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EAN : 9782701154503
128 pages
Editions Belin (10/08/2010)
3.54/5   963 notes
Résumé :
Genet a choisi comme personnages "Les Bonnes". Au début de la pièce, deux soeurs, Claire et Solange, seules dans la chambre de Madame, "d'une dame un peu cocotte et un peu bourgeoise" , pendant son absence, jouent pour elles, et entre elles, des variations sur le thème des Bonnes et de Madame. Claire incarne Madame tandis que Solange joue de temps en temps le rôle de sa soeur Claire. Chacun des personnages menace de quitter ou de reprendre sa propre personnalité, ou... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (65) Voir plus Ajouter une critique
3,54

sur 963 notes
Une drôle de pièce que ces Bonnes ; une histoire louche qui crée du malaise et qui résiste à toute explication logique.
Il faut distinguer deux choses : d'une part, le fait divers réel, l'affaire des soeurs Papin dans les années 1930 et qui présente un intérêt qui lui est propre et auquel on n'est pas forcé d'adhérer pour aborder la pièce de théâtre ; d'autre part, le drame de Jean Genet qui en est largement inspiré et qui joue sur un autre registre que le fait divers.
Cette pièce est troublante ; on y côtoie la mythomanie, la schizophrénie et surtout la paranoïa de deux soeurs, employées en tant que domestiques dans une maison bourgeoise.
Les deux jeunes femmes ne cessent de jouer leur rôle et celui de leur maîtresse vis-à-vis de laquelle elles nourrissent une profonde haine et un désir de meurtre.
On voit se dérouler devant nous leur hystérie de duo, leur folie, entrecoupée de passages lucides et ancrés dans le réel, au milieu de ce qui est fantasmé et joué.
Je dois reconnaître que c'est assez déstabilisant, on ne sait jamais si elles se parlent réellement ou si elles rabâchent pour la millième fois un scénario échafaudé et des dialogues imaginaires avec leur maîtresse.
Jean Genet s'arrange pour faire entrer en scène la maîtresse de maison en plein milieu de la pièce afin que nous puissions mesurer la métamorphose dans l'attitude des jeunes femmes envers leur patronne, attitude qui devient subitement, maladivement déférente et qui tranche si fortement avec la violence et le fiel déversés à son propos durant tout le début de la représentation.
De même, on accède à un autre éclairage sur l'attitude plutôt bienveillante et généreuse de la maîtresse du logis et la façon dont ses comportements sont interprétés par les domestiques, comme étant méprisants, condescendants et méritant une juste haine.
Bref, une pièce intéressante, très intéressante même d'une point de vue psychologique et psychiatrique, qui m'a fait me documenter sur l'affaire originelle, mais une pièce que je n'ai pas spécialement trouvée agréable au ressenti.
Ceci dit, ce n'est là que mon avis, c'est-à-dire, bien peu de chose.
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Deux bonnes,
des bonnes à tout faire,
des bonnes à rien.
Des bonnes à tuer celle qu’elles détestent
et singent par jalousie,
leur maitresse, ni meilleure ni pire qu’une autre,
le symbole de leur soumission qu’il faut mettre à mort.
Madame est servie.
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Très bon moment de lecture de cette pièce qui a en partie inspiré Claude Chabrol pour son excellent film "La Cérémonie". Les deux soeurs Claire et Solange sont bonnes, au service de Madame depuis de nombreuses années. Tous les soirs en l'absence de leur Maîtresse elles s'adonnent à une sorte de jeu de rôle, où Claire joue la Maîtresse et Solange joue Claire. Elle se parent des robes de Madame et jouent des scènes de dialogues tendus, où la haine, la jalousie, sont présentes, envisageant de tuer leur Maîtresse.

On apprend que l'amant de Madame, qu'on appellera Monsieur, a été emprisonné sur la base de lettres de dénonciation adressées à la police par Claire, et que Solange en pincerait bien pour Monsieur, au point qu'il y a peut-être eu liaison entre eux. Et puis elles ne supportent plus d'être si bien traitées par Madame, qui pour le coup est trop "bonne". Ce soir-là, elles ont prévu de faire boire un tilleul empoisonné à leur Maîtresse à son retour, mais Monsieur appelle (Claire décroche) pour annoncer sa libération provisoire...Dès lors, Madame préférera courir rejoindre Monsieur et sabler le champagne au lieu d'avaler son tilleul...Les deux bonnes restées seules reprennent leur jeu dans un tourbillon schizophrénique.

