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Pierre Leroux (Traducteur)Christian Helmreich (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253096405
221 pages
Le Livre de Poche (01/04/1999)
  Existe en édition audio
3.75/5   1834 notes
Résumé :
Manifeste exalté de l'impétueuse jeunesse, Les Souffrances du jeune Werther est le roman qui donna ses lettres de noblesse à Goethe. Le succès de cette œuvre parue en 1774 fut étonnant pour l'époque et le personnage de Werther devint le symbole d'une génération entière.
Quête d'absolu, transcendance de l'amour, lyrisme de la douleur... il s'agit bien là d'un des plus célèbres textes fondateurs du Romantisme. Werther, perché sur le pic solitaire de la passion... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (146) Voir plus Ajouter une critique
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sur 1834 notes
2007, souvenez-vous : à l'époque, on ne disait presque plus « tiens, passe-moi ton portable » mais « tiens, passe-moi ton Nokia ». Oui, aux plus jeunes de ceux qui liront cette contribution, cela pourra sembler étrange. (Aznavourophiles de tous âges, fredonnez avec moi : « Je vous parle d'un temps, que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître… ») En effet, Nokia, en ce temps-là, caracolait en tête des ventes de téléphones mobiles depuis une dizaine d'années ; Nokia était partout, ce qui s'appelle partout, mais, mais, mais…

… en 2007 est sorti l'iphone. Très stoïquement, Nokia a regardé ça de loin, n'y croyant guère : le smartphone, pour cette entreprise, c'était une tocade, un élan passager… Et puis, et puis, quelques années plus tard… Nokia mettait la clef sous la porte ! le smartphone était roi, Samsung assis sur le trône. (Bien fait pour Apple, ils n'avaient qu'à vendre leurs cochonneries un peu moins cher ; ça leur apprendra !)

Eh bien, toutes proportions gardées, la publication des Souffrances du jeune Werther eut à peu près le même effet sur la littérature de son temps que l'introduction de l'iphone dans le paysage de la téléphonie mobile. Par rapport à ce qui s'écrivait au XVIIIe siècle, nul doute que Goethe a lâché une vraie bombe, qui a éclaté en pleine face des lecteurs contemporains.

Pour faire court, il a écrit en 1774, rien moins que… le premier roman du XIXe siècle ! Il a dynamité la syntaxe, bouleversé la narration, mis à la mode le romantisme et donné un grand coup de pied quelque part au roman de son temps. J'imagine que les lecteurs d'alors devaient en perdre leur perruque poudrée tant ça décoiffait.

Alors il est vrai qu'à présent, chers utilisateurs de smartphones, l'usage de cet appareil vous apparaît « normal », exactement comme l'écrit de Goethe peut apparaître « normal », surtout si on le compare avec ce qui s'est écrit par la suite au XIXe siècle. La différence, vous l'aurez compris, c'est que Johann Wolfgang Goethe avait juste entre un quart et un demi siècle d'avance sur son temps, excusez du peu.

Bon, il suffit avec ces préambules : quels sont les faits ? Première innovation intéressante : le roman épistolaire incomplet. le roman épistolaire était très à la mode en ce temps-là, mais Goethe a l'idée de supprimer les lettres du correspondant de Werther, si bien qu'on a l'impression que celui-ci s'adresse directement à nous, lecteur.

Ceci lui permet, deuxième innovation, d'adopter une liberté de ton et d'expression inusitée jusqu'alors. Tout ceci donne une impression de " naturel " à cette littérature, car il nous parle, comme en confidence, en exprimant bien toute sa subjectivité, tout ce qui lui plaît ou lui déplaît dans ce qu'il voit et ce qui l'entoure. Il donne son avis, émet des jugements. Certains sont assez convenus, d'autres franchement iconoclastes (en tout cas pour l'époque).

Autre thème, qui peut paraître ordinaire de nos jours mais qui ne l'était certainement pas au XVIIIe siècle : le mariage d'inclination. Et, qui plus est, la passion amoureuse « à la vie, à la mort ». Sans oublier, n'est-ce pas, sans quoi ça ne serait pas du vrai romantisme, l'évocation du thème champêtre, des éléments, comme le vent, la neige, les arbres, les pierres, et, mieux encore, la mousse incrustée sur les pierres, surtout si elles sont tombales, vous voyez, ce genre de choses.

