Ma vie avec les chimpanzés

Je passais beaucoup de temps dans notre grand jardin. Il était assez sauvage. Il y avait un hêtre que j'aimais tellement que ma grand-mère me l'offrit pour mon dixième anniversaire. J'avais un arbre à moi ! Lorsque j'étais joyeuse, je grimpais haut dans ses branches et je m'y asseyais pour regarder les oiseaux et écouter leurs chansons. Parfois j'y emportais mes devoirs. J'y grimpais aussi lorsque j'étais triste, pour m'isoler. Souvent, dans ces moments-là, je lisais un livre. C'était un conseil de maman. Elle disait que cela pouvait m'aider à oublier mes ennuis, au moins pendant une heure ou deux, et peut-être qu'après ils ne me sembleraient plus si graves. Ce conseil, je le suis encore aujourd'hui.

n juillet 1960, avec ma mère, Vanne, je suis arrivé au parc national de Gombe, au Tanganyika, pays qui deviendra la Tanzanie. Au début, j’ai eu beaucoup de mal à étudier les chimpanzés. Ils prenaient la fuite dès mon arrivée. J’ai mis plusieurs mois avant de pouvoir m’en approcher. Malgré des conditions de vie difficiles, rien ne pouvait ébranler ma détermination. Tous les jours j’explorais la forêt sans relâche. Progressivement, les chimpanzés se sont habitués à ma présence.

L’étude comportementale fut effectivement très longue. Heureusement, mes observations étaient riches d’enseignements. C’est en octobre 1960 que j’ai observé un chimpanzé en train de fabriquer et d’utiliser des outils pour attraper des termites. Je savais que j’étais alors le témoin d’un moment très important dans l’étude du comportement animal. Cette constatation a modifié notre conception de l’«homme» qui définissait à cette époque l’usage de l’outil comme exclusivement humain.

Les chimpanzés sont biologiquement semblables aux humains, nous avons en commun plus de 98 % de notre patrimoine génétique. L’homme partage avec les singes actuels des ancêtres identiques qu’on ne connaît pas. L’Homo sapiens serait en fait l’espèce actuelle la plus proche des chimpanzés, et réciproquement. Donc, parmi toutes les espèces vivantes actuelles, il n’y aurait aucun ancêtre, mais simplement des espèces qui sont plus ou moins apparentées entre elles. Aucune n’est « inférieure» à aucune autre. Seuls les degrés de parenté diffèrent, en allant des espèces les plus éloignées jusqu’aux espèces les plus proches de nous.

Les membres d'une famille chimpanzés sont très proches et s'aident les uns les autres. Les chimpanzés se prennent dans les bras et s'embrassent pour se saluer, se tiennent par la main ou s'agrippent les uns les autres lorsqu'ils ont peur. Ils se réconfortent en se tapotant gentiment le dos. Quand ils se fâchent, ils deviennent arrogants, se donnent des coups de poing et des coups de pied. Ils peuvent ressentir la tristesse, la joie, la peur, la colère, le désespoir. Ils peuvent s'aimer, éprouver de la compassion.

De plus, cela peut être réellement désastreux pour nous de détruire des espèces vivantes. Nous savons que bien des médicaments importants utilisés pour guérir les maladies humaines nous viennent des plantes, parfois même des insectes. Lorsque nous détruisons une région sauvage, nous sommes susceptibles de détruire toute une espèce de plantes ou d'animaux qui n'existe nulle part ailleurs. Sans ne savoir, nous risquons de détruire le remède contre le cancer, le sida ou toute autre maladie.

Si un chimpanzé est capable de venir en aide à un humain en détresse, alors les humains se doivent, chaque fois qu'ils le peuvent, d'aider les chimpanzés et toutes les autres créatures avec qui ils partagent le monde aujourd'hui.