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EAN : 9791093209012
108 pages
Association La Maison brûlée (22/12/2015)
4.43/5   7 notes
Résumé :
James Joyce Fuit...
Lorsqu'un Homme Sait Tout à Coup Quelque Chose :

Ça commence par parler, acter sans sujet, par la perte d'identité...
la fuite d'une révélation qui implose, laissant place à l'hallucination dans une ville aux façades de cinéma qui s'effondrent.
Alors il renaît à travers l'amour d'une actrice, réinvente un monde, s'invente des noms de poètes, James Joyce, Henri Michaux, Antonin Artaud, Arthur Rimbaud, comme les... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
James Joyce fuit…, Catherine Gil Alcala
Écrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) 10.04.17 dans La Cause Littéraire

Curieuses écritures, hors norme, que celles de Catherine Gil Alcala. Ou Écriture. Réécriture du Texte du Monde comme il va, quand sa barque prend l'eau. Une plume dramaturgique transfigurée par la poésie. Une danse poétique dans une mise en scène – mise en pièces – dramaturgique.

Lorsqu'un homme sait tout à coup quelque chose – Quoi ? – Quelque chose qu'il ne devrait pas savoir – Que se passe-t-il ? Qu'advient-il de son espace, de sa durée intérieure ? – Une désintégration psychique, la perte d'identité, une implosion,

« explose cristal dans la tête télépathe lourde du chaos des précognitions ».

Laissant place à l'hallucination attaquant jusqu'aux façades de la ville où Il / Lui / Horde Lui erre,

« Commotions d'émois, se cogne aux femmes glacées derrière des vitres intransparentes, s'agrippe à l'espace vide, s'appuie sur des façades s'effondrant en un fracas de rire, faciès de mascarades des villes de cinéma sous les bombes ! »

– Qui ? – Un homme, « Horde Lui », un tigre en cage recevant de plein fouet l'onde de choc. Un homme, « Horde Lui », James Joyce, Henri Michaux, Antonin Artaud, Arthur Rimbaud (les différents noms d'un même personnage).

Cet homme tout à coup vacille, « les ciels tombent sur lui, miroirs brisés, souvenirs pétrifiés dans leurs fragments ». Ces éclats le font tourner tel un fauve en cage – « boule a perdu ! » – « versifiant visions désagrégées… » La perte d'identité laisse l'homme hors de lui et l'incarne dans une multitude de personnalités liées viscéralement à l'Écrit, au Cri de l'Écriture ; l'incarne sous particulières et singulières identités, au coeur d'un environnement vissé, soudé, relié à la Littérature, à l'Art (mythologies, La Callas, expressionisme du 7e Art, etc.) et son radeau de la Méduse navigue sur des eaux chavirées, sur un Maelström érotique excrémentiel comme l'auteure navigue, mais avec brio, entre poésie, théâtre, musique, arts plastiques, au fil de ses créations. Entre expérimentation en mer et pauses d'escales incertaines dans cet infini des extrêmes à l'épreuve des limites, touchant le littoral du langage de l'inconscient, avant de continuer de l'approcher et de nous en approcher, affleurant au ras des mots remuant dans les nuits l'altitude et les affres de la folie.

La trame onirique du texte – breloque poétique « chaotant » les corps reliés dans le décor dément, breloque de l'amande amère sous la Langue qui la détruit (A. Artaud) – déroule un théâtre d'images où chaque séance, chaque scène s'annonce par un titre narratif comme cinématographique, où l'intrigue flirte par jeu et avec efficacité avec le suspense d'une enquête. Tels abordages, sur des terres aux antipodes de la tranquillité et des unes des autres, n'est pas étranger à Catherine Gil Alcala, auteure, metteur en scène, performeuse pouvant entremêler en un même chant des textes anciens et des glossolalies (cf. de l'éternité et du temps) ; pouvant écrire et mettre en scène un long poème érotique et surréaliste (cf. Maelström excrémentiel) ; réaliser des performances musicalo-poétiques avec des aphorismes (cf. Les Contes défaits en forme de liste de course) ; une expo-performance de poupées et de poèmes (cf. Doll'art ou les Épopées de Pimpesoué) ; écrire, proférer, dire sur la folie créative (cf. Lorsqu'un homme sait tout à coup quelque chose)…

