Sur le style je reprends une citation de la page 99 qui exprime bien mon ressenti de lecture : «n'avez-vous jamais vécu un pareil moment où à travers une idée, un amour, un projet, ou toute autre raison, la certitude d'être dans le vrai efface toutes les contradictions au profit d'une plénitude incomparable ? »
Comment un traducteur devient-il écrivain, tel est le propos de ce bref roman. Par une habile mise en abîme, nous lisons presque le roman en construction du narrateur, intitulé La mécanique du mal. Mais attention, ce titre a réellement été publié par l'auteur avec un sujet sensiblement différent à en croire la quatrième de couverture. C'est subjugué par la traduction qu'il est en train de faire qu'il éprouve un indicible bonheur. Cette « fraîcheur d'une première lecture », « cette absence d'a priori si nécessaire à la perception exacte d'un livre » (p. 78) sera l'objet d'une mini enquête menée de front avec l'écriture de son roman. La violence ressentie après le refus d'un premier livre par de nombreux éditeurs laissera la place aux plaisirs habituels de ceux qui sont publiés, au point de songer aussitôt au nouveau livre ayant pour protagoniste le peintre flamand (inventé de toutes pièces) Adrian Terlinck. C'est un échec qui fait douter le narrateur et le prochain roman aura finalement un tout autre sujet. Un accident survient et avec lui une nouvelle vie pour le narrateur. En guise de conclusion : «pas de sortie majeure en littérature. Rien d'autre à afficher que soi. Sous tous les déguisements possibles. Pauvre carnaval.»(p. 123) Cela renvoie à la citation d'André Ar Vot en épigraphe et la boucle est ainsi bouclée, pourrait-on dire.
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Une histoire qui procure du plaisir et permet de s'interroger sur les limites du possible, et la capacité des autres à avoir conscience de ce qui se passe.
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Je l'affirme définitivement : personne ne connaît mieux les livres que nous. Lecteurs, critiques, éditeurs, aucun de ceux-là ne connaît le poids d'un mot, la structure d'un roman, ses plus intimes agencements, comme nous, les traducteurs.
(p. 21-22)
C’était toujours au moment de m’endormir, dans ce demi-sommeil où l’éveil parle encore. D’étranges phosphorescences apparaissaient devant mes yeux fermés. Des lettres se dessinaient, des mots se formaient. Ils allaient, venaient, s’entrechoquaient, combinaient de lentes bribes de phrases qui à leur tour s’entrelaçaient, se défaisaient, avant de disparaître pour revenir encore, jusqu’au moment où le sommeil m’emportait.
On doit se faire à l’autre, l’écouter, le comprendre, s’en imprégner, avec cette différence qu’au lieu d’un personnage, c’est un roman qu’il va falloir traduire.
J’en attendais un autre aboutissement, une autre vérité que je cherchais à travers ce qui pousse un homme à écrire : narcissisme exacerbé, expulsion de l’insoutenable, mise au clair du réel, désir d’exprimer des idées, de séduire, et bien d’autres raisons encore, toutes aussi valables mais bien inutiles à connaître dans cette période.
Je crois que ma rancune venait d'avoir toujours été parfaitement pointilleux, par respect de l'auteur, par amour de la littérature, par besoin de fidélité.
(p. 15)