Les grandes randonnées, sur les monts sur les veaux, enfin les vaux je voulais écrire, les nuits tombantes, les folles averses, les états d'âmes, mais aussi, les pensées adultères, voire, les envies de meurtre ! Ah, ah ! Intéressant, n'est-ce pas ? L'auteur s'en donne même à coeur joie pour égratigner, à chaque fois qu'il le peut, la bonne vieille religion chrétine, euh…, chrétienne, je voulais écrire. Eh oui ! Il y m'est tout cela, dans sa mixture, le grand J. W. G. (non, détrompez-vous, ça n'est pas l'acronyme allemand pour I. V. G., d'ailleurs il n'y a encore rien à interrompre car, à ma connaissance, il n'y a point encore eu consommation de l'acte d'amour entre les deux sucreries en question, le Werther original et sa Charlotte).

Alors, ça pourrait paraître un brin cul-cul, dit comme ça, mais en réalité non : Goethe sait très bien mener son récit, avec tout ce qu'il faut pour que cela passe très bien, même de nos jours, après bientôt deux cent cinquante ans de publication. Mon seul bémol sera pour le finale, moment où une espèce de narrateur extérieur vient nous alourdir la mayonnaise et nous assommer au passage des traductions des poèmes d'Ossian faites par Werther. Bon là, je dois reconnaître, j'ai bâillé à faire pâlir un hippopotame, si bien que mon impression terminale s'en trouve un peu amoindrie.

Pour le reste, au moins pour le rôle majeur que joua cette oeuvre dans l'histoire de la littérature et des idées, et même si ça n'était que la seule raison, je vous invite à la découvrir, si tel n'est pas le cas. Je vous invite également à prendre vos distances avec tout ce qui est exprimé ici, car, bien entendu, cet aliment fade, cette pâte molle, ne sont que les souffrances d'une vieille libertaire, des souffrances qu'un jeûne fait taire, c'est-à-dire, convenons-en, bien peu de chose.
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« J'ai écrit ce qu'il y a de plus grand, cela ne fait aucun doute, mais c'est aussi de cette façon que j'ai tétanisé la littérature allemande pour quelques siècles. » faisait dire le subversif dramaturge et écrivain autrichien Thomas Bernhard à son Johann Wolfgang von Goethe fictif dans « Goethe se mheurt ».

Quel est donc ce best-seller qui assura à Goethe, avant son Faust, la renommée éternelle ? Les jeunes gens de la fin du XVIIIe siècle commencèrent à s'habiller comme Werther et Charlotte, à se faire la cour comme dans le roman et à endurer les mêmes funestes tourments, une vague de suicides faisant la légende pourpre de ce livre.

Dans ce roman épistolaire, cette confession amoureuse, Goethe s'inscrit à l'exact opposé d'un autre grand roman épistolaire, « Les Liaisons Dangereuses » de Choderlos de Laclos, paru à la même époque. L'un est l'archétype du roman libertin quand l'autre est le parangon du romantisme en littérature.

Bien que précurseur, le romantisme aura tout le XIXe siècle pour étendre son emprise sur les arts et les lettres, je ne peux qualifier le roman de Goethe de prototype. L'amour courtois lui précède, et même un siècle avant, les poignantes « Lettres portugaises » de Guilleragues, présente d'importantes similitudes, mais reste succinct comparé à l'extraordinaire densité des transports du jeune Werther.

« Tout, dans cette vie, aboutit à des niaiseries ; et celui qui, pour plaire aux autres, sans besoin et sans goût, se tue à travailler pour de l'argent, pour des honneurs, ou pour tout ce qu'il vous plaira, est à coup sûr un imbécile ». Comme souvent, avec ce qui devient un « classique » on retrouve l'influence de Werther chez beaucoup de personnages du roman d'apprentissage, je pense à Julien Sorel de Stendhal. le héros de « le Rouge et le Noir » partage l'absolutisme des sentiments de Werther, son individualisme exacerbé et son refus méprisant, infamant, du compromis, de la nuance, du « faire avec » auquel la société nous soumet si l'on veut compter et évoluer en son sein.

Tel un mustang farouche qui veut « s'ouvrir la veine pour respirer », Werther dédaigne d'être dompté par la morne vacuité de l'existence, du travail, de la couarde sagesse que l'on tente de substituer à son tempérament de feu et au péremptoire de ses jugements.

« Je me briserais le crâne, quand je vois combien peu nous pouvons les uns pour les autres. » C'est cette exaltation, cette pureté et cette absence de cynisme du personnage, malade d'amour, qui emportent et parfois séduisent les lecteurs. Pureté également de la langue, celle du XVIIIème siècle, parfaite et cependant accessible.