Dans cette pièce, « quelque chose » de l'ordre du fulgurant transperce, traverse, s'opère (dans) le corps et l'esprit de Haute Sensibilité d'un homme, tout à coup foudroyé par une réalité révélée d'un seul coup d'un seul (sans le relais d'un apprentissage : un homme sait tout à coup quelque chose qu'il ne devrait pas savoir…).

La Folie créative plante, dans ce James Joyce fuit… Lorsqu'un homme sait tout à coup quelque chose, le décor des villes de cinéma où chaque lever de rideau, chaque tombée remuent des ombres de sabre hallucinantes, les faisceaux d'un projectionniste dirigeant (des coquillages riant sur le bord des lèvres d'un faciès hilare, ahurissant) un décor de marasmes et de visions fantasmagoriques embobinées tour à tour sur le film expressionniste, de cinéma muet, écran démoniaque, de M. le Maudit à Jack l'Éventreur… Séquences déclinées en 12 scènes séquestrées dans la bobine d'un homme ; exprimées, jouées sur la pellicule du monde, ensorcelée. Jusqu'à l'apothéose de « la vérité révélée du poème », apocalyptique tombée sur l'intrigue des phénomènes dépoussiérés de leur gangue contingente : d'immédiate folie, troués de précipices, enrobés d'oublis – abysses sidéraux catapultés de la bouche d'ombre, des mamelles flasques et lèvres gonflées de la Vie, Péril en sa Demeure. le cordon ombilical-ombilic des limbes ne cesse de s'enrouler autour du cri primal de la ville, manquant de l'asphyxier, libérant au final l'objectivité sur-figurative de son Poème, « tout le silence licencieux » qui jusqu'alors l'oppressait. « Derviche furieux », tournant retournant se cabrant sur le manège oscillant de la vie, le délire du Poème ici s'écrie, « résultat d'un empoisonnement produisant de sublimes hallucinations ». Histoire de la Folie créative…



Les Bavardages sur la Muraille de Chine

Quel discours peut produire un dialogue entre James Joyce et Lewis Caroll ? de surcroît, un dialogue inventé par deux personnages de fiction, le cynique Buck Mulligan, personnage fictif d'Ulysses (titre original), étudiant en médecine au visage équin et au chapeau de Panama, et Humpty Dumpty, le personnage dialoguant avec Alice dans de l'autre côté du Miroir ? de surcroît (derechef), pour la partition d'un dialogue « en chinois » sur la Muraille de Chine… Catherine Gil Alcala ne craint pas d'être originale, dans l'a-topos même et le contenu de ses pièces très créatives… Et la question est de savoir : que se passe-t-il sur le fil du rasoir de la Muraille de Chine, que se disent ces personnages fictifs au sujet de leur « maître » ; la question est de savoir d'ailleurs et aussi « Qui est le maître ? » de ces bavardages et comment s'en sortent les sens des mots dans la bouche de ces antagonistes / protagonistes ?

La référence à Buck Mulligan peut renvoyer dans un jeu de miroirs (le miroir même de Mulligan ? « le majestueux Buck Mulligan venait de la tête d'escalier, portant un bol de mousse sur lequel coulait un miroir et un rasoir) à l'Ulysse de Joyce. le rasoir est ici figuré dans son fil par la Muraille de Chine ; la figure de l'escalier parcourt le texte et situe emblématiquement les personnages ; le va-et-vient de l'intertextualité opère (James Joyce et Lewis Caroll), comme Ulysse s'est créé par des discours « collés » (appropriés : recréés), constitués de citations de poètes (Swinburne, Whitman), de chansons populaires, de propos nietzschéens (Mulligan se définit lui-même comme un « hyperborean », l'« Ubermensch ») et de passages originaux flirtant avec la parodie et composés de ribaldry (paillardises).

