Voici deux histoires de vengeance entre voyous, gangsters dans une ambiance feutrée, grise, superbement servies par le travail au lavis de
Gipi, qui n'est pas sans rappeler le cinéma néoréaliste italien. L'ambiance est inquiétante, tendue, avec des personnages superbement dépeints dans leur doutes, leur acceptation ou non de la violence, c'est intimiste, on s'y attache.
Gipi arrive à faire passer leur mal-être en quelques mots, quelques dialogues concis et qui semblent déconnectés de l'intrigue, incluant des détails qui n'apportent rien à l'action mais qui prennent tout leur poids pour créer une atmosphère, décrire des caractères. Avec un dialogue sur le café ou sur un gâteau industriel, on interprète le milieu dans lequel les personnages évoluent, leur passif, leur monde. C'est une description du monde social, de la culture de ces gens. Sur la violence, la mafia, et le côté aventureux,
Gipi reste au contraire très pudique, on n'en saura pas beaucoup plus sur les actions qui les ont menés là où il sont aujourd'hui, le doute reste, surtout pour la deuxième histoire, ce n'est pas ce qui importe.
Gipi à un talent indéniable pour dépeindre ces petites gens au parcours chaotiques, des gens simples qui vivent des choses graves, marquantes. Ces histoires qui pourraient presque paraître anecdotiques sont fortes et intenses.
J'avais abordé l'oeuvre de
Gipi avec “
Vois comme ton ombre s'allonge”, un récit plus fantastique, plus éthéré, ce n'était pas la bonne manière pour découvrir cet auteur. Je n'avais pas accroché, mais maintenant que je le connais mieux, et que j'apprécie vraiment son travail grâce à “
Bons baisers de la Province”, “
Le Local” ou “
La terre des fils”, je pourrais peut-être le relire avec un oeil différent.