Cela me rappelle les mots du poète Henri Michaux pour qui « la continence », la « maladie de l'excès de force lui est spécialement intolérable », Werther, dans toute sa tension, représente cette continence, sa passion dévorante, abyssale pour Charlotte, sa jalousie d'Albert, qu'il trouve si fade, sa continence vis-à-vis des forces supérieures qui se jouent en société et qui courbent l'orgueil et la pureté de la vertu des hommes l'amène d'une façon ou d'une autre à « être vaincu » dans l'acte d'amour ou dans l'acte de mort, quoiqu'il advienne, il faut par injonction qu'il « décharge ».

« Oh ! pourquoi êtes-vous né avec cette fougue, avec cet emportement indomptable et passionné que vous mettez à tout ce qui vous attache une fois ! »

Ainsi Goethe, pour être sauvé, sacrifie son personnage au démon. Je tiens cela de Stefan Zweig qui, dans « le Combat Avec le Démon » montre comme Goethe garde la maîtrise et la tiédeur dans sa vie, contrairement à Hölderlin ou Kleist qui plongent eux-mêmes dans l'abîme, sans alibi romanesque, sans alter ego à torturer pour s'épargner une vie confortable.

« Je rentre en moi-même, et j'y trouve un monde ». Héros romantique, au fil des pages, Werther laisse éructer sa tragique révolte, « fatal and fated » comme l'eût écrit Lord Byron, dans une mélancolique introspection.

On a pu faire parfois le reproche aux romantiques d'être hors du corps, hors de la chair. Flaubert écrivait sur Lamartine « la couille lui manque », ici Werther donne le ton de ce que sera le romantisme : « Elle est sacrée pour moi ; tout désir se tait en sa présence », c'est en ce sens que je parlais d'amour courtois.

Alors la continence, le désir se taisent-ils vraiment ? Eh bien pas tout à fait : « lorsque nos pieds se rencontrent sous la table ! Je me retire comme du feu ; mais une force secrète m'attire de nouveau ; il me prend un vertige, le trouble est dans tous mes sens ». Cette ambivalence n'est qu'un des nombreux tiraillements qui exaspèrent et tourmentent la jeune expérience de Werther.

(Les esprits les plus alambiqués – dont je ne suis pas - pourraient même détourner les actes en apparence les plus serviables : « J'étais allé aujourd'hui accorder le clavecin de Charlotte » bien que nous soyons pourtant très loin de la correspondance codée de George Sand et Alfred de Musset…)

D'ailleurs à propos de Charlotte, une question surgit au fur et à mesure de l'ouvrage, face à un tel emportement amoureux, puisque nous n'avons que les lettres de Werther, est : que pense Charlotte, ou plutôt que ressent-elle pour Werther ? le saura-t-on ?

Ainsi l'oeuvre de Goethe n'est ni statique ni contemplative, les symptômes empirent, la raison s'obscurcie, et nous avons l'impression que, malgré quelques tentatives, nous perdons peu à peu le Werther du début, un sentiment paradoxal que décrivait bien le dramaturge Heinrich von Kleist : « nous voyons que, dans le monde organique, plus la réflexion paraît faible et obscure, plus la grâce est souveraine et rayonnante. »

Je ne peux lire le soliloque épistolaire du jeune Werther sans convoquer ici (encore) Roland Barthes qui puisera dans les lettres de Werther la matière de ses « Fragments d'un Discours Amoureux », ce sont les mots de Goethe qui inspirent Barthes, un exemple parmi tant d'autres : « je m'abime, je succombe… » de Werther inspire à Barthes un fragment sur l'anéantissement que représente pour l'amoureux le fait de « s'abîmer ».

