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Un de Baumugnes est un roman de Jean Giono tout simplement façonné d'amour et de fraternité.
C'est un récit qui m'a pris au ventre, l'ouvrant et posant mon coeur dedans.
Il s'agit du deuxième volet de la trilogie de Pan, je vous avais chroniqué il y a quelques mois le premier volet, Colline, vous vous en souvenez ?
Un de Baumugnes est avant tout pour moi une histoire d'amour dans le monde rural du début du XXème siècle et c'est touchant, c'est beau à pleurer.
Récit bref en si peu de pages, il est écrit dans le style inimitable, parfois abrupt de Giono, surtout dans la période où il écrit ce récit.
Avec Un de Baumugnes, ici il est question d'hommes et de femmes de la terre, du terroir même, qui vivent dans le respect de la nature. Pas de mise à mort d'animaux ici, pas de meurtres… le seul fusil convoqué ne tirera jamais.
Le début du récit est rude.
Le narrateur est Amédée, ouvrier agricole qui loue ses bras de ferme en ferme. C'est donc par sa voix, son oralité et sa rusticité, que l'histoire nous est contée. Ah ! Comme j'ai adoré ce beau personnage qu'est Amédée...
Alors qu'il boit un verre dans une taverne, Amédée fait la connaissance d'Albin, également ouvrier agricole, qui lui fait part de ses remords : alors qu'il travaillait au champ avec un certain Louis, compagnon aux moeurs douteuses, il a rencontré la plus jolie et la plus séduisante des jeunes femmes, Angèle, dont il est tombé amoureux. Albin était trop timide pour l'aborder, au contraire de Louis qui l'a séduite et a fini par l'emmener à Marseille où il l'a prostituée. Après avoir écouté la confession d'Albin, Amédée décide de l'aider à retrouver la femme qu'il aime, aussi, décident-ils qu'Amédée se fera embaucher à la Douloire, la ferme des parents d'Angèle, pendant qu'Albin l'attendra dans une ferme d'un village voisin.
C'est là que tout démarre et c'est là que tout devient beau...
C'est la quête éperdue de quelque chose qui ressemble au départ du voyage à un impossible amour.
Un de Baumugnes, ce sont les yeux plongés dans les étoiles et les doigts pris dans la terre. Comme à chaque fois, dans les romans que j'ai pu lire de Jean Giono, les personnages font corps avec la nature qui les accueille, les berce, les fait travailler aussi, exister, donner sens à leurs vies. Les relations avec ces personnages sont parfois rudes comme le décor qu'ils habitent et qui les habitent aussi, il y a simplement une harmonie qui se lit dans les mots de Giono.
Vont-ils réussir ? Ne pas réussir ? Qu'importe ! L'essentiel est le chemin que nos deux héros vont entreprendre... Et quel chemin !
Dans les mots de Giono, j'ai senti leur envie, leurs doutes, leurs respirations, leurs gestes parfois gauches, toujours chaleureux.
Un air d'harmonica au milieu de la nuit est sans doute un des plus beaux passages du récit, car les mots de Giono nous permettent vraiment d'entendre cette musique, envoyée davantage comme un message qu'une mélodie...
Toujours chez Giono la nature parle, prends corps, le vent de la montagne devient une voix, le vol des perdrix devient le geste d'un semeur qui se prolonge dans le ciel, le bruit d'un pas sur un chemin n'est-il pas une respiration de plus dans le paysage ?
Ici la nature aide Amédée et Albin dans ce voyage, la nature les aide, seuls d'autres hommes jaloux, méchants, pervers, sont prêts à entraver ce chemin du bonheur. Idyllique cette vision, me direz-vous ?
Peut-être, ou peut-être pas au fond...
Ce roman est simplement magique.
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Quel talent ce Giono ! Quelle authenticité ! Qui n'est pas sans rappeler d'autres auteurs ou artistes célèbres ...

Il y a du Brassens dans sa façon de croquer ses personnages, du Brel dans ses envolées tragiques, du Pagnol dans sa Provence, du Fernandel dans son terroir ...

