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EAN : 9782350960838
400 pages
Les Prairies Ordinaires (21/10/2014)
5/5   1 notes
Résumé :
Ville globale, ville créative, ville multiculturelle, ville intelligente... Autant de slogans à la mode qui imposent et diffusent une vision aseptisée et consensuelle des réalités urbaines. Les villes doivent au contraire être bousculées, chahutées, contestées. C'est précisément ce que ce recueil se propose de faire en réunissant pour la première fois un ensemble d'auteurs dont la réflexion n'épargne ni les espaces urbains, ni les élites qui les façonnent et les gou... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
L'espace n'existe pas en soit. Il ne peut être pensé indépendamment des rapports sociaux qui s'y déploient

« La réalité urbaine est d'abord devenue majoritaire sur le plan démographique, puisque c'est désormais plus de la moitié de la population mondiale qui vit en ville. Mais cette donnée traduit mal la spectaculaire extension spatiale et le brouillage croissant des frontières entre espaces urbains et espaces ruraux ». Dans leur « Introduction à une géographie critique de l'urbain », Cécile Gintrac et Matthieu Giroud parlent d'un « double mouvement d'homogénéisation et de différenciation », des importations et des exportations de modèles entre villes, pays et continents. Elle et il reviennent sur les apports d'Henri Lefebvre.

« Contester le « prêt-à-penser » urbain, précisément pour mieux envisager ses alternatives, voici l'ambition de ce volume qui regroupe onze textes dont les auteurs se revendiquent plus ou moins explicitement de la géographie urbaine critique ».

Dans ces critiques de l'urbanisation capitaliste, il faut souligner l'apport des féministes, « le genre produit des espaces spécifiques, urbains notamment, tandis que l'espace contribue à produire ou à reproduire matériellement les différences et les dominations de sexe », la prise en compte des processus de racialisation ou l'apport des critiques de l'eurocentrisme (« il n'est pas de discours neutre et universel », les pensées et analyses sont socialement et politiquement « situées »)… Sans oublier que la géographie est à la fois « avec » et « contre » l'espace, « on ne saurait considérer que l'espace existe en soi, indépendamment des sociétés qui le produisent »

Reste que les références au « trouble dans le genre » aux théorisations « post », à l'intersectionnalité sans définition, etc. me semble relever d'une mode peu opératoire et d'un déficit de prise en compte des conditions matérielles (dont les dimensions idéelles) du caractère systémique du capitalisme, de l'imbrication des dominations…

Chaque article est précédé d'une petite présentation, contextualisant soit le thème soit l'auteur-e. Je n'évoque que certains articles et certains sujets traités.

Armelle Choplin souligne que « En occident, la modernité se définit à travers l'image que celui-ci se fait de sa propre modernité ». Elle parle de décoloniser les études urbaines. Les réductions, eurocentristes, racistes ou genrés, des sciences, nécessitent un travail permanent d'historicisation, de contextualisation que le terme décoloniser ne saurait circonscrire. Ni la notion de « décolonisation » ni celle de « post-colonialisme », ne me semble permettre de prendre en compte l'ensemble des rapports sociaux de domination. Ainsi la phrase « on peut théoriser sur le Sud, au Sud et à partir du Sud, en particulier pour comprendre le Nord » est peut-être un juste rappel de la possibilité/nécessité de partir d'autres réalités que celles imposées par l'impérialisme et le « centre » auto-proclamé du monde ; reste qu'il est impossible de penser les relations sud-nord ou nord-sud en faisant abstraction du sytème global et de ses contradictions. Il va de soit que cette critique porte en premier lieu sur les élaborations « savantes » produites au Nord…

Au delà de ces courtes remarques, je souligne le grand intérêt du texte de Jennifer Robinson qui « propose d'envisager un monde constitué de villes ordinaires, où toutes seraient les arènes dynamiques, hétérogènes mais conflictuelles, de la vie économique et sociale ». le savoir ne saurait se réduire aux élaborations produites par le « savoir occidental ». Pour en rester à ce vocabulaire, les savoirs développés par les dominé-e-s sur leurs situations et leurs luttes contre les dominations sont indispensables pour penser les émancipations. L'auteure montre comment les « présupposés hiérarchiques » ont réduit/déformé la pensée sur l'urbanisation et le développement, elle parle de « disloquer la modernité » et insiste sur le comparatisme, « je considère que la théorie urbaine doit être viscéralement attachée au comparatisme, méfiante et circonspecte envers les catégories et les hiérarchies, et désireuse de promouvoir des stratégies d'amélioration des villes reposant sur leur créativité et leurs ressources propres ». Il n'y a pas d'un coté un « ici et maintenant » et de l'autre un « là-bas et alors », une modernité et une arriération… L'auteure parle aussi de « rompre avec le réductionnisme économique », et de « savoir traiter différemment des différences entre les villes ». La démarche proposée me semble fructueuse, il est dommage qu'elle n'inspire pas la majorité des textes publiés, qui concernent, non des « villes ordinaires » mais des villes principalement dans le monde occidental « anglo-saxon », pour autant que cette « notion » soit elle-même opératoire…