La référence à Humpty Dumpty peut renvoyer à une interrogation du Langage et à ses limites sémantiques dans le fonctionnement / dans le (non-)sens de la logique où la question est de savoir comment formuler un discours à la limite du sens. La logique et le langage constituant tous les deux des systèmes de sens, leur délimitation trace le champ d'appréhension et de compréhension du réel. La mise en abîme est là aussi d'évidence. En effet, dans un opus mêlant théâtre et poésie comme dans ces Bavardages sur la Muraille de Chine, comme plus généralement et par nature dans toute oeuvre littéraire, le langage met en jeu une logique entraînant dans son sillage sémantique une critique du langage, lequel entraîne une critique du sens, ainsi dans Alice's Adventures in Wonderland (titre original) et Through the Looking Glass (id.) de Lewis Caroll, ainsi par la théorie du langage dictée par Hempty Dumpty et la logique présente dans la tea-party du chapelier fou.

Lors d'une promenade sur la Muraille de Chine, Buck Mulligan et Hempty Dumpty inventent « en chinois » un dialogue entre James Joyce et Lewis Caroll. Les personnages sont toujours aussi légendaires, représentés d'emblée dans l'imaginaire collectif ou individuel du lectorat, référents des mythologies diverses – littéraires, quotidiennes : La Pythonisse à l'oeil de verre, la ménagère mythique, la Reine d'Abyssinie, le Géant cyclope, l'Écho de Narcisse, La Harpie Aigle, etc., quand ils ne reviennent pas de l'Histoire (Thérèse d'Avila, etc.) ou qu'ils ne semblent pas sortir d'un monde fantasque (L'oreille sage d'un presque rien, Princesse éternueuse dans un donjon d'uranium, La Dame à l'oxymore, La langue de pute des Parques, etc.), ou ressurgir de nos rencontres fictionnelles déjà amorcées des années auparavant dans notre exploration à travers la Littérature, l'univers artistique (Don Giovanni, Chatte à la tessiture hurlante sur les toits, etc.).

Cette suite de 20 Bavardages est rythmée, ponctuée par le dialogue entre Buck Mulligan & Humpty Dumpty, en alternance avec les Bavardages des autres personnages. 10 Bavardages de Buck Mulligan avec Humpty Dumpty déclinés en « dialogue », « connivence des malversations de comptoir », « auspices incertains », « Bavardage sidéré », « souvenirs des pérégrinations », « Divagation des prédictions » pour finir « de la manière d'épiloguer en plaisantant », alors que les autres personnages se répandent, par 10 Bavardages également, en « parlottes émerveillées », en « conversation révoltée », etc.

Des passages suffisent à souligner l'enjeu d'une telle création autour de la question du langage et non non-sens, où nous passons derrière le miroir, où Alice se retrouve dans un « monde à l'envers ». Où nous rencontrons le personnage de Hempty Dumpty, oeuf devenu humain qui philosophe sur le langage. Où la question du sens et du non-sens (et de leurs paradoxes) se pose corrélativement à celles sur la relation entre théâtre et poésie, philosophie et littérature, du statut de la réflexion philosophique ou de ses pseudo-représentants (Hempty Dumpty) dans le texte de fiction, en l'occurrence : dans le texte de fiction relatant des Bavardages, et se dégustent en apartés, tels des impromptus dans la durée :

« Sans l'eau-de-vie régénérante quotidienne, les visions du delirium tremens s'élèvent en hélice battant les oreilles d'un duettino tumultueux » (Buck Mulligan).

« L'art, c'est le nombril du monde sublimé, son nom lacéré par le blâme public brille dessus le monstre humain ! » (Erzulie yeux rouges).