Que dire de plus ?
Que j'aime sa simplicité, son amour de la terre, son honnêteté.
Que j'ai aimé retrouver dans ce récit toute la rusticité qu'on trouvait autrefois dans nos campagnes, toute la rudesse de la vie paysanne sous laquelle se dissimulait bien souvent une tendresse bourrue, une maladresse touchante.

Si le premier volet de la Trilogie de Pan rendait un bel hommage à la nature en la personnifiant, ce deuxième roman, lui, offre une part belle à l'amitié et à l'amour...J'ai hâte de voir ce que me réserve le troisième !
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C'est l'Amédée qui raconte, le soir où dans un bar de Manosque il a croisé l'Albin avec sa pierre dans le coeur, le regret d'avoir laissé Louis, avec toute sa pourriture, emmener Angèle et la vendre à Marseille.

Tous les deux, saisonniers agricoles, c'est pas avec des mots qu'ils racontent, c'est avec le bruit du vent la nuit dans les platanes, avec l'odeur de feuille humide, avec la lune sur la joue de la montagne et Albin, c'est avec la musique de son 'monica' qui guérit les coeurs.

Et ce qui rend Amédée encore plus immense, c'est qu'il ne laisse pas rentrer Albin dans son hameau de Baumugnes avec une pierre qu'il portera toute sa vie, pas plus au début qu'à la fin où il refuse de la laisser dans le coeur des parents d'Angèle, Clarius et maman Philomène.
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Un des Baumugnes, c'est Albin, venu louer ses bras vigoureux pour la moisson et la foulaison sur les berges de la Durance, bordées de saules, de cyprès, de vignes et de champs de blé. C'est là qu'il fera connaissance de l'Amédée, journalier comme lui bien qu'ayant l'âge d'être son père. le dimanche soir, c'est la tradition d'aller boire le litre. L'alcool aidant, Albin raconte, comme on s'épanche, l'échec qui lui gâche la vie, les regrets qui l'empoisonnent. Il a croisé Angèle, la fille de la ferme « La Douloire », il en est tombé amoureux aussitôt mais c'est Louis, un gars de la Martiale venu se mettre au vert, qui l'a approchée, séduite et entraînée sur les trottoirs de Marseille.
Amédée est touché au coeur par ces confidences, cette tragédie, il sent qu'il peut faire quelque chose pour celui qui est, dorénavant, son ami car « il souffre de la douleur des autres ».
Il décide de chercher ce qu'est devenue Angèle et se présente à La Douloire afin de s'y faire embaucher. Reçu par Clarius, le Patron, brandissant son fusil, il doit sa chance à Maman Philomène, qui accepte de l'engager. Courageux et travailleur il deviendra vite indispensable à la ferme.

Quelle bonne idée de donner la parole à Amédée qui raconte son histoire avec ses mots, son langage simple, familier et fantaisiste qui anime et fleurit le récit. Il décrit les paysages, les lieux, tels des personnages à part entière en leur conférant une humanité poétique : « La Douloire, accroupie dans le pissat de ses fumiers, près de sa maigre terre, terne et croûteuse comme une vieille guenippe ». « Les ruisseaux où coulent à la place de l'eau, le bruit des charrettes, le parfum du thym et le rire des gardeuses de chèvres ».
Nous sommes transportés dans cette belle Provence du début du XXe siècle, nous la traversons aux côtés de ces gens laborieux, qui gagnent leur vie à la sueur de leur front.
Le malheur qui a frappé la Douloire a desséché Maman Philomène et Clarius, les repas sont faits de silences, rythmés par le choc des couverts et ponctués des rires gelés de Saturnin. Et pourtant c'étaient, ce sont, de belles personnes, « Philomène, droite, bonne, simple, noble à tout dire », Clarius connu dans tout le pays comme un remonteur de moral, le coeur sur la main.
On se rend compte comment un petit homme pervers peut causer un mal terrible dans une famille simple en séduisant une fille naïve et ceci est intemporel.

