Dans l'impasse Zaafarâni, tout le monde se connaît depuis des lustres. Les craintes et les rêves de chacun sont connus de tous, les disputes familiales et de voisinage constituent le principal divertissement du quartier, et les habitants vivent dans un mélange de solidarité et de jalousie dévorante.
Mais voilà, ce petit monde vole en éclats après les agissements d'un cheikh. Ce dernier, qui a toujours fait partie de l'impasse sans jamais faire de vague, décide de priver les hommes de leur virilité, afin de provoquer un choc dans la population et de poser les bases d'un monde meilleur. Pour que les habitants retrouvent leur situation initiale, ils devront suivre ses instructions : interdiction des disputes, prise de repas en commun, abolition des différences sociales, etc. Ces instructions, loin de transformer l'impasse en un monde meilleur, la plongent dans le marasme : les couples se déchirent, et certains habitants, qui voient les rêves qu'ils poursuivaient depuis des années détruits, sombrent dans la folie.
J'ai eu un peu de mal à comprendre le propos de ce livre, qui commence comme un farce légère, et se termine dans une ambiance pesante et désespérée. Après quelques recherches, il semble que l'auteur ait voulu illustrer les importants bouleversements politiques qu'avait subis l'Égypte, et le chaos que cela avait provoqué dans une société déboussolée. le fait que le lecteur soit très impliqué dans la vie intime des habitants au début du récit empêche à mon sens d'avoir une vue si large du récit.
En ce qui concerne l'écriture, l'auteur multiplie les points de vue : narrateur omniscient, coupure de journaux, notes des services secrets, … le mélange des genres offre un cocktail assez réussi.
J'ai quand même l'impression d'être passé à côté du propos du livre, comme ça m'arrive trop souvent avec les livres étrangers qui ne traitent pas de problèmes universels.
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Dans l'Impasse Zaafarâni, c'est la débandade... et c'est le cas de le dire... Un jour, les hommes sont frappés d'impuissance sexuelle. Touchés dans ce qu'ils ont de plus symboliques, comment les hommes vont-il réagir? Et les femmes? D'aucunes prétendent que l'impuissance sexuelle frappait déjà les hommes de l'Impasse bien avant l'envoûtement...
Car dans cette impasse, c'est tout un monde, un microcosme qui se déploie devant le lecteur... Les femmes au balcon étendent le linge, parlent, ragotent, zieutent... il faut être au courant de tout. Les hommes passent. Tiens, on a vu Rachida rentrer plus tôt. Et son homme, que fait-il? Et ainsi de suite. Avec un art consommé de la formule, Ghitany dépeint une société à cheval entre passé et modernité. D'ailleurs, dans cette impasse, on trouve encore des vestiges du temps des Mammelouks.
L'auteur va alors nous passer en revue cette société égyptienne en proie au changement. Femmes répudiées, "bonnes" épouses, mariages entre jeunes filles et vieux barbons, un serviteur dans des bains qui s'offre aux clients, l'activiste de gauche libéré de prison, un père en proie à la folie et qui se prend pour un général, ses fils programmés pour devenir médecin et ingénieur et qui ne veulent pas, le fils parti au loin qui envoie des nouvelles de temps en temps, le femme qui a fait des études et dont personne ne veut, le patron du café, etc. Et surtout, le cheikh, que l'on ne verra jamais, mais dont la voix sera répercutée partout dans l'impasse. Couvre-feu imposé, menus obligatoires, habitudes à changer... car le cheikh est (dit-i) à l'origine de l'envoûtement...
L'écriture de Ghitany n'est pas limpide, ni fluide. Car il a pour ambition (et le résultat est à la hauteur) d'écrire comme viennent les ragots et les rumeurs. Comme le signale le traducteur, l'arabe se prête mieux que le français à ce genre d'écriture.
Puis Ghitany parsème son texte de rapports, d'articles de presse... Car l'affaire remonte aux plus hautes instances. Les autorités s'émeuvent. Dans de nombreux pays, le cheikh fait des émules. La révolte gronde.Tant vis-à-vis du cheikh que des autorités. Les autorités très critiquées par Ghitany avec les noms qu'il donne aux départements ministériels, aussi farfelus que probables d'ailleurs.
Un roman très pudique, malgré le sujet. Très finement observé. Crédible, dirais-je même, malgré une tendance à l'exagération (mais toujours très mesurée). Qui montre la multiplicité de la société (égyptienne ou d'ailleurs).
On pense évidemment à la montée des intégrismes. de la religion, ou de la dictature. On sent une volonté de s'impliquer par l'écriture dans le devenir de la société. le propos est politique au sens large, noble, du terme. Ghitany a fait de la prison dans les années 60, pour avoir critiqué Nasser. le roman date de 1977 mais n'a pas vraiment pris de ride.
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Quand une femme tombe amoureuse de vous et que vous n'éprouvez rien pour elle, vous ne supportez plus qu'elle s'approche de vous. Eh bien, chez les femmes, c'est le contraire, elles raffolent des hommes qui leur courent après, adorent entretenir une cour d'amoureux transis, même quand leurs sentiments véritables les portent vers un autre.
Au temps du village, il avait couché une nuit dans un champ de pastèques ; au matin il avait senti une boule dans son séroual ; il avait plongé la main et y avait trouvé un énorme serpent venu se lover dans la chaleur de son entrecuisse. Oumm Youssef lui avait demandé à plusieurs reprises quel effet cela lui faisait de coucher au fournil, avec tous ces djinns qui rôdaient. L'un d'entre eux barrait jusqu'à maintenant la route entre elle et son mari. Quant à son fils Youssef, il avait eu lui aussi une mésaventure avec les mauvais génies. Un jour, un soldat l'avait interpellé pour lui demander le chemin de l'impasse Zaarafâni. "Tu y es", avait répondu Youssef. Le soldat s'était esclaffé avant de tourner les talons. Youssef avait alors eu une vision d'horreur : les jambes du soldat étaient nues et elles se terminaient par des sabots comme ceux des chèvres. Elle avait dû s'en remettre au cheikh Ateyya pour qu'il prépare un talisman pour dissiper le choc subi par son fils.
Au moment d'épouser sa femme, avant que l'acte de mariage fût signé, elle l'avait interrogé: "Seras-tu en mesure d'arroser la terre chaque jour?". (p.18)
Gamal Ghitany :
PyramidesEn extérieur, sur le site des
Pyramides d'Abu Sir,
Olivier BARROT présente "
Pyramides" de l'écrivain égyptien
Gamal GHITANY, dont il lit un passage. le sujet est ponctué de
photographiesNoir et blanc et d'images des
Pyramides.