Les sonorités cliquètent ou claquent, martèlent ou dansent, glissent dans l'oreille ou la percutent, marquent les pas du son et du sens, du free-phrasé chamboulé / bousculé, et se jouent et jouent de la Langue avec délectation et delyrium de déraison, pour la meilleure perdition sensée du lecteur… dont l'oreille penche la tête haute et, du côté d'un vertige ascendant / d'altitudes…

« Les onomatopées envahissent l'oreille en un vortex de sens glossolaliques. Les atomes des mots opèrent en dehors des lieux topiques, automatismes ou vaticinations d'une bouche d'or dans le soleil ».
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De retour pour une nouvelle critique d'un ouvrage reçu dans le cadre de Masse Critique .
Tout d'abord , tout mes remerciements à Babelio pour çette initiative , qui permet de faire decouvrir des auteurs , des univers autres , c'est une excellente initiative .
Merci aux éditions " La maison brûlée " , pour avoir permis de decouvrir cet auteur , compliments pour la maquette du livre , qui suscite l'intérêt , et pour la qualite du papier .

Et ce texte me direz vous ?
Il arrive trop rarement de lire des pièces de théâtre , ce qui est dommageable , parce que ce sont souvent des textes de qualite .
Je ne cache pas qu'il m'a fallu 3 lectures de ce texte pour en venir réellement à bout .
Non pas que ce texte soit mauvais , bîen au contraire .
C'est un texte d'une qualité rare , qui propose des phrases d'une beauté hallucinante et hallucinée ...
Il faut le lire , le relire ce texte , pour accepter qu'il ne faut pas forcément comprendre , mais se laisser emporter par la folie furieuse jubilatrice qui saute aux yeux du lecteur , qui est déstabilisé , malmené , parce que cet auteur ne lui fait aucun cadeau.
Nous ne sommes pas içi en présence d'un texte facile , d'un ensemble de phrases , de mots , sans ame , au contraire , ce texte hurle son ame au visage du lecteur !
L'auteur convoque Joyce , Rimbaud , Artaud , pour une plongée dans un maelström qui vous remue , vous prends aux tripes , qui laisse le lecteur dans un êtat second , heureux d'avoir dompte cette suite de phrases folles , tumultueuses , que rien ne peut laisser prévoir....
C'est un texte plein de poésie , mais d'une poésie qu'il faut aller chercher , une poésie qui fait travailler l'esprit , qui fait avancer le lecteur .
La pièce de théâtre pars dans tout les sens , on y trouve un simple fil rouge , un meurtre , mais le reste est telle une pluie d'étoiles filantes , ou tout ce que l'on croit acquis comme sens n'existe plus ...
La partie poésie en elle même est un regàl , un bonheur d'intelligence , c'est de l'écriture qui explose les normes , qui propose un nouveau visage de la litterature ...
Ce court livre , chers lecteurs et lectrices , ne se laisse pas prendre facilement , il pourra rebuter , certains resteront hermétiques , les adulescents qui pleurent pour un rien , seront choquer par ce texte extraordinaire , completement dingue , qui rend le lecteur euphorique et le projette vers un nouvel univers ...
Bon sang , que ce livre est bon !!!!!
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Le Théâtre charivari ou le Théâtre de bruits accompagné de désordres
Ecrit par Didier Ayres le 09 janvier 2016. dans La une, Littérature

À PROPOS DE JAMES JOYCE FUIT…, CATHERINE GIL ALCALA, ÉD. LA MAISON BRÛLÉE, DÉCEMBRE 2015, 13 €

Le Théâtre charivari ou le Théâtre de bruits accompagné de désordres

"HOMERE MARMONNANT
Il y a là l'Iliade pourrait-on dire, une véritable épopée, gens de tous bords, des quatre coins de l'univers !
Et tous se haïssent !
Machinations… acrimonies interpersonnelles… sempiternelles guerres d'érudits, joutes poétiques !"

