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Astérix tome 17 sur 40
EAN : 9782012101494
47 pages
Hachette (19/01/2005)
4.12/5   1177 notes
Résumé :
Nous sommes en 50 avant Jésus-Christ ; toute la Gaule est occupée par les Romains... Toute ? Non ! Car un village peuplé d'irréductibles Gaulois résiste encore et toujours à l'envahisseur. Et la vie n'est pas facile pour les garnisons de légionnaires romains des camps retranchés de Babaorum, Aquarium, Laudanum et Petibonum...
A force de défaites multiples, césar se voit dans l'obligation de changer de tactiques pour faire accepter la civilisation romaine à n... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (79) Voir plus Ajouter une critique
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Le Domaine Des Dieux est l'une des quelques aventures « à domicile » d'Astérix. Ici, pas de grand dépaysement ou de voyage dans l'espace, mais plutôt un grand voyage dans le temps, en accéléré, vers le futur et son urbanisation sauvage et à outrance, qui défigure la nature et modifie à jamais l'esprit des habitants de l'endroit.

Des boutiques à touristes à la faune privée de son biotope, les auteurs balaient tous azimuts et avec brio. C'est même un Goscinny très en forme qui signe probablement dans cet album l'un de ses tout meilleurs calembours avec le fameux « il ne faut jamais parler sèchement à un Numide ».

Le synopsis, quel est-il ? César, agacé par cette résistance farouche à sa coercition du village des irréductibles Gaulois, décide d'en venir à bout par la ruse, en en faisant de très minoritaires résidents d'un gigantesque ensemble urbain. Les villageois indigènes seraient alors réduits à l'état de curiosité archaïque, exactement comme les indiens des réserves dans Lucky Luke, détail qui prouve que c'est une idée très fermement ancrée en Goscinny (à raison selon moi) que cette dénaturation du caractère authentique d'un groupe ethnique par son contact trop étroit avec la société dominante.

Le problème, évidemment, c'est qu'il va falloir le construire ce vaste domaine urbain, et avec des teigneux de la première espèce comme le sont les Gaulois de ce village, l'opération risque d'être délicate. César délègue sur place le vaillant architecte Anglaigus, qui contrairement à la majorité des Romains dépeints dans Astérix, s'avérera méticuleux, obstiné et absolument pas poltron, bien que son moral ait de fortes raisons de connaître des chutes.

Eh oui ! car outre le fait d'être épaulé par des légionnaires romains notoirement couards, paresseux et incompétents, quant à eux, il faut aussi qu'il compose avec les soulèvements des esclaves et les glands enrobés de potion magique qui font repousser un chêne mature aussi vite qu'Anglaigus les abat, sans compter les morsures d'Idéfix dirigées vers son fessier, lui le grand défenseur de la cause végétale.

On lit aussi, en filigrane, des messages plus subtils et qui doivent susciter notre réflexion, notamment, celle que toute industrie ou activité quelconque employant de nombreux salariés (en l'occurrence ici, pas toujours salariés), aussi nuisible soit-elle pour l'environnement ou la santé de ses employés n'est pas si facile à juger.

Car aussi néfaste soit-elle, cette entreprise fait vivre des gens qui n'ont que ça pour vivre. S'en prendre à cette entreprise peu scrupuleuse, c'est avant tout s'en prendre aux derniers maillons, les pauvres bougres qui n'y sont pour rien. Cela ne vous rappelle rien ? Des pêcheurs espagnols aux orpailleurs de Guyane en passant par les roses ou les truites produites en Afrique pour alimenter Rungis ?

Goscinny place dans la bouche de l'esclave numide Duplicatha cette superbe phrase : « Vous nous empêchez de devenir des hommes libres, en nous empêchant d'achever le travail. » À méditer à l'aune d'un certain « Arbeit macht frei », thème qu'avait également repris Paul Grimault dans son magnifique film d'animation le Roi Et L'Oiseau…

Et comme si cela ne suffisait pas, il en rajoute une couche sur le syndicalisme et le droit du salarié dont chacun pourra trouver sa propre morale car René Goscinny pointe le doigt (et décide de s'en amuser) sur tous les excès, de part et d'autre, tant du côté salariat que du côté patronat, qui font que jamais tant que l'humain sera humain, ces deux engeances ne pourront s'entendre pour leur bien mutuel.

En bref, encore un très bon cru, pas forcément très accessible pour les jeunes enfants, mais délectable après, du moins c'est mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.

N.B. 1 : vous avez sous les yeux le seul Astérix de l'ère Goscinny où Obélix ne figure pas en couverture.

