AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Darkcook


J'avais eu un cours passionnant il y a bien des années sur Faust, Dom Juan, tous ces personnages mis en musique, en littérature, portés sur grand écran maintes et maintes fois, et qui ont tant influencé la suite des arts. Il fallait qu'un jour je découvre la pièce de Goethe (ici le Faust I, traduit par rien de moins que Gérard de Nerval!), surtout en lecteur avide du XIXème siècle et du romantisme.

C'est une pièce archi-romantique, où toute l'influence de Shakespeare se déploie, de façon plus sauvage que chez nos auteurs à nous, l'univers fantasmagorique se prêtant totalement à ce théâtre gothique dans des décors allemands comme seul notre esprit peut les peindre. L'on se retrouve essentiellement face à deux figures légendaires, éminemment reprises : Faust et Méphistophélès. Mais plutôt que de nous offrir un mortel pathétique soumis à la tentation, face au machiavélique Diable, Goethe inverse et relativise les polarités, nous faisant comprendre pourquoi Méphistophélès est tant cité aujourd'hui. Il incarne, surtout vers le début de la pièce dans le cabinet d'étude de Faust, une sorte de vilain charismatique qu'on ne peut détester, qui regarde les humains avec une distanciation narquoise mais juste. Faust, à l'inverse, est présenté comme un gamin capricieux, égoïste, insupportable d'hybris, insolent et blasphématoire par excellence, qui voudrait être Dieu, et n'a de cesse de le réclamer, qu'importe s'il lui faut être attaché au Diable pour ressentir enfin la jouissance divine. Mais derrière ça, c'est un personnage désenchanté par l'austérité de l'étude, qui a dévoré tous les livres, toutes les sciences, sans évidemment jamais trouver de réponses. La religion, le pouvoir du divin ainsi que celui qu'il lui prête, est la seule bouée à laquelle il est encore capable de se raccrocher, le son de l'Église l'empêchant de mettre fin à ses jours. Mais Faust VEUT connaître les secrets de l'univers et de la nature, veut vivre plutôt que mourir dans son cachot de savoir bavard, et le pacte avec Méphistophélès est vite signé. Tout cela est aussi l'occasion pour Méphistophélès de brocarder l'éducation au sens péjoratif, qui domestique, tout le verbiage scolaire, académique, qui anéantit les individualités, faisant de lui aujourd'hui une icône rebelle ou plutôt anti-institutionnelle.

S'ensuit une virée virevoltante (rends-je hommage à V Pour Vendetta, qui cite Faust, avec mes allitérations en V? En tout cas, l'attribution de la célèbre "Vi veri universum vivus vici" à Goethe est une erreur du film, d'après Internet) pour notre duo, au travers de laquelle Faust tombe amoureux de Marguerite, petit tour provoqué par Méphistophélès. Il goûtera alors à la sensation suprême de l'amour, en plus de la capacité à voler, mais causera la perte de sa bien-aimée, bien qu'elle soit au dernier moment sauvée par le ciel qui lui accorde au moins sa grâce. Au passage, je me souviens du cours et comprends mieux le ridicule, pour la prof, de "la pauvre Marguerite" dans son hyper-piété chrétienne, qui finit au cachot et totalement accablée pour un simple baiser, appelée prostituée pour avoir embrassé celui qui s'est vendu au diable... Elle ne doit pas être très excitante à interpréter pour les actrices!

C'est une pièce folle, à l'image du romantisme allemand, le premier et le plus débridé de tous, au point que certains passages comme la fameuse Walpurgisnachtstraum semblent par endroits hermétiques, sans interêt, ou plutôt gratuits, comme le commente la présentation de mon édition GF. Je déplore l'absence du Faust II même si un résumé en est présenté et s'il est moins apprécié. En tout cas, cette immersion dans l'oeuvre du Shakespeare allemand, pour un fan du Maître anglais qui a n'a que trop peu lu à ce jour de littérature allemande, fut un petit régal. Mention spéciale à Gérard de Nerval!!
Commenter  J’apprécie          290



Ont apprécié cette critique (21)voir plus




{* *}