J'aime lire le théâtre contemporain, car j'y vois surgir au détour de voies peu ordinaires, et défendues par des maisons d'éditions courageuses, les formes vives et nouvelles d'une théâtralité qui s'affranchit de la littéralité convenue des avatars du théâtre naturaliste – qui est mort il y a déjà longtemps en Allemagne, par exemple. Ici, donc, par devers les enjeux dramatiques, on côtoie l'énigme fiévreuse du langage, le langage pur pris en des tentatives radicales. Peut-être d'ailleurs, est-ce l'héritage de Valère Novarina que je retrouve dans ce texte de Catherine Gil Alcala, et ainsi dès les premières didascalies de sa pièce où elle énumère les noms de ses personnages à la manière dont sont énoncées des listes de noms de la Chair de l'homme, pièce justement de Novarina.

Toujours est-il, que la pièce est construite autour de douze scènes (douze heures, un douze symbolique… ?) qui réunissent dans un désordre apparent : Arthur Rimbaud, le Choeur polyphonique des voix intérieures, l'Hypomane dépensière, Henri Michaux, James Joyce, le Médecin halluciné, le Circoncis vierge, etc. C'est dire ce charivari que rend possible ce théâtre, qui m'a beaucoup enthousiasmé, et avec lequel j'ai passé une heure de lecture au milieu d'une expérience de langue peu ordinaire. Oui, un travail du langage, comme un travail de forge, mais aussi avec finesse, comme un théâtre de souffleur de verre. Jeux de mots, situations cocasses ou bizarres, allitérations volontaires et marquées, toute cette musicalité dont le théâtre a besoin.

"Puanteur d'inanition des populations, faisceaux d'affres hilares anéantissant des listes d'élites sémites, des cadavres sur l'arête amarante des lames !"

Telles quelques strophes d'une poésie épique, où l'on rencontre l'altérité du monde. On pourrait rapprocher cette tentative de celle d'Agnès Varda qui exposait chez Nathalie Obadia une table de dissection où se rencontraient un parapluie et une machine à coudre, allusion tautologique à Lautréamont. Ici, dans cette pièce joyeuse et profonde, picaresque, truculente – Rabelais ou Brecht ensemble confondus, ce qui est un tour difficile et audacieux – on n'hésite pas à feuilleter en soi ses connaissances des arts plastiques ou de l'art des images, juste à l'évocation de l'argent dans la scène 9, ou Lui, personnage, jette le mot « argent » comme le fait l'Emma Bovary de Sokourov.

Et puis comment ne pas évoquer Jarry qui est revenu de manière lancinante au cours de ma lecture.

"AU FEU ! AU FEU !

Dans la confusion générale, ruinée sous l'hécatombe stridente des huées !

Innocente unie à l'acte de tuer !

Répudiant ses maris dans les tombes d'Hécate, une actrice sous une fausse identité se trisse dans des trains aux itinéraires de fuite, poursuivie par toutes les polices !"

ou encore

"Henry-Miller

Jésuites épais aux paresses rebelles, de mauvais rêves oppressés, des bals de blattes écoeurantes qui trouent les ovaires des amantes demeurées du peuple des culs percés…"

C'est à une invention continue que nous convie James Joyce fuit…, invention qui résonne à mes yeux magnifiquement au sein de ce très vieux débat des Anciens et des Modernes qui hante notre littérature – et aussi les autres arts – depuis si longtemps, sachant que ma nature me pousse vers les Anciens. Et peut-être ce texte est-il à rattacher à une tradition française qui irait de Villon à Jarry, en passant par Eugene-Ionesco mais c'est déjà trop dire, car il faut lire ce théâtre, et espérer une production bien diffusée pour se rendre compte de ce à quoi le théâtre de /Catherine-Gil-Alcala est redevable. Pour moi, c'est une réussite.

"HENRI MICHAUX
Mondanités des hommes morts, dialogues tempétueux ou duels de monologues tempérant les tueries !