Amédée nous emporte dans sa quête, Albin nous transmet son amour pour Angèle au son de sa « monica » qui vous enlève le coeur et Jean Giono effleure avec beauté sa Provence. Comme il est réconfortant de lire un si bel élan d'amitié, un sentiment né au fond des entrailles, une amitié intergénérationnelle gorgée d'humanité qui redonne vie à la jeunesse.
Et nul mieux qu'Amédée peut avoir le dernier mot « à la fin, c'est le malheur qui reste dans la poussière ».
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Lumineux

Le deuxième livre de la trilogie de Pan, est à travers le récit d'Amédée, la bouleversante quête d'un amour impossible. Amédée le vieux journalier, écoute Albin lui raconter sa vie, je suis de Baumugnes, répète t-il, "solide et droit, il n'osait pas bouger, mais vous auriez vu ses yeux !", lâche Amédée
p 124.
Ces mots il les avaient en bouche ce soir là, à Manosque, au bar de la Buvette du Piémont, ce soir là où tout a commencé. Ils étaient deux journaliers à Marigrate. Lui Amédée a trouvé Albin avec "ses mots durs, doux, qui savent où est le cœur", page 15. Albin fracassée par l'amour d'une jeune fille, enlevée devant lui par le Louis un gars de Marseille sans vergogne.

Lui Albin était bloqué à la table de fer, il fallait qu'il redise je suis de Baumugnes, "j'ai en moi Baumugnes tout entier".

"Tu vois, ce que je lui reproche, à mon village qui m'a fait, c'est qu'il ne m'a pas appris à tuer".


Cette voix qui lui parle d'Angèle, d'un amour à peine entrevu et déjà son impossible douleur. Sa voix, Amédée la décrit page 27, "cette voix lente qui partait dans la nuit, droit devant elle comme un trait, et qu'elle dépassait le rond du monde, ça semblait comme le vent, la parole des arbres, des herbes, des montagnes et des ciels. Ça avait la luisance d'une faux.


Le lendemain après cette confession, page 30, "Albin fit comme ça des épaules , à quoi bon ?" "Et ça creva dans moi comme une eau qui pèse une digue de terre puis gagne, renverse et inonde le verger."
Écoute "je vais aller à la Douloire, crois moi! " Amédée a noué sa corde à celle du garçon, sa corde à celle d'un de Baumugnes, la douleur pour seul fardeau pour affronter la Douloire, et bientôt la peur.
La Douloire où vivent les parents d'Angèle.


L'énigme de Baumugnes, est dans la lignée de la trilogie. La transposition du dieu Pan par Jean Giono, est pleine de finesse et confère à ce roman une magie qui rehausse le premier tome.
Baumugnes est le village au delà des villages, trouvant refuge dans la montagne, "une terre qui touche le ciel, p 17", pour échapper à toute incursion des religions ou des croyances étrangères. Là règne la musique, la monica, qui est un mélange de sifflements et d'harmonies, et "ça tirait les larmes au yeux."


Selon Ovide Pan défie Apollon dans un concours musical. L'autre allusion mythologique, indique que Pan confectionna un instrument de musique auquel il donna le nom de flûte de pan instrument de séduction pour rendre toute personne amoureuse.


Dans les souliers d'Amédée il n'y a que la promesse faite au gamin. Il ne sait pas encore que la peur va le gagner, quand Clarius le père d'Angèle se dresse devant lui avec son fusil. Ce fusil qu'il brandit à chaque fois que l'on parle d'Angèle.

Dire pourquoi je suis fan de Giono ? Ce grand roman d'amour puise sa force dans ces terres de Provence, ces chemins de pierres, ces vents à écorner les bœufs, bref dans la nature. Hier dans Colline elle avait endossé sa méchanceté, et sa colère.

Ici c'est la colère des hommes qui s'exprime, et parfois la nature devient magique, avec les mots de Giono, avec les doigts d'Albin, avec sa bouche qui la fait chanter, et bouleverse Amédée, subjugué, lui le vieux compagnon d'infortune.

C'est la magie quand il chuchote p 33, "c'est de finesse qu'il faut travailler, j'aime bien que le vent me flûte autour des oreilles."
C'est la magie de Saturnin, "ce valet à l'ancienne qui avait à la fin trouvé sa place, il était de la famille plus que s'il en avait eu le sang et la chair. p 50."

Amédée regardait aussi la maison, la Douloire, "la maison en pierre, les murs et les tuiles, le bois des volets, tout cela bien joint, bien fermé sur l'air noir du dedans et je ne pouvais pas arriver à comprendre pourquoi c'était si bien fermé pourquoi on avait mis cet air du dedans à l'abri de nos mains et de notre œil.

