Blueberry - Intégrale, tome 5 : Chihuahua Pearl - L'homme qui valait 500 000 $ - Ballade pour un cercueil

Tout sauf un Ouest terne

Dans cet album, 5ème tome de l'intégrale Blueberry, vous trouverez réunis sous l'appellation de cycle du trésor des confédérés, "Chihuahua Pearl", "L'homme qui valait 500 000 $" et "Ballade pour un cercueil", soit peut-être les meilleurs albums de la série (avec ceux rassemblés dans l'Intégrale tome 4 : "Général Tête-Jaune","La Mine de l'allemand perdu" et "Le spectre aux balles d'or", …et ceux de l'intégrale tome 6 : "Le Hors-la-loi", "Angel Face", "Nez Cassé" et "La Longue Marche".

Sortis en 1973 et 1974 (oui, 3 albums en 2 ans, là où certains peinent à en réaliser 1 tous les 10 ans), on y voit Charlier et Giraud au sommet de leur domaine respectif. L'histoire qui se déroule sur les 3 albums est complexe et riche en rebondissements, tout en restant totalement lisible et accrocheuse.

Blueberry est chargé d'une mission secrète (comprendre qu'il sera abandonné si ça se passe mal) consistant à récupérer en territoire mexicain, le « Trésor des Confédérés », une somme de 500 000$ mise à l'abri par un ancien officier sudiste dans le but de financer une nouvelle sécession et prendre une revanche sur les Yankees.

Petit problème : en dehors du fait qu'il se trouve dans une prison mexicaine, on ne sait rien de cet ex-officier sudiste : ni son nom, ni son lieu de détention.
Autre souci : le Gouvernement mexicain, une mystérieuse chanteuse de beuglant, un Gouverneur retors, d'autres ex-officiers sudistes et même un chasseur de primes, semblent également s'intéresser à ce trésor.

Ce récit signe l'apparition de Chihuahua Pearl, sorte de femme fatale tendance garce cynique. Il annonce également la chute inéluctable de notre Lieutenant préféré. Si Blueberry est retenu pour cette mission, c'est à la fois pour de bonnes raisons : il parle espagnol, il sait tirer, il a été sudiste…mais aussi parce que l'armée le considère sans scrupules et menace s'il refuse de coopérer, de lui retirer ses galons et sa place dans l'armée. Autrement dit, il n'a pas le choix. Il est un pion qui sera sacrifié sans remord en cas d'échec.

Côté dessin, Giraud maitrise totalement son trait et livre des planches d'anthologie. Assez curieusement, le personnage de Chihuahua Pearl varie assez sensiblement au fil des représentations, jusqu'à parfois ressembler à Barbarella, l'héroïne de J.C. Forest (1). de même, on pourra observer que le personnage du Gouverneur, n'est pas très éloigné dans sa représentation, du futur Major Grubert (2) , car à cette époque Moebius perce sous Gir et le Bandard Fou arrive.
Seules réserves pour moi valables sur tous les Blueberry d'ailleurs : la mise en couleurs et le lettrage. Dans le dossier (je vais y revenir), Dominique Bertail évoque ces couleurs psychédéliques, ces visages qui peuvent être jaune, rouge ou bleu…et les qualifie d' « outrance magnifique ». Pour ma part, je suis plus réservé et ce qui fonctionne avec Lucky Luke chez Morris, ne me parait pas toujours le meilleur choix pour ce western semi-réaliste. Quant au lettrage, il n'est pas d'une lisibilité totale.

Mais c'est du détail, Giraud est un géant.

Alors le dossier, maintenant.
A lui seul, il justifierait le choix de cette Intégrale.

Des analyses, des illustrations, des comparaisons de planches après retouches de Giraud, une superbe analyse du style de ce dernier, décortiqué et mis en perspective avec rappel des influences : Jijé bien sûr, mais aussi Milton Caniff, Rembrandt, Alex Raymond, Roy Crane, Tiepolo, Matisse…Un régal.
Et pour parachever le tout, la reprise de la fausse biographie concoctée par Charlier, qui ouvre l'album « Ballade pour un cercueil ».

N'en jetez plus !

Le tout imprimé sur du beau papier épais. du vrai beau travail d'édition.

(1) regardez les cases 4, 5, 8 de la page 100, ou les 5 et 6 de la page 126…c'est troublant
(2) 1ère case de la page 183 !