Qu'en pensez-vous ?
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Sur son lit de mort, la mère de Charlotte dans un dernier souffle fait promettre à sa fille de se vouer aux enfants, de s'assumer en tant que mère et même de porter soutien à son père, puis, comme s'il n'y suffisait pas, elle la recommande à ce cher Albert, ami de la famille, ainsi instituée sa promise.
Certes ! Une recommandation qui apaise la mère quittant le monde des vivants en emportant l'image sereine du couple se soumettant. Mais Charlotte endosse ce rôle bien au-delà qu'il eut fallu tant elle se leurre sur la nature des élans de connivence et d'affection qui la relient à Werther, lequel découvre pareillement que l'attachement de réciprocité qui les pousse l'un envers l'autre est pernicieux puisque scellé des flammes de la passion... J'aurais pu trouver cette lecture désuète et pourtant non ! Même ! Je dirai plus, j'aurais été peinée de passer à côté et d'en méconnaître le sens, le déroulement et la beauté du récit. du reste, pour le trouver désuet encore faudrait-il que je dénie le sentiment amoureux. Or, fort heureusement, ou bien fort malheureusement par ailleurs, l'amour existe. Oui ! Je suis bien sûr de moi criera-t-on ! Qu'est-ce qu'elle en sait ? Mais alors pourquoi ces livres ? Et quand bien même, sans eux ! Pourquoi faudrait-t-il vivre sans espoir ? Vivre sans amour ? Non ! Je ne le veux pas. Pour sûr ! Tout le monde et moi donc n'est pas aimé en retour de ce qu'il attend. Si, si ! Non, non ! Comme ce serait simple. J'imaginais parfois avec un soupçon d'ironie que se trouve dans ma boîte aux lettres, quelques certitudes. Oui ! Vous avez non pas gagné le gros lot mais choisi la bonne personne. Vous pouvez aller en chemin jusqu'à votre dernière heure et couler des jours paisibles, quel qu'en soit le menu, la longévité... Rire... Peut-être qu'il suffirait de ne pas mettre trop haut la barre !
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ㄧ Ainsi fait ! Werther aime la nature et jouit en contemplateur de choses offertes et de joies simples :
« Que je suis heureux d'avoir un coeur fait pour sentir la joie innocente et simple de l'homme qui met sur sa table le chou qu'il a lui-même élevé ! Il ne jouit pas seulement du chou, mais il se représente à la fois la belle matinée où il le planta, les délicieuses soirées où il l‘arrosa, et retrouve en ‘un' instant le plaisir qu'il éprouvait chaque jour lorsqu'il en suivait la croissance. » (p. 71)
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ㄧ Werther se redécouvre à travers la reconnaissance de l'autre :
« Elle m'aime ! combien je me deviens cher à moi-même ! combien ㄧ j'ose te le dire à toi, tu m'entendras ㄧ combien je m'adore depuis qu'elle m'aime ! » (p.81)
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ㄧ Désinhibé par le ressentiment amoureux, il s'exalte et babille comme un enfant :
« Comme je me retirais hier, elle me tendit la main, et me dit : « Adieu, cher Werther ! » Cher Werther ! C'est la première fois qu'elle m'ait donné le nom de ‘cher ‘, et la joie que j'en ressentis a pénétré jusqu'à la moelle de mes os. Je me le répétai cent fois ; et le soir, lorsque je voulus me mettre au lit, en babillant avec moi-même de toutes sortes de choses, je me dis tout à coup : « Bonne nuit, cher Werther ! » et je ne pus ensuite m'empêcher de rire de moi-même. » (p.144/145)
.
ㄧ Mais la passion le vole en sa tête et il se languit de n'être point cet homme un instant rencontré, qui lui, a perdu la raison :
« Où tu étais heureux ! me suis-je écrié en marchant précipitamment vers la ville, où tu étais content comme un poisson dans l'eau ! ㄧ Dieu du ciel, as-tu donc ordonné la destinée des hommes de telle sorte qu'ils ne soient heureux qu'avant d'arriver à l'âge de la raison, ou après qu'ils l'ont perdue ? » (p.148)
.
C'est riche ! Il n'y a pas d'espace fortuit et la lecture pourtant reste d'un bout à l'autre captivante.
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Difficile d'imaginer que c'est dix ans avant la parution des sulfureuses et machiavéliques "Liaisons dangereuses" De Laclos que paraît en Allemagne ce roman, sans doute le plus connu de Goethe.

Les deux oeuvres épistolaires, toutes deux considérées à juste titre comme des chefs d'oeuvres de la littérature classique, sont pourtant diamétralement opposées dans leur ton. A lire "Les souffrances du jeune Werther" qui amorce le courant romantique, le lecteur doit faire effort pour se rappeler que le récit a pour décor le XVIIIème siècle, et non le XIXème siècle, tant sera développée par la suite à travers toute l'Europe cette thématique de l'amour impossible et du drame qui en découle.