Sans m'y attarder, j'indique quelques thèmes traités : la division genrée du travail, les processus de racialisation, le confinement spatial, les rapports sociaux interdépendants, les contraintes et les possibles…

J'ai notamment été intéressé par le texte de David Harvey, sa présentation non linéaire des relations entre espace et mode de production, « le paysage physique et social de l'urbanisation est façonné selon des critères spécifiquement capitalistes, et cela crée des contraintes qui pèseront sur l'évolution du développement capitaliste ». Dans le cadre de situations de développement inégal et combiné l'auteur analyse les politiques des institutions urbaines, l'« entrepreneurialisme urbain » pour attirer les capitaux et les investissements. Son approche prend en compte l'épaisseur de la politique, des conséquences des choix, « des effets réflexifs » des changements, il parle de limitation « du champ des possibles ». Il attire particulièrement sur les « partenariat public-privé (PPP) » et historicise les interventions municipales, « j'ai tendance à penser que c'est l'absorption des risques par le secteur public local (plutôt que national ou fédéral) qui distingue l'entrepreneurialisme urbain d'aujourd'hui des phases antérieures de promotion municipale (le capital privé semblait alors, d'une manière générale, beaucoup moins réfractaire au risque) ». L'auteur détaille « les implications macroéconomiques de la concurrence interurbaine », dont l'accroissement des disparités de richesse et de revenu, la flexibilité de l'accumulation, les mécanismes de contrôle social, les consommations ostentatoires…

Contre les visions « bienséantes » ou naturalisées de la concurrence, David Harvey souligne que : « Au contraire, dans un cadre défini par le développement géographique inégal, c'est la concurrence interurbaine généralisée qui ferme le champ des possibles »

Tous les auteurs n'ont pas la prudence de David Harvey, certains gomment l'autonomie de la sphère du politique et donc des politiques urbaines déployées, réduisent les relations spacio-sociales, économico-sociales au partage de la rente foncière…

Sont aussi traités, l'absence de contrôle démocratiques, les concentrations et les exclusions spatiales, l'urbanisation néolibérale, le poids de « l'expertise », les relations entre urbanisme et environnement, les politiques de « sécurisation », l'utilisation du droit et les politiques « d'ordre », la marchandisation des « différences », le « multiculturalisme »…

En absence de présentation des agencements concrets des rapports socio-économiques, de définitions des classes sociales, (classe moyenne), je ne suis pas en mesure de juger de la pertinence du thème de la gentrification analysé par Neil Smith, ni des rapports entre suburbanisation et urbanisation. Je reste aussi dubitatif sur les relations établies entre valorisation et dévalorisation du capital investi dans le bâti…

J'ai aussi été intéressé par l'activisme urbain décrit par Marcelo Lopes de Souza.
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
je considère que la théorie urbaine doit être viscéralement attachée au comparatisme, méfiante et circonspecte envers les catégories et les hiérarchies, et désireuse de promouvoir des stratégies d’amélioration des villes reposant sur leur créativité et leurs ressources propres
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Contester le « prêt-à-penser » urbain, précisément pour mieux envisager ses alternatives, voici l’ambition de ce volume qui regroupe onze textes dont les auteurs se revendiquent plus ou moins explicitement de la géographie urbaine critique
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Le paysage physique et social de l’urbanisation est façonné selon des critères spécifiquement capitalistes, et cela crée des contraintes qui pèseront sur l’évolution du développement capitaliste
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le genre produit des espaces spécifiques, urbains notamment, tandis que l’espace contribue à produire ou à reproduire matériellement les différences et les dominations de sexe »
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Au contraire, dans un cadre défini par le développement géographique inégal, c’est la concurrence interurbaine généralisée qui ferme le champ des possibles
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