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EAN : 9782070298983
196 pages
Gallimard (21/03/1978)
4.28/5   16 notes
Résumé :
Fragments d'un Paradis éclaire enfin sur l'art poétique de Giono et sa véritable religion de l'imaginaire verbal. Peu lui importe de n'avoir pas navigué ; pour Giono le réalisme n'existe pas et ne saurait exister. Dans la mesure où il procède de forces supérieures à l'imagination humaine, le réel doit être, selon lui, plus fabuleux et incroyable que toutes nos chimères. Ainsi faut-il admettre l'irruption de sensations purement terriennes dans l'univers marin, dont c... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Ce court récit, qui n'est ni une nouvelle, ni un roman, et qui, curieusement est sous-titré « Poème » est assurément unique dans l'oeuvre de Giono : D'abord, c'est un récit maritime. Jusqu'ici, à part la traduction de « Moby Dick » (qu'il a réalisée en collaboration avec Lucien Jacques et Joan Smith), et le récit qu'il a composé sur son auteur « Pour saluer Melville » (sorte d'hommage mi-biographique, mi-littéraire), il a placé tous ses romans sur la terre ferme, dans le paysage familier des collines et des montagnes de sa Haute-Provence natale. Ensuite, il n'a pas été écrit mais dicté (pas exactement comme il le dit dans son incipit du 6 au 10 avril 1940, mais entre février et mai 1944). Enfin la partie empruntée (récits de voyageurs, ou d'explorateurs) est plus importante que la partie purement inventée. Il nous faut nous replacer dans le contexte : Giono dans cet après-guerre, entreprend de changer un peu l'orientation de son oeuvre. Les « Chroniques romanesques » ont commencé à voir le jour, avec le réussi « Un roi sans divertissement », et le déconcertant « Noé ». « Fragments d'un paradis » vient s'intercaler entre ce dernier roman et « Mort d'un personnage » qui reprendra le fil des « Chroniques » et sera inséré dans le « cycle du hussard ». Giono cherche encore son style. Ce roman-ci représente une fracture dans l'oeuvre de l'auteur : c'est son dernier ouvrage où l'homme se confronte à la nature (et il n'est pas innocent que ce soit contre la mer et non plus contre la terre ou la montagne) ; les romans suivants mettront l'homme en confrontation avec ses propres passions. le souvenir de Melville imprègne fortement ce petit récit, assez technique (les termes maritimes abondent), qui, dans le sillage de « Moby Dick », se dessine comme une expédition maritime à portée métaphysique.
C'est en effet l'histoire de « l'Indien », un trois-mâts-goélette, qui part pour explorer une région inconnue de l'Antarctique : après l'escale de Tristan d'Acunha, où se trouvent les « fragments de paradis » qui attendent l'équipage ?
L'inspiration de Giono est assez facile à deviner. Herman Melville, bien sûr, mais aussi Joseph Conrad et Edgar Poe (Arthur Gordon Pym a suivi le même itinéraire). Et puis aussi une oeuvre que le jeune Jean Giono traîne avec lui depuis son enfance : « le Voyage de la corvette l'Astrolabe » de l'explorateur Dumont d'Urville.
Le plus étonnant est cette faculté de l'auteur à s'insérer sans effort dans ce milieu marin, si éloigné de ses sources d'inspiration traditionnelles : cette appropriation d'un domaine qui lui est relativement étranger est proprement sidérante : quand il décrit les manoeuvres du bateau, les caprices de la mer, la beauté des îles, la flore et la faune de ces contrées sauvages, on se croit chez les auteurs précités ou chez Jules Verne ; avec en plus un sens poétique qu'on ne présente plus, qui est toujours présent, sur mer comme sur terre.
Et puis cette interrogation métaphysique, cette quête du bonheur, cette éternelle lutte entre l'homme et les éléments, entre la civilisation et l'état de nature, qui existaient déjà chez Melville et Conrad, et que l'on retrouvera à peine modifiées chez Robert Merle (« L'Ile - 1962 ») ou Michel TournierVendredi ou les limbes du Pacifique – 1967 »), Giono les prend à son compte en une méditation profonde et enrichissante.
Moins connu que d'autres romans, « Fragments d'un paradis » se laisse lire sans trop de difficultés, surtout si vous êtes familiarisé avec les récits d'aventures maritimes, ou les comptes rendus d'exploration. Et puis il y a toujours cette langue poétique inimitable qui fait jaillir les images marines aussi bien qu'elle faisait naître les images terrestres…
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"Il n'est pas possible que la vie soit seulement ce que nous avons vécu jusqu'à présent. Malgré notre siècle de sciences et les progrès que nous avons faits, il est incontestable que nous mourons d'ennui, de détresse, et de pauvreté. Je parle d'une pauvreté d'âme, et d'une pauvreté de spectacle."