Les dramaturges antiques, les trouvères du Moyen-Age, Shakespeare, Racine et quelques autres à l'époque Moderne ont également déposé leur talent aux pieds de la tragédie amoureuse mais Goethe a résolument bousculé les codes dont les auteurs de son temps étaient les héritiers. Ici, point de seigneurs, de princes, de nobles familles, ni de rois. Ici, un simple jeune homme, Werther, que rien, a priori, ne destinait à une passion aussi vive et à une fin aussi funeste. Ici, une jeune femme, Charlotte, charmante et bienveillante, qui veille sur ses frères et soeurs et épouse l'homme à qui on l'a promise. Ici, point de palais et de villes corruptrices, mais la campagne dans tout l'éclat de sa simplicité. Ici, une frondaison de tilleuls, une haie de noyers, une claire fontaine et un déjeuner sur l'herbe. Cependant, aucune mièvrerie.

Il incombe au lecteur de faire fi de ce qui, dans ce décor, pourrait lui sembler familier, et de se rappeler que c'est l'une des toutes premières fois que ce décor fut planté dans un roman. Il en savoure alors toute la fraîcheur et le lyrisme.

Le roman est très intelligemment construit en deux temps : la correspondance de Werther à un ami qui lui permet de rapporter la genèse de sa rencontre avec Charlotte ainsi que l'évolution de ses sentiments pour la jeune femme ; puis le récit de "l'éditeur", procédé qui permet à Goethe de décrire la fin de son héros dans une incroyable ascension dramatique qui fait, selon moi, la vraie beauté du roman, et toute sa grandeur.

"Les souffrances du jeune Werther" fit grande sensation à sa parution en raison du suicide de son héros qui constitue l'une des clés du courant romantique. Ici, point de malentendu menant à la mort comme dans "Roméo et Juliette" ou de héros tombé sous le coup de l'arme ou de la maladie, mais un héros qui quitte en tout discernement le drame où il s'est enlisé. Un coup de maître, et qui aura peut-être inspiré Laclos pour choisir la mort de son vicomte de Valmont.


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Cette lecture a quelque chose de nostalgique pour moi, et ce pour les raisons suivantes:
D'abord, elle vient après quelques années de mes lectures des œuvres romantiques (Constant, Chateaubriand, Musset, Vigny...), ce romantisme que je n'ai pas revisité depuis.
Ensuite, il me rappelle mes lectures des œuvres du XVIIIe siècle et les romans épistolaires de l'époque (surtout Rousseau...).

L'envie de lire ce roman remonte à ma lecture de "Les dieux ont soif" où Evariste le héros observe sa bien-aimée :
Élodie coupait en tranches un pain de quatre livres encore chaud du four. Gamelin, en la voyant faire, lui dit :

— J'ai lu, il y a quelques jours, un livre écrit par un jeune Allemand dont j'ai oublié le nom, et qui a été très bien mis en français. On y voit une belle jeune fille nommée Charlotte qui, comme vous, Élodie, taillait des tartines et, comme vous, les taillait avec grâce, et si joliment qu'à la voir faire le jeune Werther devint amoureux d'elle.
— Et cela finit par un mariage ? demanda Élodie.
— Non, répondit Évariste ; cela finit par la mort violente de Werther.

Ces tartines reviennent dans un dialogue de "L'Education sentimentale", entre Madame Arnoux et Frédéric :

— Quelquefois, vos paroles me reviennent comme un écho lointain, comme le son d’une cloche apporté par le vent ; et il me semble que vous êtes là, quand je lis des passages d’amour dans les livres.
— Tout ce qu’on y blâme d’exagéré, vous me l’avez fait ressentir, dit Frédéric. Je comprends Werther, que ne dégoûtent pas les tartines de Charlotte.

"Les souffrances du jeune Werther" pourrait paraître pour le lecteur moderne comme une exagération parfois insupportable des sentiments. Or si ce lecteur a bannit le romantisme (peu ou prou) de sa "cité" livresque, il se plaît à le suivre hors de ce "lieu" pour y puisait son amour de la nature idyllique, les sentiments à l'état pur, l'amour platonique et revoir ces âmes exigeantes et douceâtres.

