Francisco Gonzales Ledesma est né en 1927, il a connu toutes les Espagnes, celle de Franco, celle du Roi et d'Adolfo Suarez, celle de Felipe Gonzales et puis les dernières, celle de Zapatero, de Aznar et de Rajoy...
Inutile de dire qu'il y a du Ledesma dans l'inspecteur
Mendez et son amour-détestation pour l'Espagne et pour Barcelone.
L'enquête a peu d'importance, elle sert de support à une logorrhée ininterrompue.
Mendez-Ledesma interroge sans cesse la nostalgie et se demande ce qu'elle peut bien lui apporter dans la compréhension du monde :
(page 258)
«-Tu sais, il y avait ici-même, après ces escaliers, une grande cour avec un lavoir. La vie des femmes n'était pas rose en ce temps-là. Laver à la main, accoucher dans la douleur, forniquer sans pilule. de quoi se plaignent-elles à présent ? Mais, vois-tu, il y avait plus de chaleur humaine. Je me rappelle un des titres de Buero Vallejo que j'adorais à l'époque : Histoire d'un escalier. Mais que représente un escalier, maintenant ? Sept ou dix mondes indifférents qui s'empilent les uns sur les autres ? Qui donnerait aujourd'hui un titre de ce genre à un livre si le thème n'en est pas l'incommunicabilité ?»
Le roman est sans arrêt dans l'interrogation,
Mendez-Ledesma recherche le coupable et un monde perdu. Il induit que la perte de ce monde est à l'origine du meurtre qu'il doit élucider.
Ses aphorismes sont dans la tradition des littérateurs espagnols, féroces, ironiques, fantasques, sexuels, outranciers sans être grossiers :
«Notre Cela est dans un bar à putes. (...) Sachez que je me nomme
Camilo Jose Cela, académicien de la Langue.
S'pèce de dégoûtant ! que lui jette la fille.»
«
Xavier Domingo, le critique gastronomique, interrogé sur le travail des femmes aurait répondu «je n'ai rien contre la Veuve Cliquot»»
«-Putain, le prix de le bière, ici ! A croire que Cléopâtre a pissé dans les verres avant de casser sa pipe.»
«Ils remontèrent tous deux en direction du Cine Céntrico, le vieux royaume des puces et des jeunes fiancés, des serments amoureux et des mains baladeuses.»
«Il jeta les restes de son mégot, et s'il est au monde une cigarette qui répandit au vol des pellicules mêlées à des oeufs d'acariens, ce fut surement celle-ci»
Il n'y va pas par quatre chemins, comme d'habitude direz-vous. Oui, mais avec une pointe de quelque chose en plus.
Confrontée au coupable, il l'agonit littéralement de questions :
«Dites-moi, quand avez-vous conçu le projet du meurtre ? En écoutant Mozart ? En révisant vos comptes ? En ingurgitant du canard ? Comment l'avez-vous entrainé jusqu'à cette piaule abjecte ? Eh bien, écoutez-moi. Vous l'y avez emmené parce qu'on ne pourrait vous soupçonner, si loin de votre monde. Quant au prétexte, vous l'avez trouvé sans difficulté.»
Il devient caricatural :
«
Mendez-Sherlock près de la fenêtre,
Mendez-Spade à une seule enjambée du lit.
Mendez-Marlowe frôlant presque le meuble bar. (...) Faites-les jouer ma petite, fit
Mendez-Spillane.»
Si
Mendez n'est pas un nostalgique, c'est un tendre romantique. Conscient de son inadaptation au monde. Son père-double, Ledesma conclut pour lui :
«
Mendez restait drapé dans son silence. Son éternel silence intérieur d'homme qui n'arriverait à rien. Mais il aimait ce silence : l'unique chose qu'on ne lui ôterait jamais.»
A LIRE !!!!
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