Et puis un jour une simple tasse est laissée, sur la paillasse par Philomène. La patronne revenant de la cave ne pouvait en justifier l'usage par un familier. Alors Amédée a compris qu'Angèle, "la fille aux gestes justes la meneuse de chevaux, l'amante de la Douloire, cette lampe dans la tête d'Albin était sans doute séquestrée."


La magie de ces textes tient beaucoup à ce tête-à-tête entre Amédée et Clarius. Amédée a besoin de comprendre pourquoi cet homme a verrouillé sa maison, comprendre sa colère, sa violence et sa solitude.

On retrouve aussi ce tête-à-tête dans le roman chien-loup de Serge Joncour inversé. Joséphine part affronter le dompteur, la force est avec lui, la peur qu'il suscite terrorise le village. Mais à l'extrémité de ce tête-à-tête Serge Joncour défie la peur et transforme ce tête-à-tête en un duo d'amour.

La magie de ce texte va connaître son point ultime quand Albin va jouer de la Monica deux soirs de suite, une musique qui se fond dans les arbres une musique pareille au vent. Jean Giono décline alors de très belles images, page 87  ;
"moi j'écoutais un petit bruit dans les platanes, très curieux que je trouvais doux ; c'était une feuille sèche qui tremblait au milieu du vent. Cette feuille-là me disait plus à moi que toutes les autres en train de faire les acrobates autour d'une clarinette."
"Eh bien la musique d'Albin était cette musique de feuilles de platanes et ça vous enlevait le cœur."
Un de Baumugnes, un roman déchirant et magique.

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Toujours dans ma découverte des écrits gionesque qui m'accompagnent au fur et à mesure que je mets mes pas dans ceux de l'auteur en me déplaçant, une fois par mois avec l'association dont je fais partie, pour mes rendre sur des sites qu'il a si bien décrits dans ses ouvrages afin de peindre les paysages qui lui ont été chers, j'achève ainsi sa "trilogie de Pan". Certes, je n'ai pas lu les ouvrages dans le bon ordre puisque j'ai commencé par "Regain" alors que celui-ci est le dernier de la trilogie mais peu importe. Avec cet ouvrage-là, "Un de Baumugnes", le deuxième (celui qui vient juste après "Collines"), la boucle est bouclée pour ainsi dire.

Ici, le lecteur se retrouve une nouvelle fois dans aux alentours du pays manosquin dans un endroit qui s'appelle Baumugnes et qui se trouve près du plateau de Valensole. Amédée, notre narrateur, est un vieil ouvrier agricole qui fait encore quelques boulots de temps en temps dans les fermes avoisinantes.Cette fois-ci, il va se rendre à celle que l'on appelle "La Douloire" mais pas uniquement dans le but d'y travailler. Ayant recueilli les peines de coeur de son jeune ami Albin qui se meurt d'amour pour la belle Angèle Barbaroux, la fille des propriétaires de cette dite ferme, Amédée va ainsi s'y rendre afin de proposer ses services mais surtout, afin d'en apprendre plus sur cette jeune fille qui rend pour laquelle son compagnon se tord d'amour.