Oeuvre troublante à plus d'un titre : beaucoup de choses sont suggérées et non vraiment dites (liaison réelle ou supposée entre Solange et Monsieur, relation peut-être homosexuelle entre les deux soeurs...), il y a un trouble sur l'identité des deux femmes qui jouent souvent quelqu'un d'autre jusqu'à une forme de dédoublement, à ne plus savoir qui elles sont vraiment et à qui elles s'adressent, trouble sur leurs intentions, malsaines et inquiétantes, et leurs motivations, obscures et absurdes. Cette ambiance de perversité confine à la folie et constitue sans doute aussi un hommage au théâtre, les bonnes jouant en quelque sorte une pièce dans la pièce.
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Pièce d'une seule pièce, d'un acte unique de haine compacte et mûrie dans la servitude et l'ennui.
Un seul acte, un seul coup.
Diamant noir, comme la robe de ces bonnes-animaux domestiques.
La folie, la vengeance, la révolte, tout est là dans ce morne huis-clos, cette tranche d'existence de deux misères au service de la convention bourgeoise et mortifère.
Jean Genet secoue, révèle, insinue et s'insurge par ces deux bonnes que madame confond parfois: Claire et Solange, comme les échos noirs d'un fait divers tant provincial qu'abominable.
Les Bonnes, ces ombres de madame, vont me hanter quelques temps.
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Lorsqu'elle a été créée, cette pièce a fait scandale, elle fut jugée odieuse et malsaine. C'est vrai, « les bonnes » n'est pas une lecture agréable mais ça n'est pas le but. de l'aveu même de l'auteur, la pièce vise à créer le malaise. Oeuvre intemporelle, encore aujourd'hui, la lecture de la pièce de Genet secoue et dérange. Loin de la provocation facile pseudo-dérangeante de pièces mettant en scène des bourgeois qui s'invectivent en hurlant sur des sujets futiles, la pièce de Genet est bien plus subversive, adoptant une approche plus insidieuse pour évoquer la violence des rapports de classe.

Les bonnes haïssent leur maîtresse. Leur haine se nourrit du mépris de classe de Madame à leur endroit, un mépris qui s'exprime dans une forme pervertie de bienveillance qui vient rappeler de façon sournoisement humiliante la place de chacun. Les ordres de Madame ont beau être susurrés, ils sonnent comme des aboiements aux oreilles des soeurs. La générosité de Madame qui offre les robes et renards dont elle ne veut plus est ressentie comme une gifle par les bonnes. Ce rapport de force dominant / dominé est tellement intériorisé par les servantes qu'il n'a pas besoin d'être exprimé explicitement par la patronne pour être ressenti dans sa violence intrinsèque. Que certains soient nés pour servir tandis que d'autres soient nés pour être servis, n'est-ce pas là la plus grande violence qui puisse être ?
A cette haine résultant de l'humiliation permanente de leur condition, s'ajoute pour les soeurs une forme d'idolâtrie envers leur maîtresse. Elles la jalousent bien entendu, elles envient ses robes, ses fards, ses amours, mais cette jalousie est teintée d'une admiration quasi-sensuelle. Cette admiration ambigüe vient encore nourrir la haine des soeurs.
Ces sentiments, qui dans les faits sont tus, retenus, contenus, s'expriment de façon exacerbée et outrancière lors de la cérémonie imaginée par les soeurs où chacune à tour de rôle incarne la patronne. Dans ce rituel cathartique, où on ne sait plus qui est qui, les émotions emprisonnées sont expulsées sans fard et expriment ainsi la réalité des relations maîtresse / servantes débarrassées du vernis de la bienséance.

Si l'écriture de Genet flatte joliment les oreilles, certaines répliques sont brutalement belles, ce texte demeure assez aride et demande un effort au lecteur. Les jeux de rôles des personnages, les faux-semblants, les dissimulations et les non-dits font des « bonnes » une oeuvre difficile à appréhender.
Le plaisir de lecture n'est certes pas immédiat mais la satisfaction est ailleurs et à rebours. « Les bonnes » est une oeuvre très riche qui s'insinue dans l'esprit du lecteur pour s'y installer durablement en laissant une impression très forte.

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Citations et extraits (43) Voir plus Ajouter une citation
CLAIRE
Le moindre geste te paraît un geste d'assassin qui veut s'enfuir par l'escalier de service. Tu as peur maintenant.

SOLANGE
Ironise, afin de m'exciter. Ironise, va ! Personne ne m'aime ! Personne ne nous aime !

CLAIRE
Elle, elle nous aime. Elle est bonne. Madame est bonne ! Madame nous adore.

SOLANGE
Elle nous aime comme ses fauteuils. Et encore ! Comme la faïence rose de ses latrines. Comme son bidet. Et nous, nous ne pouvons pas nous aimer. La crasse...

CLAIRE, (c'est presque dans un aboiement).
Ah !...

SOLANGE
...N'aime pas la crasse. Et tu crois que je vais en prendre mon parti, continuer ce jeu et, le soir, rentrer dans mon lit-cage. Pourrons-nous même le continuer, le jeu. Et moi, si je n'ai plus à cracher sur quelqu'un qui m'appelle Claire, mes crachats vont m'étouffer ! Mon jet de salive, c'est mon aigrette de diamants.

