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Critique de SZRAMOWO


J'adore le Giono du Hussard sur le toit, celui des récits de la Demi-Brigade, celui qui raconte des histoires à personnages et à chevaux ; mais, j'aime encore plus le Giono de Manosque des Plateaux et du poème de l'olive.
Il n'y raconte pas des histoires, mais une histoire ; celle des humains sur la terre. Celle de la terre des humains.
C'est la langue de Giono, celle qui ne se lit pas simplement, mais celle qui s'entend, qui s'écoute, qui se voit, qui se regarde, qui se sent, qui se flaire, qui se mange.
Le Giono du chant du monde. Celui du silence assourdissant des vallées, des montagnes, des fleuves, des arbres et des animaux.
Le Giono qui abuse des adjectifs démonstratifs et les transforme en adjectifs possessifs. Il dit :
«Ce sel, ce pain, cette huile. Jamais assez de ce sel. Jamais assez de cette huile. Ma mère.»
Dans ce monde, on entend «le sourd travail de dessous terre, et le geste qui gratte, et la poitrine qui s'emplit d'odeur de terre, et le mufle qui fouille dans la boue des profondeurs.»
«Il a mâché des quignons de sa terre.»
Dans sa terre, «Un aigle roux descend des Alpes, mais l'air des plaines proches ne le porte plus ; il nage à grands coups d'aile et il crie comme un oiseau naufragé.» ; dans sa terre, «l'herbe sue» ; dans sa terre, « l'odeur du thym fume jusqu'à la lune ».
La plaine «descend rapiécée de labours entre les luzernières (...) les fermes sont éparpillées sur les roches et sur les limons»
Dans la plaine, «la Durance est comme une branche de figuier. (...) elle a cette odeur du figuier, l'odeur de lait amer et de verdure. (...) elle est devenu arbre elle-même.»
«Le plateau de Valensol ferme la plaine comme une barre de vieux bronze.»
Dans sa terre, «les arbres, les bêtes, les rochers, les herbes et les hommes sont pétris comme une pâte de pain.»

Là, vivent des hommes :

«Mais le soir... on se réunit sous le grand murier de la place.» «Parfois le conteur ne conte pas mais lit un livre. J'entends sa vois. j'entends son silence (...) et le silence de ceux-là en rond, là, et qui écoutent.»

«Le paysan des collines est un homme qui enjambe les insectes (...) il sait vingt langues (...) il a eu à parler à un merle (...) Il a salué des bouviers (...) il a expliqué toute une longue route à un essaim perdu (...) il s'est mis à rire et il m'a dit :
ça vient du coeur.»

Giono écrit ces lignes en 1930. Il partage sa vision d'un monde réel qui est en train de disparaitre. Qui a disparu aujourd'hui. Que sont devenus «les lézards épais comme le bras (...) les sauterelles aux ailes rouges (...) la caravane de fourmis (...) les serpents immobiles (...) les rossignols (qui) se répondaient (...) mélangés aux rainettes à ne plus savoir qui était l'un ou l'autre (....) où est passé Manosque «depuis qu'on a coupé les arbres ; la Poste, trois cafés, une usine. Il n'y a rien d'autre à apprendre aux enfants que les marques d'automobile.» ?
Les rues présentent un «visage fardé à l'usage des villes avec des cafés à grande glace, des restaurants, des bars (...) il y avait là, (...) une belle porte moyen âge.» Il y a maintenant «quelque chose qui y ressemble, mais ce n'est plus elle (...) La mienne avait comme coiffure une génoise de tuiles grises bien tirée sur les yeux des mâchicoulis ; celle-là arbore des créneaux de pierre neuves, insolites, insolents et faux.»
Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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