Une histoire enivrante, pure, dans lequel j'ai pris plaisir à retrouver ce dur labeur de fermiers (mes grands-parents l'étaient et j'ai moi-même grandi juste à côté de leur ferme) mais aussi qu'est-ce qu'un jeune homme est prêt à faire pour conquérir le coeur de sa belle. Un des amours les plus purs qu'il m'ait été à découvrir et cela, je le retrouve grâce à cet immense auteur, originaire de chez moi. Un grand classique de la littérature française, à découvrir !
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Ce court roman est une histoire d'amour qui prend aux tripes tout en étant rafraîchissante et émouvante, c'est aussi un ode à la nature dans la lignée de Colline,la première partie de la trilogie de Pan. Et aussi un hommage aux petites gens de la Haute Provence, à leur vie rude, fruste mais proche de la nature, à l'amitié, à la solidarité. La langue et le style de Giono sont absolument extraordinaires. Son vocabulaire est riche, mais en même temps simple : beaucoup de mots liés aux plantes, aux animaux, aux travaux agricoles, un peu de vocabulaire local (mais en fait très peu), et des néologismes remarquables et parfaitement limpides. Et tout cela dans des phrases à la syntaxe poétique, toujours correcte mais dont la justification vient très souvent de la musique des mots. Je me suis surprise à relire certaines phrases à haute voix pour les entendre. Il y a aussi, comme le narrateur est un vieux journalier, le parler truculent des paysans, plein d'ellipses et de non-dits. Toutes ces qualités étaient déjà présentes dans Colline, mais ici, avec cette histoire, le résultat est magistral, plein de finesse et de tendresse.
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Un de Baumugnes (1929) est donc le second volet de la Trilogie de Pan, après Colline (1929 également) et avant Regain (1930). Aujourd'hui encore, présenter ces livres sous l'étiquette de trilogie pousse sans doute le lecteur à les lire dans l'ordre, ce qui n'a pas lieu d'être car il n'y a aucun ordre entre ces trois récits distincts. Cela peut aussi en retenir certains de s'y plonger, ce qui serait cette fois absolument regrettable.
Je n'ai pas lu l'introduction séparée que Giono a fait de cette trilogie (Présentation de Pan, 1930). Je finirai très probablement par le faire car je suis quand même assez intrigué par ce titre commun que l'auteur lui-même a accolé à des textes aussi différents (je précise que je n'ai pas encore lu non plus Regain, j'ai décidément de la lecture en retard).
L'histoire d'Un de Baumugnes se déroule de nouveau dans cette Haute-Provence chère à Giono. Et d'une certaine façon, c'est là encore le récit de la relation que les paysans entretiennent à la nature. La langue de Giono y est d'un lyrisme parfois échevelé, avec des pages d'une beauté à couper le souffle, telles par exemple celles qui racontent comment l'orage fond sur la ferme de la Douloire. Les personnages, au premier rang desquels Amédée, le narrateur, y débordent de truculence et de poignante sincérité. On sent à chaque phrase tout l'amour que l'auteur avait pour ces paysans, et toute la connaissance intime de leur parler et de leur pensée. Un grand bonheur de lecture, incontestablement, en même temps qu'un voyage ethnographique, car il faut bien reconnaître que ce monde n'existe plus, même vu de loin.
Pour le reste, qu'est-ce qui permet cependant de rapprocher Colline d'Un de Baumugnes ? C'est la question que je me suis posée tout au long de ma lecture, question qui n'a heureusement pas réussi à ternir le plaisir de celle-ci. Colline est construit tout entier dans l'attente d'une mort (celle de Janet, l'ancien), quand Un de Baumugnes est un hymne à la vie et à la résilience. La nature est au centre des deux romans, certes, mais elle peut être si cruelle et étrangère à l'humain dans Colline, alors qu'elle se montre beaucoup plus bienveillante dans Un de Baumugnes. le premier, enfin, avait l'ampleur d'une tragédie antique, tandis que le second se rattache à la forme du mélodrame, tel que la littérature et le cinéma de l'époque l'avaient popularisé. Il est d'ailleurs très cohérent que Pagnol ait choisi d'adapter celui-là au cinéma plutôt que Colline, nettement plus éloigné de son propre univers. de mon point de vue, Un de Baumugnes gagne en humanité ce qu'il perd en force symbolique. Je ne sais pas du tout de quoi il faudrait se réjouir ou se désoler là-dedans : ce sont tous les deux de grands livres.