Quittant une Europe en guerre, le trois-mâts goélette L'Indien se dirige vers l'autre Terre de Feu pour une exploration scientifique. A son bord zoologue, géologue, météorologue et hydrographe partis étudier la péninsule de Graham, dans l'Antarctique nord. On ne sait s'ils y parviendront, Giono ayant laissé inachevé cette odyssée insolite, mais les rencontres les plus extraordinaires les marqueront à jamais...

Après son offrande, pleine de révérence, à l'un de ses modèles, Pour saluer Melville, Herman Giono nous harponne pour une singulière traversée maritime.

On pouvait s'attendre à une équipée incongrue de la part du chantre d'une Provence minérale et austère or le romancier nous éblouit d'emblée par sa maîtrise et sa connaissance de l'univers nautique.

Convoquant journal de bord, dialogues philosophiques, descriptions lyriques et fantastique baroque, Giono ensorcèle son lecteur et encaque de superbes songes : un rollier dont on a envie de dévorer les couleurs, une raie colossale dont l'iridescence purulente embaume le narcisse ou un calamar géant -léviathan lubrique- dont l'éjaculat régale et empoicre les oiseaux marins, en une bacchanale meurtrière...

Le plus beau chapitre, à mes yeux, est celui qui conte L'Aventure de Noël Guinard. Se lançant à l'ascension de l'îlot désertique Tristan da Cunha, le héros éprouve la solitude ultime, expérience de mort imminente, suspendu entre terre et ciel. Giono y rivalise avec lui-même et c'est simplement superbe.