N.B. 2 : comparez, si le coeur vous en dit, la façon dont est représenté Vercingétorix aux pieds De César, lorsque, comme ici, c'est César qui parle, ou bien dans "Le Bouclier Arverne", la même vignette, mais quand ce n'est plus César qui parle. Bravo à Uderzo pour cette subtilité.
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Le Domaine Des Dieux est un excellent volume de cette farouche et attachante série d'aventure de nos deux gaulois intrépides .

C'est aux résistants du village gaulois , qui résistent encore et toujours , que je dois mon gout pour l'histoire ancienne .
Ce n'est pas pour raconter ma vie que je le mentionne , c'est juste pour dire que dans ces BD anodines et distrayantes , il y a une flamme qui brule et qui est susceptible d'avoir une incidence sur le lecteur , une flamme capable d'orienter une destinée .... et Bla ... Bla ... Bla ...
En effet je n'aimais pas les romains , ils avaient conquis la Judée , détruit Carthage , et conquis la Gaule . vraiment ils avaient un CV , qui n'était pas du tout « le genre de la maison « ...
Alors ce petit village qui durait et qui distribuait des baffes aux romains qui les méritaient , avait tout mon soutient , moi qui voulait refaire l'histoire et qui aurait aimé pouvoir effacer l'uniformisation du bassin méditerranéen impulsée par Rome et par les monarchies hellénistiques ...

Le Domaine Des dieux est un des meilleurs de la collection . Mes critères pour décerner cette palme , tient au fait que c'est un des volumes où l'histoire est vraiment riche car traitée de façons approfondies . Cette histoire se termine sans être bâclée où simplement sans être clôturée par une fin trop abrupte . Parce que aussi , les dessins nous interpellent souvent , car ils sont denses et recherchés , surtout ceux qui viennent densifier le contexte , le cadre , disons l'univers . Je pense par exemple , à la pub et au prospectus qui sont fait à Rome pour promouvoir ce programme immobilier , directement téléguidé par César en personne . C'est un exemple , entre autres exemples , de ces planches de qualité qui sont offertes à la sagacité du lecteur et qui sont riches d'humour et de détails .

Le village résiste , les camps romains poursuivent leur surveillance qui consiste principalement à essayer de ne pas avoir trop d'ennuis . Nos amis gaulois ont la belle vie . Ils sont en bord de mer , il y a de belles forets , des sangliers et des romains à qui distribuer des baffes . César en a assez , ce village qu'il connaît bien est une ombre qui ridiculise Rome et qui pourrait finir par nuire à sa carrière politique , lui qui affirme avoir conquis la Gaule .
L'idée est de cerner le village , en plaçant dans son voisinage immédiat , une vitrine attractive de la civilisation romaine . Qui doit permettre d'assimiler le village en diluant son identité par des contacts quotidiens , interactifs et constants avec le monde romain et sa civilisation , incarnée ici dans un lotissement romain et dans ses habitants .

C'est bien vu au fond , parce que ce n'est pas d'une autre façon que s'est réellement effectuée la romanisation du bassin méditerranéen occidental . Ce processus de latinisation s'est entre autre effectué par l'implantation de colonies romaines et urbaines de peuplement et par l'accession à la citoyenneté romaine des élites locales . de même qu'elle s'est faite par une politique systématique d'urbanisation de qualité , qui fut intensive et impulsée dans le même élan que l'établissement des colonies romaines ..
Sur cette strate historiquement pertinente , se dépose une strate thématique plus contemporaine , avec ce qui est finalement la mise en place d'un programme immobilier en bord de mer , qui vient sabrer la vie locale , l'identité locale et la pauvre nature locale (biotopes dénaturés ... ) .
Se greffe clairement à la trame narrative l'idée que les contacts commerciaux asymétriques , dénaturent l'identité et les traditions locales , en réduisant cette identité à un facteur commercial dénaturé et désincarné .
Le village se transforme rapidement en centre commercial , les prix montent et tout le monde dans le village , se retrouve dans l'industrie du folklore , l'offre abonde et César pourrait bien réussir ?

Pour construire le Domaine Des Dieux , il faut effacer la foret et pour construire , il faut des esclaves . Les pauvres esclaves n'en finissent pas , car mystérieusement , les arbres repoussent constamment . Il faudra finalement consentir à les payer , pour essarter la foret et pour construire le premier immeuble . Cette thématique de l'esclavage est ici désopilante et riche , car ces messieurs viennent de tout le monde romain et ils sont dotés de tempéraments très différents . Leurs revendications sont également désopilantes , et l'évolution de leur contrat de travail vaudra le détour .