HOMERE MARMONNANT
Le temps opère, florissant, les laitues rient…

HERMANN MELVILLE
Madame, vous êtes carminée comme un cul de babouine ! à moins que vous ne me fassiez penser à une écrevisse ébouillantée !

HABITANTE DE MARS
C'est vous qui êtes bouillant, vous dégorgez de sueur, veau marin, gastéropode visqueux, pénis turgescent ! Quelle honte !"



Lien : http://www.refletsdutemps.fr..
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Critique de Marie du Crest dans La Cause Littéraire :
James Joyce fuit…, Catherine Gil Alcala (2ème critique)

« Volume blanc »


La bibliographie de Catherine Gil Alcala s'organise selon une appartenance à un genre littéraire préétabli : théâtre, nouvelles, et poésie, mais également selon des oeuvres à la marge du théâtre et de la poésie qu'elle nomme « Théâtre Poésie, notée en italiques » comme Zoartoïste, Maelstrom excrémentiel et le volume blanc qui sera l'objet de notre propos. L'histoire de la littérature française nous apprend que le théâtre durant de longues périodes s'est écrit en prose (comédie) ou en vers (comédie et tragédie), que le poème dramatique y a tenu une place de choix et que nombre d'auteurs contemporains s'inscrivent aussi dans une vraie poétique. L'éditeur parle, au sujet des textes proposés dans le volume, « d'écritures soit jouées soit ayant fait l'objet de performances ». Ces indications montrent bien que Catherine Gil Alcala ne veut pas dans ses deux textes véritablement choisir le camp du théâtre en excluant le chant poétique et que l'enjeu tient dans l'acte d'écrire.


La première chose qui frappe le lecteur des deux oeuvres, c'est l'importance des formes mises en oeuvre et leur multiplicité. La matière textuelle s'affirme d'abord comme refus d'un tissu lisse et unique du langage et ce au profit du fragment qu'il s'apparente à un verset, à une « mise en pièces » au sens de destruction. Primauté de la liste comme dans la Bible. L'idée d'un continuum s'épuise laissant place à des répliques, à des élans poétiques détachés de celui qui les précède ou les suit. L'usage fréquent de points de suspension fonctionne à la fois comme continuité impossible et comme rupture. L'architecture générale elle aussi répond à cette esthétique de la cassure (sens et forme) : les oeuvres sont organisées en « scènes » ou en « bavardages » numérotés et désignés par un titre plus ou moins long. Pourtant il y a dans les textes de Catherine Gil Alcala la tentation de la totalité, de l'épuisement de l'énumération, d'une recherche effrénée du pouvoir-dire comme en témoignent ses listes des personnages exubérantes rassemblant auteurs, mythologies antiques, panthéon personnel, extravagances linguistiques (l'hypomane dépensière, princesse éternueuse dans un donjon d'uranium…), références et clins d'oeil divers de Monsieur Lustucru à infante défunte par exemple, souvenirs de cinéma avec la Lulu de Pabst et géographies mentales (homosexuelle macédonienne, hermogénien mozambicain). le langage lui-même se donne non pas comme logos, ordre du monde, mais au contraire comme désordre absolu : il est tantôt « bavardage sidéré », « parlotes émerveillées », divagations, commérages, tantôt dialogue paradoxal de cinéma muet. Tout est refus de la continuité et donc refus, anéantissement du récit de la fabula. de quoi s'agit-il ? de quoi est-il question ici ? demeure une aporie.

