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Georges Sédir (Traducteur)Allan Kosko (Traducteur)
EAN : 9782070405596
320 pages
Gallimard (16/10/1998)
3.81/5   37 notes
Résumé :
"Aujourd'hui, en relisant ces nouvelles lointaines, je me dis : hé! c'est pourtant riche, ça vibre de courts-circuits surprenants, de visions inattendues, comme ça pétille d'humour et de jeux ! J'en conviendrai donc, ce plasma douteux que j'avais en moi a pénétré dans le livre - mais non pour s'y répandre comme une marée puante, non, pas du tout ! Pour briller au contraire de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, pour scintiller d'humour, pour s'ennoblir de poésie e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
J'ai enfin trouvé un ouvrage de Witold Gombrowicz que j'aime ! C'est son recueil de nouvelles bakakaï. J'y ai trouvé quelques histoires qui m'ont assez plu, ce qui était assez attendu – ou inespéré, selon le point de vue – après que j'aie lu trois ou quatre des romans de l'auteur polonais. C'était moins une… Je ne les avais pas détesté mais disons qu'ils ne me donnaient pas l'envie de continuer à découvrir l'auteur. Je le dois seulement à mon entêtement. Ce recueil commence en force avec le danseur de maitre Kraykowski. le narrateur, après une brève altercation dans la queue d'une billeterie de l'opéra (il a essayé de dépasser, d'éviter la queue), suit l'individu qui l'a remis à sa place. Un stalker avant l'heure… Il apprend qu'il s'agit de maitre Kraykowski. Il le retrouve au café et à divers endroits et, pour prouver qu'il n'est pas une moins que rien, essaie de rivaliser en commandes (hors d'oeuvre, caviar, poularde, dessert, liqueurs…). Jusqu'où ira-t-il ? Assez drôle, surtout que j'imaginais deux ou trois personnes de ma connaissance dans cette situation…

Puis vient Mémoires de Stefan Czarniecki. Jeune homme mal-aimé par son père, aux origines maternelles troubles (juives), peu aimé à l'école même s'il est un enfant soigné et exemplaire. Pour prouver à tous qu'il est autant Polonais qu'eux, il s'enrôle dans l'armée et, surprenamment, il survit. Un mélange de réalisme et de romantisme. À son retour, tout ce pourquoi il avait il avait jusqu'alors vécu « était tombé en poussière ». La finale est profonde.

Les autres nouvelles sont d'un tout autre registre, assez cocasses mais plus ou moins égales. Je ne les ai pas toutes appréciées autant mais elles m'ont au moins diverti. Meurtre avec préméditation est sans doute la meileure de celles-là, à mon avis. C'est l'histoire d'un avoué qui se rend chez les K. pour liquider une affaire d'héritage et qui se met à suspecter la famille d'avoir achevé le patriarche. Plusieurs péripéties comiques.

Le festin chez la comtesse Fripouille. Étrange mais encore dans la limite de l'appréciable. le dénouement m'a surpris, je me rappelle avoir pensé « Tout ça pour en arriver à cette finale absurde ? » Les dernières nouvelles commencent à se perdre dans ma mémoire. Je ne les ai pas trouvé aussi bien, ça, c'est certain. L'étrangeté est là, parfois un peu trop. On voit le potentiel des oeuvres plus tardives de l'écrivain. Mais, moi, quand une histoire devient trop bizarre, quand le style l'emporte sur l'intrigue, quand cette dernière n'est qu'au service d'une philosophie trop inaccessible, je décroche. Dans bakakaï, c'était tolérable, toujours selon mon humble avis qui vaut bien ce qu'il vaut, c'est-à-dire celui d'un simple amateur.
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Ce volume contient toutes les nouvelles écrites par Gombrowicz. La plupart de ces textes sont des textes de jeunesse, le danseur du maître Kraykovski est ainsi écrit en 1926, c'est le premier texte qui satisfait son auteur et qu'il ne détruit pas. Un certain nombre d'autres récits sont ainsi rédigés jusqu'en 1933, Gombrowicz a essayé en vain de les publier dans des revues, et c'est finalement grâce au soutien financier de son père, que 8 de ces récits sont publié sous forme de livre. Dans la foulée, il écrit d'autres récits, certains publiés dans des revues, néanmoins il n'en écrira presque plus après avoir quitté la Pologne en 1939, juste deux nouvelles verront le jour ensuite, une en 1946 et une autre en 1953. Il faudra attendre 1957, l'époque d'un certain dégel politique en Pologne, pour une nouvelle parution des nouvelles de Gombrowicz, il profitera de cette parution pour faire quelques modifications dans les textes, et en intégrer des nouveaux, qui n'ont encore parus que dans des revues. C'est aussi à cette date qu'il choisit le titre bakakaï, n'ayant aucune signification en lui-même et provenant de la déformation du nom d'une rue dans laquelle il a habité en Argentine. La parution française quand à elle date de 1967.

