La ruée vers Laure - divagation –
Guy Goffette – nrf - Gallimard ( 50 pages- 11€)
Le titre accrocheur, construit sur un jeu de mots, hypnotise le lecteur d'emblée. Où veut donc nous conduire
Guy Goffette? Quel eldorado a-t-il déniché? En minuscule , on notera le mot « divagation » qui orientera notre quête vers l'inconnu. Dans l'avant-propos, l'auteur apporte des précisions quant à la genèse de ses élucubrations poétiques. Retranché dans son antre lorraine, emmuré par des colonnes de livres,
Guy Goffette fantasmait sur sa muse. de ses lectures sous le manteau au pensionnat, il avait gardé une attirance pour les ouvrages subversifs et licencieux et « un souvenir de jouissance inouïe ». Celle qui lui apparut , « cette indécente Laure, aux aventures scabreuses », ne fut pas du goût du paternel, soucieux de lui inculquer la bonne éducation.
Mais il n'avait cesse de rejoindre « cette figure fuyante ». D'où ce titre en latence.
Qui est cette Laure dont le prénom rime avec l'or? « Un prénom délicieux,venu de nulle part, avec toute la puissance de l'inconnu et son mystère », riche de promesses. Où la débusquer?
Par circonvolutions,
Guy Goffette nous guide vers la destination promise, vers ce « lieu attachant », délaissé des géographes, entretenant le mystère autour de « sa chose ». Il distille des indices , élimine certaines possibilités et décline une interminable liste d'adjectifs en ique « Ce n'est pas un lieu « mythique, ni ordalique, ni lubrique, ni beatenique... », mais un lieu de « énième type », « sans précédent, d'envergure » apparu soudainement.
En visionnaire , il évoque la crise financière et la dégringolade des banques. Il épingle la science qui ne sait pas tout expliquer, « ses errements » quand « des données lui échappent » et les géographes incapables « d'établir la liste exhaustive des constellations ».
L'auteur se complait dans les ramifications de son imaginaire. Toutefois , il ne veut pas tricher avec son lecteur , conscient de l'embarquer , tel un pionnier, vers un lieu « inviolable , sans péril», inexploré , idéal pour se ressourcer « en ces temps d'insupportables sclérose », à condition de lâcher prise. Et si ce lieu était né de l'imaginaire de l'auteur?
Le lecteur , à son tour, se retrouve captif de Laure, terre « vierge et nue, lieu blanc, filon laurifère » et du délire verbal de
Guy Goffette , « un Niagara de sons », célébrant toutes les Laure: « Laure des aèdes, Loreleï, Laure de Mycènes, Laure Hanches d'Arabie... ». Cette icône qui l'habitait depuis des années ,qu'il avait « dans la peau », il en parcourt « le Mont de Vénus », il la porte « aux nues », devenant son « phare dans la nuit ».A la manière de
Jean-Pierre Verheggen,maître du verboludisme, il se délecte de « ce banal jeu de mots », déclencheur de cette variation , précisant que « dès que la langue fourche, c'est qu'il y a du foin ». Laure ne fluctue pas dans le coeur de
Guy Goffette , elle au contraire « à la hausse » .
Ce recueil, dédié à
Jacques Almira ,qui lui aussi aspirait à « parler un langage acquis, acheté difficilement » nous offre une évasion vers ce lieu onirique, les rivages propres à
Guy Goffette.
Une lecture qui se mérite et exige un minimum de concentration ,vu la longueur de certaines phrases, pour accéder au nirvana poétique de l'auteur, en compagnie de sa « chair soeur ».
Pour
Guy Goffette , cette quête de laure est « une extravagance de jeunesse pour demeurer dans la surprise et l'émerveillement de cet âge dit- injustement- ingrat ». A savourer d'urgence.