Une histoire simple ? pas si sûr, l'histoire d'un homme qui se pense artiste, qui cherche la perfection chez les autres mais surtout en lui. Un homme tout compte fait égoïste, lâche, faible. Un homme qui semble magnifique, puis perdu, puis méprisable puis ignoble...puis perdu à nouveau.
Mais au coeur du récit, il y a la langue de Genevoix. Lire Genevoix, c'est réapprendre la richesse de la langue française. Se rendre compte à chaque page de la pauvreté de notre propre vocabulaire. Mots balayés par les textos, anglicismes, raccourcis, imprécisions de toutes sortes. Lire Genevoix c'est redécouvrir l'art de la description, de la contemplation.
Un récit qui coule en douceur mais avec puissance...tout comme la Loire, fil conducteur de ce court roman.
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Un village du Morvan dans les années 1920. Un peintre, écrivain, raté intégral. Un drame rural. On s'ennuie à mourir dans ce roman pourtant fort bien écrit. Quel supplice ! Quel dommage !
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Devant lui, le chemin de halage frémissait d'ombre et de soleil entre deux flots d'herbe luisante. A gauche, les lauriers roses frissonnaient, parmi les lianes de gratterons vivaces étageant leurs collerettes de folioles. A droite, sur la pente du perré, des milliers de fleurs sauvages s'épanouissaient en pleine lumière, des saxifrages candides sur leur tige pourpre, des euphorbes d'un vert pâle et mat, des lierres terrestres et des véroniques bleues.
Il marchait au ras des herbes, les yeux vers elle. Il regardait les fleurs des ononis palpiter comme un vol de papillons roses. Une vanesse au repos, grande fleur veloutée, s'envola. Il la suivit des yeux, et vit danser dans le soleil des piérides blanches presque liliales, et des citrins qui se poursuivaient deux à deux. Un couple en tournoyant, dériva vers la Loire, se perdit dans l'immensité lumineuse.
Il la contemplait. La tendresse se gonflait en lui, commençait à l'oppresser un peu. Il recréait cette femme au gré de sa tendresse, tout ensemble l'aimant, la consolant, la remerciant. Aux ailes des narines de Manouche un pli se marquait par instants une ligne d'ombre légère et fugace ; il y voulait trouver la trace d'une peine secrète, ses amertumes, ses renoncements de femme meurtrie par une vie souvent rude. Parfois aussi, ses lèvres s'entrouvrant, apparaissait leur pulpe intime, d'un rose mouillé vierge de fard ; alors un frisson froid glissait à ses épaules et il serrait un peu les dents.
Cassagnères se sentait fort, près de Manouche, d'autant plus que, sans être grande, elle laissait deviner un corps vigoureusement musclé, souple et sain. L'impression qu'il avait de la vigueur de sa compagne accroissait son orgueil à la serrer contre lui si confiante.
Toutes sortes de lieux communs usés, sur la dignité des créatures, sur la fraîcheur secrète des âmes féminines, même et surtout quand cette fraîcheur se cache sous d'apparentes ternissures, puisaient pour Cassagnères un éclat neuf dans le souvenir de son geste, de sa chevaleresque absurdité. Chacune de ses foulées appuyait, rebondissait. Il marchait, offrant sa poitrine à la tiédeur de la nuit.
"Comme...Comme..." Faut-il donc, où que l'on se tourne, buter contre ce mot odieux ? Renoncer à être jamais soi ? Se résigner à être singe ?
https://www.laprocure.com/product/1049468/genevoix-maurice-rrou
Maurice Genevoix, illustrations Gérard Dubois
rroû
Éditions La Table ronde
« On craque pour ce livre illustré de rroû de Maurice Genevoix aux éditions La Table ronde. Une petite merveille illustrée par Gérard Dubois qui est multi-primé en tant que dessinateur pour le Newyorker et le New York Times entre autres. Évidemment, Maurice Genevoix, c'est celui qui a été connu et reconnu pour Ceux de quatorze où il décrivait ses blessures de guerre et la guerre en elle-même, qui est un texte majeur en littérature française, puis qui avait eu le prix Goncourt pour Raboliot. Et ce texte-là, magnifique, n'est pas seulement l'histoire d'un chat, c'est bien plus que ça... »
Marie-Joseph, libraire à La Procure de Paris
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