Vers l’ouest, avec les derniers rayons roses,
En suivant bien la flèche sur le bas trop tendu
De la nuit qui s’est penchée pour mettre
L’avion dans sa poche, voilà
Ce qui te tient encore, les yeux au ciel, debout
Sur ce parking où tu effiles dans le gris
Tes voiles de Colomb, tes routes de la soie
Et du sel et du seul, en attendant.
En attendant que tout finisse (tu dis tout
Comme celui qui siffle pour garder son ombre
À ses côtés dans la ruelle obscure) tout : ce baiser
- À peine – du couchant sur les lèvres
De celle qui s’en va en te laissant le quai.
Et si le poème, c'était plus simplement
ce qui reste en souffrance dans la déchirure
du ciel, comme une valise sans couleur
un gant dans l'herbe - et le rayon de soleil
s'amuse avec les serrures, l'agrafe en fer-blanc
cependant que nous restons en retrait
empêtrés dans nos ombres
comme un enfant grandi trop vite
et qui ne sait plus rire.
Je me disais aussi: vivre est autre chose
que cet oubli du temps qui passe et des ravages
de l'amour et de l'usure - ce que nousfaisons
du matin à la nuit : fendre la mer,
fendre le ciel, la terre, tour à tour oiseau,
poisson, taupe, enfin : jouant à brasser l'air,
l'eau, les fruits, la poussière ; agissant comme,
brûlant pour, allant vers, récoltant
quoi ? le ver dans la pomme, le vent dans les blés
puisque tout retombe toujours, puisque tout
recommence et rien n'est pareil
à ce qui fut, ni pire ni meilleur,
qui ne cesse de répéter : vivre est autre chose.
Crépuscule, 4
Ce peu de mots ajustés aux choses de toujours
ce questionnement sans fin des gosses dans la journée
Ces silences plus longs maintenant, à l’approche du soir
comme le soleil traversant la chambre vide
sur des patins, tout cela qui se perd
entre les lames du parquet, les pas, les rides
a fini par tisser la toile inaccessible
qui drape chacun des gestes du vieux couple
lui donne cet air absent des statues
prenant le frais dans la cour du musée
- et nul ne voit leurs ombres se confondre
enjamber le haut mur du temps
mais seulement l’échelle aux pieds de la nuit
l’échelle sans barreaux ni montants
d’une vie petite arrivée à son terme.
Peut-être bien …
Peut-être bien que les hommes après tout
ne sont pas faits pour vivre dans les maisons
mais dans les arbres
et encore
pas comme l’écureuil ou le singe d’Afrique
qui sont des enfants espiègles et craintifs
mais comme les oiseaux
et encore
pas comme le loriot bavard ou le geai plus rogue
qu’un chien de ferme et plus insupportable
qu’une porte qui grince
mais comme les oiseaux de haute volée de longs
voyages
qui n’y viennent que pour le repos
échanger quelques nouvelles lier connaissance
et prendre un peu de sang nouveau
avant de s’enfoncer dans le silence et l’anonyme
gloire du ciel
loin
[…]
Avec douze écrivains de l'Anthologie
Avec Anne le Pape (violon) & Johanne Mathaly (violoncelle)
Avec Anna Ayanoglou, Jean d'Amérique, Camille Bloomfield & Maïss Alrim Karfou, Cyril Dion, Pierre Guénard, Lisette Lombé, Antoine Mouton, Arthur Navellou, Suzanne Rault-Balet, Jacques Rebotier, Stéphanie Vovor, Laurence Vielle.
Cette anthologie du Printemps des Poètes 2023 proposent 111 poètes contemporains et des textes pour la plupart inédits. La plus jeune a 20 ans à peine, le plus âgé était centenaire. Tous partagent notre quotidien autour de la thématique corrosive des frontières. Leurs écrits sont d'une diversité et d'une richesse stimulantes. Ils offrent un large panorama de la poésie de notre époque. Avec notamment des textes de Dominique Ané, Olivier Barbarant, Rim Battal, Tahar Ben Jelloun, Zéno Bianu, William Cliff, Cécile Coulon, Charlélie Couture, Jean D'amérique, Michel Deguy, Pauline Delabroy-Allard, Guy Goffette, Michelle Grangaud, Simon Johannin, Charles Juliet, Abdellatif Laâbi, Hervé le Tellier, Jean Portante, Jacques Roubaud, Eugène Savitzkaya, Laura Vazquez, Jean-Pierre Verheggen, Antoine Wauters…
Mesure du temps
La fenêtre qui donne sur les quais
n'arrête pas le cours de l'eau
pas plus que la lumière n'arrête
la main qui ferme les rideaux
Tout juste si parfois du mur
un peu de plâtre se détache
un pétale touche le guéridon
Il arrive aussi qu'un homme
laisse tomber son corps
sans réveiller personne
Guy Goffette – Ces mots traversent les frontières, 111 poètes d'aujourd'hui
Lumière par Iris Feix, son par Lenny Szpira
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