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Critique de Presence


Ce tome est le cinquième de la série, après The fatal bullet (The true account of the assassination, lingering pain, death, and burial of James A. Garfield, twentieth president of the United States). le tome suivant est The Beast of Chicago (An account of the life and crimes of Herman W. Mudgett, known to the world as H.H. Holmes). le présent tome est noir & blanc, écrit et dessiné par Rick Geary, initialement paru en 2001. Il contient une histoire complète et indépendante de toute autre.

Au début se trouve 3 cartes schématiques du New Jersey, de New York, et de la rive d'Hoboken. Partie I : a body in the river - le mercredi 28 juillet 1841, 2 jeunes hommes à bord d'une barque sur l'Hudson River aperçoivent un cadavre flottant. Peu après 5 promeneurs découvrent ledit cadavre. Il est identifié comme étant celui de Mary Rodgers, une jeune femme logeant avec sa mère qui gère une pension de famille à New York, rue Nassau. Partie II : the history of Mary Cecilia Rogers, and the days that led to her murder - Tout est dans le titre : qui était cette jeune femme et qu'a-t-elle fait les jours précédant le meurtre ? Partie III : the investigation - L'enquête va s'étaler du 11 août 1841 au 07 octobre de la même année, avec des hypothèses plus ou moins vérifiables, et la découverte de nouveaux éléments. Partie IV : Edgar A. Poe - L'écrivain s'est inspiré de ce meurtre pour sa nouvelle le mystère de Marie Roget, déplaçant les faits à Paris, mais proposant une hypothèse qui apporte un nouvel éclairage sur les circonstances et les raisons du meurtre de Mary Rogers. Partie V : the mystery of Mary Rogers - Ce meurtre n'a jamais été élucidé et bien des questions demeurent sans réponse.

Rick Geary est au meilleur de sa forme : par le biais de ce récit, il plonge le lecteur dans une évocation historique, à taille humaine, du New York de 1841. Ses dessins en apparence un peu frustes donnent en fait à voir beaucoup. le lecteur peut commencer par apprécier les tenues de ces messieurs (en particulier les chapeaux), et les toilettes des dames (ces robes, ces gants, sans oublier les ombrelles). Je suppose qu'un habitant de New York sera également sensible à la promenade aménagée le long de l'Hudson River, coté New Jersey, version 1841. L'immersion continue avec le débarcadère du ferry, la promenade en barque, l'évocation des plaisirs procurés dans le quartier du Bowery, la crise économique de 1837, l'opulente décoration d'un bureau de tabac (plaisir de luxe), la rotative d'époque pour imprimer les journaux, etc. Toutes ces images viennent en complément des textes pour donner à voir cette époque d'une manière simple et très vivante. le chapitre consacré aux supputations d'Edgar Allan Poe prend la peine d'exposer sa position sociale de l'époque, son absence de reconnaissance, et la raison personnelle pour laquelle il s'est vraisemblablement intéressé à cette affaire.

Geary ne se contente pas de faire revivre ce milieu par les images, il évoque également quelques spécificités de la société à cette époque. le lecteur découvre ou se rappelle des conditions d'avortement assez hasardeuses. Geary glisse en passant que la société de cette époque était déjà écartelée entre le respect des bonnes moeurs inhérent à l'apparence sociale, mais aussi une forme de permissivité sous-jacente découlant de la jeunesse de cette nation où beaucoup de choses devenaient possibles. le déroulement de l'enquête fournit également l'occasion de glisser un mot sur l'organisation des forces police à New York, composées d'agents non salariés, rémunérés par les cours de justice à l'acte, ou par des récompenses. Il met en parallèle ces moyens dérisoires, avec l'activité brutale de gangs de voyous agissant impunément et terrorisant le bourgeois à leur guise. Geary sait aussi montrer comment les journaux représentent déjà un quatrième pouvoir au sein de la ville. Dès lors qu'ils s'emparent de l'assassinat de Mary Rogers (un parmi de nombreux autres, à en croire les remarques de Geary), les pouvoirs publics doivent faire preuve de plus de diligence, et y consacrer plus de moyens. C'est un thème que Geary reprendra dans d'autres affaires par la suite. Mine de rien, au travers de ces cas de meurtre, Geary met à nu certains modes de fonctionnement de la société américaine qui ont toujours cours à ce jour.

En ce qui concerne le meurtre de Mary Rogers, Geary s'en tient aux faits comme à son habitude. Il a choisi un plan qui lui permet de passer en revue tous les aspects de l'affaire dans un ordre logique. Au travers de l'énoncé des faits, il arrive à dresser un portrait attachant de la jeune femme, et peu flatteur de celui qui aurait pu devenir son mari. Toujours au travers des faits, il fait ressortir tous les degrés d'interprétation possibles de chaque événement, à commencer par les agissements de Mary elle-même. Quelle était sa vie privée réelle ? Impossible à savoir. Il est tentant de dire qu'elle était un pur produit de son époque et que son assassinat était inéluctable, quoi qu'il se soit réellement passé. Si Geary conclut son tome en estimant que la vérité ne sera jamais connue, il choisit de dédicacer son livre à ce qui n'est pas connu et ce qui ne peut pas être connu. Effectivement, cette histoire expose tous les faits et toutes les hypothèses, en explicitant les éléments de contexte qui expliquent le comportement des uns et des autres, et le comment des situations. En faisant cela, l'auteur met en évidence le caractère insondable des passions, le mystère de chaque vie, l'impossibilité de savoir qui est vraiment l'autre. À partir de ce qui ressemble à un simple exercice de style (raconter une affaire de meurtre non élucidée), Rick Geary se livre à un exercice hautement plus ambitieux, entre reconstitution historique, analyse sociétale, drame passionnel, besoin de comprendre. Ce tome est l'égal d'un bon roman noir.
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