La dernière scène de James Joyce Fuit… apparaît d'ailleurs comme un art poétique, posant ses propres préceptes, p.55 :

La multitude des paroles s'est mise à claironner, à gronder, à chuchoter, à hurler, à caresser la glotte, à glouglouter, à éructer, à haïr, à aimer, à s'émerveiller, à proférer des obscénités, à poétiser…

Les maîtres de Catherine Gil Alcala sont entre autres Michaux, Rimbaud, Artaud. Des poètes et un poète/homme de théâtre justement. le théâtre, en vérité, dans les deux textes, est affaire de dire, d'adresse à quelqu'un, de « conversation » comme le révèle notamment l'entretien entre les auteurs (Homère, Michaux, H. Melville, Henry Miller…) dans le premier, ou les échanges entre Humpty Dumpty et Buck Mulligan dans le second. Lui et Louise dialoguent, l'inspecteur qui empeste le pectoral comme dans toute trame policière pose des questions lors de sa pseudo-enquête. James Joyce monologue et la sourde muette parle. La parole de théâtre est capable de franchir les portes de l'au-delà : des hommes morts, la concierge et la reine Rouge, réincarnent Louise, et le choeur polyphonique des voix intérieures, quant à lui, se fait entendre.

Ce qui toutefois donne chair à la voix et au théâtre, c'est l'actrice « extraordinaire », l'éternelle Lulu projetée sur l'écran de cinéma, surface hallucinatoire tout comme le plateau, la scène d'un théâtre qui ne représente pas mais vocifère le monde, celui de l'auteure.
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Où suis-je ?
Certains matins en ouvrant son courrier, on se pose la question suivante :
Pourquoi ai-je choisi de recevoir ce livre ?
Grosse fatigue ? Heure trop matinale ? Trop fumé la veille, non je ne fume plus ! Enfin, c'est une surprise, en plus je lis : Théâtre* Poésie. Je ne lis jamais de pièces de théâtre et presque jamais de poésie. Mais bon, mon sens du devoir m'appelle et le nom de James Joyce vient de me faire une belle farce.
Pour ce livre, sorte O.L.N.I. (Objet Littéraire Non Identifiable), il y a plusieurs manières de voir les choses. Vous êtes un lecteur classique, dans ce cas-là passez votre chemin. Si vous êtes un peu comme moi un lecteur un peu déjanté et sans idées préconçues, jetez-vous à l'eau (et non pas allo, quoi ?)
James Joyce fuit… est une pièce en un acte de 12 scènes, et Bavardage sur la… est une suite de 20 bavardages. Je vous épargnerai l'humour parfois corrosif de tous ces titres.
Une chose est sûre, c'est absolument délirant, mais terriblement frustrant à chroniquer ! On a l'impression de lire du Monty Python, revu par Flann O'Brien avec l'aide des Marx Brothers ! Accrochez-vous, cela décoiffe !
Des dialogues loufoques mais savoureux, des situations grotesques, bref du grand art.
Les principaux personnages, car, ne l'oublions pas, c'est du théâtre !
Pour « James Joyce Fuit… »:
HORDE LUI, LUI, JAMES JOYCE, HENRI MICHAUX, ANTONIN ARTAUD, ARTHUR RIMBAUD, ne sont qu'un seul et même personnage. Un lettré en somme !
Il y a aussi LOUISE et ses réincarnations, LA SOURDE-MUETTE, LA CONCIERGE ou LA REINE ROUGE. Et dans les personnages secondaires, désolé je suis dans l'obligation de faire un choix !
HERMAN MERVILLE et HENRY MILLER, HABITANTE DE MARS, HOMOXESUELLE MACÉDONNIENNE, UN INPECTEUR QUI EMPESTE LE SIROP PECTORAL (grâce à ce dernier personnage on devine qu'il y a une enquête policière, etc, etc… J'en passe et des meilleurs.
Pour « Les Bavardages sur la Muraille de Chine », certains sont moins connus : HUMPTY DUMPTY et son compère BUCK MULLIGHAN. Passent également sur scène LA PYTHONISSE À L'OeIL DE VERRE, L'OREILLE SAGE D'UN PRESQUE RIEN, LA LANGUE DE PUTE DES PARQUES, MONSIEUR LUSTUCRU, qui me semble être bonne pâte, et beaucoup d'autres qui, j'espère, me pardonneront de ne pas les avoir cités !