Dans ces Fragments, notre marin d'eau douce a revêtu son ciré parnassien et y tutoie Calliope. Laissons-nous cueillir.
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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On résume trop souvent Giono à ses oeuvre "provençales", mais si on a lut sa préface à Mobydick on sait qu'il aime aussi Conrad, Melville et les romans d'aventure sur la mer. Car après les vagues des collines manosquines, c'est bien sur celles de l'océan qu'il emmène ses héros ! Bien sur derrière les tempêtes, les relevés zoologiques et les monstres marins qui ne tardent pas à surgir au fil des pages se cachent une autre recherche, une quête de l'inconnu, du sens, de ces joies dont le monde moderne prive ses habitants.
C'est donc un très beau roman, un peu différent de ce dont on a l'habitude avec cet auteur bien que le thème sous-jacent rejoigne tout à fait celui d'Un roi sans divertissement ou de quelques autres livres de Giono... à lire !
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Texte dicté tout d'abord dicté par Giono en 48 et paru en 1948 - voyage scientifique sur le voilier l'Indien sur toutes les mers du monde - tantôt rapport scientifique, tantôt puisant les informations dans les journaux de bord officiels ou intimes, Giono se lâche et nous fait découvrir des "images de plume" inspirées le plus souvent par ses peintres de prédilection, Bruegel (l'Ancien), Bosch... de qui il s'inspire pour son bestiaire marin fantastique (oiseaux aux couleurs inconnues, poissons poilus, raies géantes ; un pied sur la terre avec des odeurs de narcisse... Les marins sont tout d'abord effrayés et puis succombent à cet univers surréaliste. Quand le voilier est immobilisé par manque de vent, l'équipage sent que son destin lui échappe et comprend que son aventure ne peut que continuer que dans le fait de diriger sa vie, sous peine d'être inanimé ; à eux de se trouver rapidement une âme pour repartir.
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Quand Giono décrit la Sainte Victoire ou les collines provençales , il utilise spontanément l'image du voilier et celle des collines . Quand il parle de la mer et de ses habitants il parle de de champs de narcisses ou autres sensations terrestres . C'est cela un poète .Dans ce roman étrange , composés de récits et de fragments d'un journal de bord ,il nous entraîne avec l'équipage d'un navire pour un périple mystérieux . En fait chacun à bord y poursuit sa « baleine blanche » dans une quête toute intérieure. Les merveilles du monde comme remède à l'angoisse de vivre car « Un roi sans divertissement est un homme plein de misères ».
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Je ne crois pas qu’un seul de vous, malgré sa jeunesse, malgré l’enthousiasme que je vous connais, puisse envisager sans dégoût la vie dans laquelle il a vécu jusqu’à aujourd’hui. Pourriez-vous me dire, Mr Hour, si votre métier, tout beau qu’il soit, vous a donné les satisfactions suffisantes pour envisager sans crainte d’ennui les quelques 80 ans qu’il vous reste encore à vivre ?
- A moins, dit en riant, Mr Hour, que je ne rencontre le calamar.
- Je ne crois pas qu’il soit particulièrement féroce pour nous, dit le capitaine. Toutefois, je ne vous conseillerai pas d’aller l’embrasser sur la bouche. Et je crois, continua-t-il, que ce n’est ni M. Trocelier, ni Mr Jaurena, ni Mr Larreguy qui me contrediront quand j’affirmerai que nous périssons de mesquineries et d’ennuis mortels.

- « C’est pour les mêmes raisons que les hommes moins civilisés que nous, mais (et c’est intentionnellement que je dis mais) plus naïfs que nous, plus près des sources, plus aptes à sentir la proximité des grands mystères, ce sont constitué des sortes de garde-manger de montres ».

- « Sans partir dans les pays étrangers, et chacun restant dans sa patrie, il nous suffit de remonter en arrière de quelques centaines d’années pour retrouver les orques de l’Arioste, les dragons des légendes arthuriennes, et j’y pense à propos du petit livre que nous avons trouvé dans la cabane abandonnée, la caverne de Montesillos de Don Quichotte. Depuis, il semble que notre raison, plus déraisonnable que la pire des folies, nous a fait habiter un monde sec où les derniers monstres ne permettaient ni chevalerie, ni grandeur, à part ces avions et ces chars de guerre qui obéissaient, gorgés d’essence, aux fureurs des passions partisanes. Alors, l’humanité, ivre de sa fièvre, s’est mise à bavarder de gestes et de paroles, et malgré toute notre bonne volonté, des hommes comme vous et moi nous n’avons pas tardés à être suprêmement ennuyés de ces bavardages dans lesquels il n’y avait plus aucun aliment pour ces petits désirs de grandeur, si je puis ainsi dire.

- « Il importe, je crois, Monsieur, au premier chef, de n’être pas changer en bête. Notre esprit a besoin d’espace et de lumière, de cieux embrasés et de l’ivresse que toutes ces choses donnent. Un certain temps, c’est là qu’on les chercha, dit-il, saisissant la bouteille de Pernod, sous cette étiquette, qui, ma foi, tout compte fait, est assez jolie. Mais, de temps en temps, la nature qu’on a pas prévenue, fait encore naître quelques hommes , aussi vrais, aussi purs que ceux qui ne pouvaient manger une once de viande sans qu’elle fut accompagnée de toutes les nourritures de l’esprit. Ceux-ci continueront à réclamer le paradis auquel naturellement ils croient (et ils ont raison de croire) que les corps leur donneraient droit. Fichtre ! C’est rudement vrai qu’ils ont raison de croire.