Etant donné leur nombre, je ne vais parler que de quelques uns qui m'ont le plus frappés.

Le danseur du maître Kraykovski : dans ce récit, le personnage principal, se fait rudement remettre à sa place alors qu'il tente d'acheter son billet sans faire la queue par le maître Kraykovski du titre. A partir de ce moment, il se met à suivre l'avocat, lui envoyer des fleurs, des cadeaux, et même de favoriser ses amours ; ces activités devenant sa seule raison d'être. La fin est particulièrement désopilante, mais bien sûr je ne la raconterai pas. C'est peut être le seul texte franchement drôle, où les aspects malsains et dérangeants, propres à Gombrowicz sont les moins présents. Mais n'oublions pas que c'est son premier texte.

Meurtre avec préméditation : le narrateur est un juge d'instruction. Il doit se rendre pour des raisons personnelles chez une de ses connaissances. Or il s'avère que cet homme est mort la nuit qui a précédée l'arrivée du juge. Malgré l'état du corps, qui indique d'une façon évidente une mort naturelle, notre juge décide d'enquêter, et trouve de plus en plus d'indices qui lui rendent cette mort suspecte, et pour cela n'hésite pas à terroriser les domestiques et la famille du défunt.

Virginité : l'héroïne de cette nouvelle, une jeune fille, se fait agresser à coup de brique par un vagabond. Cet événement la perturbe et lui fait voir la vie sous un nouveau jour. Au point qu'elle se met à poser à son fiancé d'étranges questions, et qu'elle commence à manifester des envies plus qu'étranges…..

Le festin chez la comtesse Fritouille : la comtesse du titre a l'habitude d'offrir des déjeuners littéraires très courus, le vendredi, donc (pour ceux qui l'ignorent) sans viande. Notre héros, qui n'a pas la chance d'avoir une ascendance aristocratique, est tout heureux d'être invité à ce repas élitiste. Mais le jour où se déroule le récit les choses ne se passent pas comme d'habitude, les invités sont peu nombreux, et le repas misérable, et pendant ce dernier, notre narrateur découvre que le cuisinier, pour régaler les invités trichait allègrement avec l'interdiction d'utiliser la viande dans ses préparations, et que pris sur le fait, il a du rectifier le tir, d'où le peu d'invités. Et qui plus est, ces invités ne se comportent pas du tout comme à l'accoutumée, et leur comportement devient totalement incontrôlable lorsqu'un certain plat apparaît sur la table.

Dès ses premiers textes, Gombrowicz s'ingénie à tout démolir, la religion, la famille, la culture, l'aristocratie, l'armée….C'est féroce et drôle, enfin pas toujours, car tout de même très malsain, avec un mauvais esprit absolu, et un univers qui se décompose à chaque page. Il vaut mieux être prévenu, car ce genre de textes peut vraiment choquer, et c'est un des buts de l'auteur, il adorait vraiment que ses textes provoquent des réactions indignées. Mais le problème, c'est qu'ils touchent juste, même s'ils donnent une image guère flatteuse de l'espèce humaine. Il ne s'agit pas de textes réalistes, psychologisants, c'est paroxysmique, outré, monstrueux. Et les grands thèmes propres à l'auteur sont déjà en germe dans ces textes, maturité-immaturité, la forme, l'érotisme (enfin dans un sens très particulier), les relations interpersonnelles dans la définition d'un individu.