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Pour moi un vrai et grand coup de coeur !
Sur les bords de la Durance pas très loin de Manosque le narrateur Amédée et son ami Albin se sont loués pour les foulaisons à Marigrate
Un soir de « moins bien » Albin se raconte. Lui plutôt du genre taiseux vide son sac dans l'oreille d'Amédée.
Trois ans plus tôt Albin était venu dans cette même ferme se louer. Il y a fait ami avec le Louis, un gringaler sachant nager tout droit venu de Marseille Un petit voyou de Louis , un malingre ayant du mal à soulever sa fourche mais pour causer aux femmes pas son pareil. C'est comme cela qu'un soir Albin voit arriver à l'épicerie en face du cabanon une superbe jeune fille tenant en main les rênes de son cheval et il en tombe amoureux ! C'était sans compter sans cet escogriffe de Louis qui non seulement arrive à ses fins avec Angèle mais à la persuade de le suivre à Marseille. Je vous laisse imaginer la suite.
Depuis ce jour Albin, jeune et pur jeune homme ne vit plus.
Amédée décide de lui venir en aide .Il va aller prendre des nouvelles de la dite Angèle et les fera savoir à Albin en fonction du résultat ce dernier aura toujours le choix de remonter aux Baumugnes dans sa montagne !!
Amédée décide donc de se faire embaucher à la Douloire, le père l'accueille avec le fusil…
Une écriture magique il n y a pas d'autres termes ! Comment résister à la « monica » des Baumugnes ? Comment ne pas entendre ce que la musique exprime ?
Une histoire d'amour, une histoire d'amitié avec un grand A, l'amour d'un pays, des bords de la Durance, l'amour de ces habitants, de la nature. Que n'ai je déjà fait mes bagages pour aller découvrir ces bois ces bords de la Durance et mettre mes pas dans ceux de Giono
Grand, grand coup de coeur !!!!!
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"Je sentais que ça allait venir.
Après boire, l'homme qui regarde la table et qui soupire, c'est qu'il va parler."
C'est par ces mots, cette langue qui n'appartient qu'à lui que s'ouvre le second volet de - La trilogie de Pan - de Jean Giono, inaugurée avec l'inoubliable - Colline -... confrontation entre l'homme et la terre ou plus génériquement "la nature", et que clôturera - Regain -.
Cette fois, l'auteur nous offre un hymne à l'amour et à la fraternité.
C'est une histoire d'hommes et de femmes certes, mais toujours les pieds inextricablement ancrés dans cette terre, dans cette Gaïa qui les a vus naître, les voit se colleter à ses caprices, à ses colères, supporter ses humeurs, les voit chanter et danser aux joies qu'elle leur offre en récompense du dur labeur qu'ils consentent à lui sacrifier, et les accueille en son sein lorsque leur chemin les ramène aux racines de cette terre où ce chemin prit un jour naissance.
Toujours mêlés de manière indissociable l'un à l'autre, Giono par une intrication lexicale "incestueuse", un panthéisme poétique, quelquefois lyrique, nous conte et nous raconte une histoire qu'a édulcorée Pagnol dans son film intitulé - Angèle -, tiré évidemment de - Un de Baumugnes - de Giono.
Un vieux journalier, Amédée, un homme bon, fait la connaissance d'Albin, un autre ouvrier agricole, grand et beau jeune homme à l'air triste.
Amédée est humainement attiré par ce garçon qui se tient à l'écart.
Un soir de repos, autour d'une bouteille, Albin le taiseux se raconte.
Trois ans plus tôt il est tombé fou amoureux d'Angèle la jeune et belle fille de Clarius et de Philomène, propriétaires de la ferme "la Douloire" .
Timide, il n'ose rien entreprendre.
Son "ami" d'alors, Marcel, un petit marlou marseillais décide de la séduire et de la mettre sur le trottoir.
Chose dite, chose faite.
Trois ans qu'Albin traîne sa peine d'amour de ferme en ferme !
Amédée décide de l'aider en se rendant à la Douloire et en ... enquêtant..
Après quelques "péripéties", Amédée est embauché à la Douloire.
Il en vient très vite à comprendre qu'Angèle est de retour... avec un petit.
Ses parents, pour cacher leur honte, séquestrent la mère et l'enfant.
Amédée et Albin vont passer à l'action...
Dès lors, comme il y a "le feu" dans - Colline -, un feu colère, un feu vengeur et ravageur, il y a dans - Un de Baumugnes - "l'orage", une semonce du ciel à l'homme et à ce qui l'entoure. Une pluie effrayante et salvatrice à la fois.