CLAIRE, (elle se lève et pleure).
Parle plus doucement, je t'en prie. Parle...parle de la bonté de Madame. Elle, elle dit : diam's !

SOLANGE
Sa bonté ! Ses diam's ! C'est facile d'être bonne, et souriante, et douce. Quand on est belle et riche ! Mais être bonne quand on est une bonne ! On se contente de parader pendant qu'on fait le ménage ou la vaisselle. On brandit un plumeau comme un éventail. On a des gestes élégants avec la serpillière. Ou bien, on va comme toi, la nuit s'offrir le luxe d'un défilé historique dans les appartements de Madame.
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CLAIRE : Je hais les domestiques. J'en hais l'espèce odieuse et vile. Les domestiques n'appartiennent pas à l'humanité. Ils coulent. Ils sont une exhalaison qui traîne dans nos chambres, dans nos corridors, qui nous pénètre, nous entre par la bouche, qui nous corrompt. Moi, je vous vomis. [...] Vos gueules d'épouvante et de remords, vos coudes plissés, vos corsages démodés, vos corps pour porter nos défroques. Vous êtes nos miroirs déformants, notre soupape, notre honte, notre lie.
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Car Madame est bonne ! Madame est belle ! Madame est douce ! Mais nous ne sommes pas des ingrates, et tous les soirs dans notre mansarde; comme l'a ordonné Madame, nous prions pour elle. Jamais nous n'élevons la voix et devant elle nous n'osons même pas nous tutoyer. Ainsi Madame nous tue avec sa douceur ! Avec sa bonté, Madame nous empoisonne. Car Madame est bonne ! Madame est belle ! Madame est douce !
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CLAIRE : Je vois où tu veux en venir. J'écoute bourdonner déjà tes accusations, depuis le début tu m'injuries, tu cherches l'instant de me cracher à la face.
SOLANGE : Madame, Madame, nous n'en sommes pas encore là. Si Monsieur...
CLAIRE : Si Monsieur est en prison, c'est grâce à moi, ose le dire ! Ose ! Tu as ton franc-parler, parle.
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La chambre de Madame. Meubles Louis XV. Au fond, une fenêtre ouverte sur la façade de l'immeuble en face. A droite, le lit. A gauche, une porte et une commode. Des fleurs à profusion. C'est le soir. L'actrice qui joue Solange est vêtue d'une petite robe noire de domestique. Sur une chaise, une autre petite robe noire, des bas de fil noirs, une paire de souliers noirs à talons plats.

Claire, debout, en combinaison, tournant le dos à la coiffeuse. Son geste - le bras tendu - et le ton seront d'un tragique exaspéré.

Et ces gants! Ces éternels gants! Je t'ai dit souvent de les laisser à la cuisine. C'est avec ça, sans doute, que tu espères séduire le laitier. Non, non, ne mens pas, c'est inutile. Pends-les au-dessus de l'évier. Quand comprendras-tu que cette chambre ne doit pas être souillée? Tout, mais tout! ce qui vient de la cuisine est crachat. Sors. Et remporte tes crachats! Mais cesse!
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Videos de Jean Genet (71) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean Genet
Le texte inédit d'un auteur culte.
Juin 1942. Jean Genet est incarcéré à la prison de Fresnes, condamné à huit mois de réclusion pour vol de livres. À trente et un ans, le détenu n'a encore rien publié ; mais la cellule est un lieu propice à l'éclosion de son talent littéraire. Il y écrit son premier roman, "Notre-Dame-des-Fleurs", et le long poème "Le Condamné à mort".
L'attrait du théâtre se fait déjà sentir, comme en témoigne "Héliogabale", ce drame à l'antique dont un manuscrit a été enfin retrouvé à la Houghton Library. L'existence de cette pièce était attestée, Genet l'ayant fait lire à quelques proches et ayant exprimé le souhait qu'elle soit publiée et créée — avec Jean Marais dans le rôle-titre. Rien de cela n'eut lieu et l'écrivain n'y revint plus.
Voilà donc, plus de quatre-vingts ans plus tard, la mise en scène des dernières heures d'Héliogabale, jeune prince romain assassiné, telles que Genet les a rêvées et méditées.
Au travers de cette figure solaire, hautement transgressive et sacrificielle, à laquelle Antonin Artaud avait consacré un essai flamboyant en 1934, Genet aborde les thèmes qui lui sont chers, dans les règles de l'art mais en laissant affleurer un lyrisme bien tenu : le travestissement et l'homosexualité, la sainteté par la déchéance, la beauté par l'abjection. Un envers du monde social où l'auteur, apprenti dramaturge, entend déjà trouver ses vérités, situer son oeuvre à venir et inventer sa propre légende.
Découvrir "Héliogabale" : https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/La-Nouvelle-Revue-Francaise/La-Nouvelle-Revue-Francaise524
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