Que dire de la forme et du fond ? C'est très original mais je ne suis absolument pas sûr d'avoir tout compris ! En effet les scénarios ne sont pas des plus évidents. Mais je serais curieux de voir ces pièces sur scène, car je pense qu'il doit falloir un grand nombre de comédiens !
Prenons par exemple les premières phrases de « Bavardage sur… » En espérant vous mettre en appétit :
HUMPTY DUMPTY :
- Marchant sur la Muraille de Chine, l'estomac tout gargouillant d'aise, je pensais à mon repas de la veille et à la déliquescence savoureuse de l'omelette dans le jus des rognons à l'ananas.
BUCK MULLIGHAN.
- Les poussières tournoient dans le soleil du matin, les porcelets chialent à la farce bête comme chou de la chèvre et du chou, en six vers alternés.
Alors, le verre, à moitié vide ou à moitié plein !
Personnellement j'ai bien aimé ce délire littéraire, même si je n'ai pas toujours bien compris où l'auteur désirait nous emmener !
Florilège de dialogues :
JACK L'ÉVENTREUR :
- Je suis innocent !
Je n'ai fait que jouer mon rôle !
Et maintenant, voilà que l'on me stigmatise dans les emplois de meurtriers, que l'on me condamne à ce jeu de Sisyphe pour des noces de sang en série, plagiaire involontaire.
L'OREILLE SAGE D'UN PRESQUE RIEN :
- J'écoute le silence des filles d'Ilion sur l'illimitation de l'horizon.
L'ÉPICIER ORACLEUX :
- Des histoires montées et mises en pièces à la Landru qui considère ses épouses sanguinolentes pour les mettre en boîte comme des sardines à la tomate.
BUCK MULLIGHAN :
- Sans l'eau-de-vie régénérant du quotidien, les visions du delirium tremens s'élèvent en délices battant les oreilles d'un duettino tumultueux.
HUMPTY DUMPTY :
- L'amour c'est le trublion de service !
Éditions : La maison Brulée. (2016).
Titre intégral :
James Joyce fuit… Lorsqu'un Homme Sait Tout à Coup Quelque Chose,
suivi de
Les Bavardages sur la Muraille de Chine.
Lien : http://eireann561.canalblog...
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Et lui de joie : Lui ! James Joyce ! s'invente un nom singulier ! Un nom comme un autre, cela pourrait aussi bien être Henri Michaux, Antonin Arthur ou Artaud... Rimbaud ! Lui, particulièrement l'homme fait pour la rencontrer, elle ! pas n'importe quelle femme mais « Louise broie du noir », héroïne cocaïnomane de mélodrame, comme l'appel du destin... Ou lui et elle, n'importe quel homme pour n'importe quelle femme, innommables dans le grouillement du sexe ?!
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BUCK MULLIGAN
L'escalade des délires est l'essence vigoureuse du savoir de l'homme, sa côtelette avec son Jules danse dans son jus d'oignons dorés !

HUMPTY DUMPTY
Un soupir d'acier perce le silence comme un ahanement sous la dent d'un puma à l’œil chatoyant et sournois.

BUCK MULLIGAN
J'en perds mon latin, harcelé par toujours la même chiasse mentale pharamineuse qui file dans les comètes ! Une face de rat qui louche avec un bouton de fièvre sur la bouche ! Un coup de hache dans un rêve sur le bec de lièvre de la duchesse !
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Video de Catherine Gil Alcala (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Catherine Gil Alcala
Extraits du spectacle "Lorsqu’un homme sait tout à coup quelque chose qu’il ne devrait pas savoir. James Joyce fuit.". Représentation au 59 Rivoli (Nuits Blanches 2012). Texte et mise en scène : Catherine Gil Alcala, Chorégraphie et danse : Linda Finkenflügel, Musique improvisée : Charles Sautereau, Interprétation : René Haddad , Laura De Giovanni , Grégoire Pellequer , Catherine Gil Alcala .
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