Cet orage est le début, dans ce roman de Giono, de la plus belle partie de son bouquin.
"L'intrication" que j'ai évoquée précédemment donne à la plume de l'auteur une dimension poético-panthéiste irrésistible d'inspiration, de souffle et de beauté.
Témoin ce passage dans lequel Albin, villageois de Baumugnes, un "pays" perché très haut et très loin dans cette provence qu'affectionne Giono, a pour singularité d'avoir été, il y a longtemps, un lieu refuge pour des pauvres diables chassés de leur terre pour des motifs religieux, des êtres errants auxquels on avait tranché la langue.
Ils s'installèrent très haut et très loin des "autres" et fondèrent Baumugnes.
Pour communiquer entre eux, avec les bêtes et avec la nature, ils prirent l'habitude d'utiliser l'harmonica.
Depuis des générations, les gens de Baumugnes ont ce "pouvoir" de faire dire à la "monica", ce qu'il y a au fond d'eux, mais de transcrire le chant des oiseaux, de faire parler ou chanter les feuilles des arbres, le murmure des ruisseaux... une sorte de "flûte enchantée"...
Écoutez... ou plutôt... lisez :
"D'abord, ce fut comme un grand morceau de pays forestier arraché tout vivant, avec la terre, toute la chevelure des racines de sapins, les mousses, l'odeur des écorces ; une longue source blanche s'en égouttait au passage comme une queue de comète. Ça vient sur moi, ça me couvre de couleur, de fleurance et de bruits et ça fond dans la nuit sur ma droite.
Y avait de quoi vous couper l'haleine.
Alors, j'entends quelque chose comme vous diriez le vent de la montagne ou, plutôt, la voix de la montagne, le vol des perdrix, l'appel du berger et le ronflement des hautes herbes qui se baissent et se relèvent toutes ensemble, sous le vent.
Après, c'est comme un calme, le bruit d'un pas sur un chemin : et pan, et pan ; un pas long et lent qui monte et chante sur des pierres, et, le long de ce pas, des mouvements de haie et des clochettes comme à sa rencontre.
Ça s'anime, ça se resserre, ça fuse en gerbes d'odeur et de son, et ça s'épanouit : abois de chien, porte qui claque, foule qui court, porc, gros canard qui patouille la boue avec sa main jaune. Tout un village passe dans la nuit. J'ai le temps d'entendre un seau qui tinte sur le parquet, une poulie, un char, une femme qui appelle ; j'ai le temps de voir une petite fille comme une pomme, une femme les mains aux hanches, un homme blond, et ça s'efface.
Tout ça, c'était pur !
Là, il faut que je m'arrête et que je vous dise bien, parce que c'est ça qui faisait la force de toute la musique, combien on avait entassé de choses pures là-dedans.
Ce qui frappait, ce qui ravissait la volonté de bouger bras et jambes, et qui gonflait votre respiration, c'était la pureté.
C'était une eau pure et froide que le gosier ne s'arrêtait pas de vouloir et d'avaler ; on en était tout tremblant ; on était à la fois dans une fleur et on avait une fleur dans soi, comme une abeille saoule qui se roule au fond d'une fleur.
Moi, vous savez, c'est pas pour dire, mais j'ai déjà entendu pas mal de musique et même, une fois, la musique des tramways qui est venue donner un concert à Peyruis pour la fête. J'avais payé ma chaise un sou ; c'est vrai qu'avec ça j'avais droit à un café. Y avait, pas loin de moi, la femme du notaire et la nièce du greffier ; et tout le temps, ç'a été des : « Oh, ça, que c'est beau ! », « Oh, ma chère, cette fantaisie de clarinette ! » Moi, j'écoutais un petit bruit dans les platanes, très curieux et que je trouvais doux : c'était une feuille sèche qui tremblait au milieu du vent.
La grosse caisse en mettait à tour de bras. Alors, je suis parti sans profiter de ma chaise et du café pour mieux entendre ce qu'elle disait, cette feuille.
Ça vient de ce qu'on n'a pas d'instruction ; que voulez-vous qu'on y fasse ? Cette feuille-là, elle me disait plus à moi que tous les autres en train de faire les acrobates autour d'une clarinette.
C'est comme ça.
Et bien, la musique d'Albin, elle était cette musique de feuilles de platane, et ça vous enlevait le coeur."
Sur cette parenthèse, je vous invite à découvrir ou à redécouvrir - Un de Baumugnes - et la magie de la plume de Giono.
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