J'ai été comme toujours sous le charme de l'écriture de Gombrowicz qui joue en virtuose de tous les niveaux du langage, qui crée des néologismes, qui s'amuse à utiliser des mots et des expressions archaïques, ou tirés de langues étrangères. Cela dit, je ne sais pas ce que cela donne en traduction, il faudrait que je le lise un jour en français pour voir, mais il est à mon avis plus que difficile à traduire, même s'il a participé à certaines traductions de son oeuvre en français.

Ce n'est par ces textes que je conseillerais de commencer à découvrir son oeuvre, mais lorsqu'on a comme moi lu pratiquement tout ce qu'il a écrit, c'est un vrai bonheur de savourer ces récits.
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Gombrowicz est juste ce qu'il faut de taré, de décalé pour que je puisse croire que toutes ces histoires soient vraies alors qu'impossibles. Et même il me fait croire que c'est lui-même qui les a vécues. Quel que soit le personnage qu'il dessine, pour moi, c'est toujours le même. Ce qui ne cesse d'être "perturbant" tout au long de ces différentes nouvelles. "Perturbant" comme je l'aime. Rien n'est tout à fait exceptionnel, mais tout me sonne bon. Entre un Dostoïevski pour les aspects explosions de folie à tout moment, et les surréalistes ou Pennac, Vian, Queneau et quelques autres pour le décalage grotesque parfois. Gombrowicz est Polonais. Et ça (ne) se sent (pas). (In)volontaire. Je ne veux pas le savoir.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Je remarquai de bonne heure que mon père évitait comme le feu le contact de ma mère. Pis encore, il évitait sa vue et, quand il lui parlait, il regardait en général de côté ou s'examinait les ongles. Rien de plus triste en son genre que ce regard obstinément baissé. Parfois, cependant, il la regardait en biais, avec les marques d'un dégoût sans bornes. [...] Et comment dans ces conditions expliquer mon existence? Comment étais-je venu au monde? Je pense qu'on m'avait conçu dans une sorte de contrainte, les dents serrées, en faisant violence à l'instinct - autrement dit, je suppose que mon père a lutté un certain temps contre son dégoût au nom du devoir conjugal (il plaçait plus haut que tout son honneur viril) et qu'un bébé, moi, a été le fruit de cet héroïsme.
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Rien de plus artificiel que les descriptions de jeunes filles et les comparaisons recherchées que l'on forge à cette occasion. Les lèvres comme des cerises, les seins comme des boutons de rose... Oh, s'ils suffisait d'acheter chez le marchand quelques fruits et légumes! Et si une bouche avait vraiment le goût d'une cerise mûre, qui pourrait tomber amoureux? Qui se laisserait tenter par un baiser réellement doux comme une friandise?
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- [...] Notre langue est cent fois plus riche que la française, qui passe cependant pour la plus accomplie. Que dit le français? «Petit», «petiot», «très petit», tout au plus. Tandis que nous, [Polonais], quelle richesse : «maly», «malutki», «maluchny», «malusi», «malenki», «malenieczki», «malusienki», et ainsi de suite.
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L'amour! quelle charmante, quelle incompréhensible absurdité! Pincer et repenser, et même prendre dans ses bras, combien de choses cela implique! Bah, je sais maintenant à quoi m'en tenir, je vois la secrète parenté de cela avec la guerre : à la guerre aussi il s'agit de pincer et de repenser, ou de saisir dans ses bras. [...]
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Je suis né et j'ai grandi dans une maison très respectable. C'est avec émotion que je me reporte vers toi par la pensée, ô mon enfance ! Je revois mon père, un bel homme de haute stature dont tous les détails du visage, le regard, les traits, les cheveux grisonnants, témoignaient d'une bonne et noble race. Je te revois aussi, mère, austèrement vêtue de noir, avec pour seul bijou de larges boucles d'oreilles anciennes. Je me revois enfin moi-même, petit garçon grave et pensif, et j'ai envie de pleurer sur mes espoirs détruits.
