite, une main sur l'épaule, en se faisant passer pour votre ami pour accéder aux carrés VIP des boîtes de nuits, pour boire votre champagne et danser avec vous, agrégeant rapidement autour de lui des corps qui s'agitent et se frottent, focalisant sur sa personne des regards riches de promesses chaudes et avides de luxure.

Il n'est pas vraiment de leur monde, mais il y est toléré, quand il n'est pas désiré. Car Fitz sait se rendre indispensable. C'est un petit dealer. Il n'ambitionne pas de s'enrichir pour mener la grande vie ou pour devenir incontournable sur le marché. Mais il se targue d'être honnête avec ses clients, en ne coupant jamais sa dope, et les petites quantités qu'il leur vend lui permettent de profiter de cette vie de strass et de paillettes. Alors il fait partie du décor et peut profiter de ce monde qui n'est pas le sien, où il côtoie des vedettes sportives, des stars de la mode ou des jeunes premiers du cinéma, et profite un peu de leurs fastes.

Malheureusement, dans la multitude des conquêtes que sa belle gueule a pu lui permette de réaliser, figure une ex, Jessica. Celle avec qui il a partagé un peu plus qu'une nuit sans lendemain. Mais Jess est flic .Et après plusieurs mois de silence qui ont suivi leur rupture, la voici qui reprend contact avec lui. N'en déplaise à sa fierté de coq noctambule, elle ne revient pas vers lui pour des raisons sentimentales mais parce qu'elle a besoin de son aide et de ses connaissance des nuits de la capitale. Et pour obtenir cette aide, elle n'hésitera pas à le coffrer pour ses petites activités artisanales pour faire pression sur lui.

Car il y a urgence. Si la presse n'en parle pas , cela fait déjà plusieurs cadavres de jeunes femmes que la police retrouve, atrocement mutilées. Les victimes, si elles ne se connaissaient pas, ont toutes pour point commun d'être des habituées des discothèques parisiennes. Et qui mieux que Fitz pour rendre ce petit service à la police en enquêtant discrètement dans le microcosme de la nuit ?

Aidé de Moussah et de Deb , deux connaissances des pistes de danse et clients habituels de Fitz, le trio se lance sur la piste du tueur, bientôt rejoints par la jeune Mei. Mais il se pourrait bien qu'à vouloir approcher la vérité, ces papillons de nuit finissent par se brûler les ailes.

Voilà un roman qui me laisse une impression mitigée au moment de le refermer. Des qualités indéniables pour un premier roman, mais en même temps des points de rupture pour le lecteur que je suis.

Laissons de côté le sujet du sempiternel tueur en série décliné à toutes les sauces dans les thrillers de ces 15 dernières années dont on finit par avoir une vrai overdose, car l'intérêt du roman d'Olivier Gay est ailleurs.

Par exemple dans la description de cet univers de la nuit dont l'auteur fait une restitution impitoyable et sans concession. Un monde où la valeur d'un individu ne se mesure pas à ses actes mais à la marque de ses vêtements et à l'épaisseur de son portefeuille. Un monde sauvage où les mâles chassent en rabattant au milieu de la piste les filles consentantes de leur sort à venir , où les plus riches, se servent les premiers comme des chefs de meute, et où les restes vont aux sangsues des soirées mondaines, aux seconds couteaux dont Fitz est le parfait représentant.

Personnage insipide et superficiel au début du roman, n'ayant que pour seul leitmotiv que de profiter de la vie et de l'argent des autres, d'investir dans des marques pour entretenir son image de clubber belle gueule et bon baiseur, Olivier Gay nous fait découvrir peu à peu l'envers de son univers.

Une chambre de bonne dans un quartier chic de la ville pour le cadre, une vie rythmée par la visite hebdomadaire à ses parents pour partager avec eux le repas dominical, et l'univers virtuel d'un jeu vidéo. Pour le reste, une existence mise en sommeil le temps que la nuit revienne, que réveillera et bousculera cette enquête dans laquelle il se lancera. Alors il redeviendra progressivement pour le lecteur plus humain, et de fait plus attachant aussi.

A cela s'ajoute un humour, un ton parfois grinçant qui rajoute au roman un soupçon de cynisme et donne paradoxalement une certaine saveur à l'écriture d'Olivier Gay.

Mais ces qualités s'en trouvent fortement altérées par deux défauts majeurs qui font que je n'aurai finalement jamais accroché à ce livre. D'abord celui d'un scénario trop linéaire, où il manque véritablement des rebondissements. Rien n'est entrepris pour duper un temps le lecteur, le conduire sur une fausse piste. Enfin, plus ennuyeux à mes yeux, le manque évident de crédibilité de l'histoire.

Comment en effet peut on imaginer un seul instant la police confier à un individu quelconque, dealer de son état qui plus est, le soin de mener une enquête !

Comme si celle-ci n'était pas capable d'interroger les habitués des discothèques, photos des victimes en mains, pour trouver une piste vers l'assassin et qu'il faille qu'elle en passe par Fitz ?

Que penser quand en plus celui-ci se voit invité à rejoindre une scène de crime sanguinolente comme un inspecteur de la première importance. Son ex fait vraiment une piètre enquêtrice !

Comment ne pas s'interroger qu'avec des corps qui s'accumulent, la presse n'ait à aucun moment, vent de cette histoire. La police veut taire cette affaire mais mets un fêtard dans le secret ? Peu crédible !

Au départ Moussah, Deb, ne sont même pas des amis, juste des connaissances, des clients, et pour Mei , la dernière fille levée pour finir dans son lit. Pourtant les voilà tous les trois à se lancer dans cette enquête avec entrain, à la suite de Fitz, comme si leur connivence était évidente et allait de soi.

Pour le coup donc, je suis nettement moins enthousiaste que certains de mes amis concernant ce roman. Les qualités romanesques sont là, c'est indéniable. Mais Olivier Gay gagnerait beaucoup à rendre plus réaliste le scénario qu'il propose à ses lecteurs. Car malgré les aspects positifs évoqués plus haut, ces détails ont fini par nuire à mon plaisir de lecteur.

Pour autant, le roman se laisse lire, et visiblement il a déjà su trouver ses lecteurs puisque les ventes semblent bien marcher pour lui. Ce n'est pas négligeable pour rentrer dans le métier, d'autant qu'Olivier Gay a décidé d'abandonner son boulot pour se consacrer entièrement à l'écriture.

Un premier roman est toujours l'amorce d'un art qui se peaufine avec le temps. Gageons qu'Olivier Gay parvienne à nous surprendre avec son prochain roman et corriger ces quelques erreurs évoquées plus haut, c'est bien là en tout cas, tout le mal que je lui souhaite.
Lien : http://passion-polar.over-bl..
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