- « Je n’imaginerai jamais que vous êtes et que je suis tel que je suis, pour que nous dussions perdre le temps que nous avons à vivre, en le vivant comme on le vit actuellement sur les continents que nous avons quittés »
Il s’arrêta pour se curer la gorge et boire. Le silence des quatre hommes l’engageait à continuer.

- « Tourner sur nous-mêmes, comme des toupies, dit-il, se passionner pour des régimes politiques la plupart du temps constitués par les plus infâmes assassins, les plus infâmes, puisqu’ils se mettent d’eux-mêmes en dehors de tout châtiment et font les lois pour se permettre d’agir sans danger. Epuiser son sentiment de curiosité, cette chose si fraîche et si apéritive, sur les minuscules objets qui sont proposés par le soi-disant progrès de la civilisation. Tourner en rond dans les interminables couloirs déserts de cette petite partie mystérieuse de la terre qui est constituée par les continents habités, et surtout accepter de perdre le contact avec le vrai monde, est-ce que cela ne vous a pas conduit à cette aridité pleine de sarcasmes et de dégoût dans laquelle vous avez dissimulé peut-être (je connais mal vos vies précédentes) vos grands sentiments d’espace et de lumière ?».

Il fut interrompre par Quéréjéta qui vint les appeler à table :
- « Ceci devra se poursuivre, dit le capitaine en se redressant, et j’aimerais que vous me fassiez profiter de votre intelligence des choses. Remarquez toutefois qu’il se trouve toujours, même dans les régions les plus glacées, un Swedenborg et un William Blake pour nous souffleter d’anges à perdre haleine. Alors, Monsieur, dit-il en les poussant vers la porte du mess, pourquoi ne pas chercher la découverte des réalités dans le reste du monde ? Avant de désespérer, c’est, je crois, ce qui nous reste à faire ».
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Tourner sur nous même comme des toupies, dit-il, se passionner pour des régimes politiques la plupart du temps constitués par les plus infâmes assassins, les plus infâmes, puisqu'ils se mettent d'eux mêmes en dehors de tous châtiment et font les lois pour se permettre d'agir sans danger. Épuiser son sentiment de curiosité, cette chose si fraîche, si apéritive, sur les minuscules objets qui sont proposés par le soi disant progrès de la civilisation. Tourner en rond dans les interminables couloirs désert de cette partie mystérieuse de la terre qui est constitués par les continent habités, et surtout accepter de perdre le contact avec le vrai monde, est-ce que cela ne vous a pas conduit a cette aridité pleine de sarcasmes et de dégoût dans laquelle vous avez dissimulé peut-être vos grands sentiments d'espace et de lumière?
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Dès que la nuit tombait,avec un brutalité soudaine,les étoiles étaient si nombreuses,et elles se montraient dans tant de régions du ciel à la fois,qu'elles étaient comme les flocons d'une averse de neige.
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Malgré notre siècle de science et les progrès que nous avons faits, il est incontestable que nous mourons d'ennui, de détresse et de pauvreté. Je parle d'une pauvreté d'âme, et d'une pauvreté de spectacle.
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Vidéo de Jean Giono
Denis Infante a publié son premier roman Rousse publié aux éditions Tristram le 4 janvier 2024. Il raconte l'épopée d'une renarde qui souhaite découvrir le monde. Un ouvrage déroutant par sa singularité. Son histoire possède la clarté d'une fable et la puissance d'une odyssée et qui ne laissera personne indifférent. L'exergue, emprunté à Jean Giono, dit tout de l'ambition poétique et métaphysique de ce roman splendide : "Dans tous les livres actuels on donne à mon avis une trop grande place aux êtres mesquins et l'on néglige de nous faire percevoir le halètement des beaux habitants de l'univers."
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