Le seul point noir, peut-être, de notre vie familiale était que mon père détestait ma mère. Je m'exprime mal en disant qu'il la détestait : c'est plutôt qu'il ne pouvait pas la supporter. Pourquoi ? Je n"ai jamais pu le comprendre et là commence le mystère dont les ténèbres m'ont conduit, dans mon âge mûr, à une catastrophe intérieure. Que suis-je en effet devenu ? Un voyou, ou mieux encore une ruine morale. Par exemple, en baisant la main d'une dame, je la mouille de salive, après quoi je sors vite mon mouchoir de poche, je dis : " Oh, excusez-moi " et j'essuie.
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Videos de Witold Gombrowicz (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Witold Gombrowicz
Witold Gombrowicz : Entretiens avec Gilbert Maurice Duprez (1967 / France Culture). Diffusion sur France Culture du 14 au 20 janvier 1970. Photographie : L'écrivain polonais Witold Gombrowicz (1904-1969), portrait daté de 1967. - Sophie Bassouls/Sygma/Sygma via Getty Images. Ces entretiens avec le grand écrivain polonais, disparu en 1969, ont été enregistrés en 1967 et diffusés pour la première fois du 14 au 20 janvier 1970. Witold Gombrowicz a enregistré cette série d'entretiens avec Gilbert Maurice Duprez en juin 1967 alors qu'il venait de se voir décerner le prix international de littérature "Formentor". Plutôt que d'y voir une tentative d'exégèse de son œuvre par lui-même, il faut plutôt considérer ces entretiens comme une suite d'esquisses en vue d'un autoportrait que l'on pourrait intituler : Witold Gombrowicz par Witold Gombrowicz. L'écrivain polonais est mort en 1969 des suites d'une grave affection cardiaque. Gombrowicz n’a jamais pu jouir pleinement du succès de son œuvre, notamment à l’étranger. C’est en France, grâce notamment au vif succès des représentations du "Mariage" au théâtre Récamier en 1964 et de "Yvonne Princesse de Bourgogne" au théâtre de France en 1965, que son œuvre trouve l’un des retentissements les plus rapides. Polonais mais antipatriote visant une forme d’universalité humaine, il était important pour Gombrowicz que son œuvre dépasse les frontières de son pays. Witold Gombrowicz : « Mon histoire est celle-ci : j'ai quitté la Pologne en 1939, après j'ai passé vingt-trois ans en Argentine, puis après une année à Berlin je me suis établi ici, à Vence, à cause de ma santé qui n'est pas très bonne. Exilé ? Oui, premièrement je suis un exilé politique à cause du régime communiste en Pologne, mais aussi dans un sens spirituel. C'est-à-dire que je veux être un écrivain universel et dépasser ma situation particulière de Polonais, même je ne voudrais pas être un écrivain européen. Ma philosophie est de dépasser la nation. Je suis dans un certain sens un antipatriote. » Grâce à ces entretiens, enregistrés en juin 1967, soit un an et demi avant sa mort, on découvre un Gombrowicz certes fatigué, à la voix enrouée, mais toujours plein de la vivacité intellectuelle et de cette lucidité presque déconcertante qui irrigue son œuvre. Posant un regard critique sur la société et notre façon d’être au monde, on y découvre un Gombrowicz qui exècre beaucoup de ses contemporains et la littérature moderne en général, déclarant la guerre à Joyce ou au nouveau roman, dont la forme trop complexe brouille toute possibilité d’une vraie expérience de lecture. Ces enregistrements sont des ressources rares et précieuses qui permettent aux auditeurs et auditrices d’entrevoir les mouvements intimes de l’un des esprits les plus excentriques et fascinants de la littérature européenne du XXe siècle.
Source : France Culture
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