Goethe nous mène dans les tréfonds de son personnage qui s'exprime sans retenue, il y met un peu de ce qu'il était lors de cette écriture. C'était une bonne lecture où j'ai revécu toute une époque (de mes lectures antérieures) avec ses impressions, ses bonheurs. Un roman tout en douceur où les sentiments remontent dans un crescendo violent qui se termine par le tragique.
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Citations et extraits (323) Voir plus Ajouter une citation
C'est une chose résolue, Charlotte, je veux mourir, et je te l'écris sans aucune exaltation romanesque, de sang froid, le matin du jour où je te verrai pour la dernière fois. Quand tu liras ceci, ma chère, le tombeau couvrira déjà la dépouille glacée du malheureux qui ne sut pas trouver de repos et qui ne connaît pas de plaisir plus doux, pour les derniers moments de sa vie, que de s'entretenir avec toi. J'ai eu une nuit terrible, mais quelle nuit bienfaisante ! Elle a fixé, affermi ma résolution. Je veux mourir ! Quand je m'arrachai hier d'auprès de toi, dans l'atroce révolte de tous mes sens, quel serrement de coeur ! Comme ma vie, se consumant près de toi sans joie, sans espérance, me glaçait et me faisait horreur ! Je pus à peine arriver jusqu'à ma chambre. Je me jetai à genoux, tout hors de moi ; et ô Dieu ! tu m'accordas une dernière fois le soulagement des larmes les plus amères. Mille projets, mille idées se combattirent dans mon âme ; et enfin il n'y resta plus qu'une seule idée, bien arrêtée, bien inébranlable : je veux mourir ! Je me couchai, et ce matin dans tout le calme du réveil, je trouvai encore dans mon coeur cette résolution ferme et inébranlable : je veux mourir ! Ce n'est point désespoir, c'est la certitude que j'ai fini ma carrière, et que je me sacrifie pour toi. Oui Charlotte, pourquoi te le cacher ? Il faut que l'un de nous trois disparaisse et je veux que ce soit moi
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Pourquoi, m'écriai-je, vous autres hommes, ne pouvez vous parler de quelque chose sans ajouter aussitôt : c'est sage, c'est bien, c'est mal ! Et que veut dire tout cela ? Avez-vous, pour en juger ainsi, pénétré les raisons secrètes d'une action ? Savez-vous démêler avec précision les causes qui l'ont produite , qui devaient nécessairement la produire ? Si vous l'aviez fait, vous seriez moins préssés de juger.
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" Cher Wilhelm,je ends grâce à ton amitié de m' avoir si bien pris au mot. Ooi, tu as raison, il vaudrait mieux pour moi que je partisse. La proposition que tu me fais de retourner vers vous n' est pas tout
à fait de mon goût : au moins je voudrais faire un détour, surtout au moment où nous pouvons espéret
une gelée soutenue et de beaux chemins. Je suis aussi très content de ton dessein de venir me chetcher;
accorde-moi seulement quinze jours, et attends encore une lettre de moi qui te donne des nouvelles
ultérieures. IL ne faut pas cueillir le fruit avant qu' il soit mûr, et quinze jours de plus ou de moins font
beaucoup. Tu diras à ma mère qu' elle prie pour son fils, et que je lui demande pardon de tous les
chagrins que je lui ai causés . C' était mon destin de faire le toument des personnes dont j' aurais dû
faire la joie. Adieu, mon cher ami. Que le ciel répande sur toi toutes ses bénédictions ! Adieu. "
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Comme cette image [de Charlotte] me poursuit! Que je veille ou que je rêve, elle remplit seule mon âme. Ici, quand je ferme à demi mes paupières, ici, dans mon front, à l'endroit où se concentre la vision intérieure demeurent ses yeux noirs. Ici! Non, je ne saurais t'exprimer cela. Si je ferme les yeux, ils sont encore là ; ils sont là comme une mer, comme un abîme ; ils reposent devant moi, en moi ; ils remplissent les sens de mon front.

Qu'est-ce qu'un homme, ce demi-dieu de vanité? Les forces ne lui manquent-elles pas précisément à l'heure où elles seraient les plus nécessaires? Et lorsqu'il prend l'essor dans la joie, ou qu'il s'enfonce dans la tristesse, n'est-il pas alors même retenu, et toujours ramené à la morne et froide conscience de sa petitesse, alors qu'il espérait se perdre dans l'infini?
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" Oh ! qu’est-ce que l’homme, pour oser se plaindre de lui-même ? Je veux, cher ami, je te le promets, je veux me corriger ; je ne veux plus, suivant ma mauvaise habitude, revenir éternellement sur quelques sujets d’affliction que le ciel nous envoie. Je jouirai du présent, et le passé, tel qu’un vain songe, sortira de ma mémoire. Oui, mon ami, tu as raison, l’homme serait moins malheureux si (Dieu sait pourquoi il est ainsi fait), si au lieu de s’appliquer sans cesse à rappeler de douloureux souvenirs, il se laissait aller avec indifférence au cours de la vie."
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