Dans cet album comme d'habitude tout le monde en prend pour son grade , les syndicalistes , les politiques , nos farouches gaulois . Mais ce qui fait le succès de cet univers à mon humble avis , c'est que si on n'hésite pas à ruer frontalement dans les brancards , concernant certaines réalités ou certains comportement innommables ou contreproductifs . Il y a aussi et systématiquement une douce aménité , qui vient jeter du baume sur ce que les auteurs dénoncent régulièrement ou seulement plus ponctuellement . En effet , c'est ainsi que les romains ne viennent pas tous s'installer volontairement dans ce lotissement , certains y sont contrains . Les esclaves sont bien obligés de gagner leur vie et pour cela il faut du travail ....

Donc toujours cette relativisation des dynamiques , qui s'enracine dans la complexité pertinente et éternelle des choses , qui vient opportunément arrondir les angles , et finalement cette aménité constante dans le traitement des problématiques évoquées , fait que cette bande dessinée respecte profondément la nature humaine en la posant comme grise ( pas noire et pas immaculée ) . Les réalités et les responsabilités ne sont ne sont jamais simples. Elles sont souvent ambiguës . C'est vrai dans cette BD comme dans le monde réel que nous connaissons .

Bref , un épisode qui est dense , que ce soit le texte ou que ce soit les dessins et les belles couleurs , des couleurs souvent pastelles et vives .
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Etait-ce une riche idée que celle de César de construire un domaine d'habitations à proximité du village gaulois bien connu des lecteurs d'Astérix, afin d'isoler les gaulois et de conquérir par la ruse ce que la force n'a pas permis?

Bien sûr que non, mais cela a quand même ébranlé les fondamentaux des habitants du village qui ont découvert l'intérêt de commercer avec l'ennemi, l'argent frais venant à bout du moindre poisson d'Ordralfabétix, pourtant pas si frais que cela en principe... Et le forgeron devient marchand d'antiquités...

Panoramix et Astérix auront la solution grâce à leur barde que l'un des romains a rebaptisé involontairement Assurançautierlimitix et donc sans tous risque les romains vont devenir de simples tiers que les gaulois vont réduire en fractions encore plus nombreuses.

C'est un album rempli d'humour et de finesse où les réparties s'enchaînent naturellement pour le plus grand plaisir du lecteur qui peut toujours en rire volontiers, dans une intemporalité qui marque bien le succès définitif des aventures d'Astérix le gaulois.
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Déjà la dix-septième aventure d'Astérix et de ses compères irréductibles ! le Domaine des dieux est une des meilleures de la série où René Goscinny et Albert Uderzo sont, en 1971, à l'apogée de leur talent.

Alliant à merveille calembours à foison et situations drolatiques dont ils sont coutumiers, les deux compères réussissent le tour de force, non seulement de renouveler une typologie de scènes très cadrées, mais également, encore une fois, de mettre en parallèle des préoccupations contemporaines avec des considérations très burlesques. C'est ainsi la condition de l'homme outragé, l'urbanisation à outrance, la publicité ahurissante et même l'écologie face au capitalisme qui sont abordées, tout en misant sur les thèmes classiques gaulois : amitié, bonne vie et patriotisme plus ou moins roublard.

Un tome incontournable donc, qui fait l'objet d'une adaptation en dessin animé notamment par Alexandre Astier (en 2014) et qui ne s'oublie guère, rien qu'en se remémorant des répliques comme "il ne faut jamais parler sèchement à un numide", "Il est formidable. - Qui ça ? - Ben... vous. - Ah. Lui" ou "En arrachant les arbres, vuos faites de la peine [...] aux corneilles. - Oui, c'est un problème cornélien". Bref, que du bonheur en cases !
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Avec ce 17e album, concocté par le duo Goscinny et Uderzo et sorti en 1971, on observe un retour aux fondamentaux de la série, à savoir la colonisation romaine et la volonté de Jules César d'achever sa Guerre des Gaules. Jules ne souhaite pas s'accommoder d'un statut quo de bon voisinage, il envisage sérieusement de terminer le job pour occuper le territoire dans sa totalité, et cette fois, par Toutatis, les Romains ont bien failli y parvenir !

Ce thème a déjà fait ses preuves, notamment dans le Combat des chefs et dans la Zizanie, et on le retrouvera plus tard dans Obélix et Compagnie et dans l'Iris blanc. Cette fois, c'est l'architecte Anglaigus qui est à la manoeuvre, sous la responsabilité directe de Jules César. Anglaigus est chargé de bâtir un complexe résidentiel, en réalité la première étape d'une ville nouvelle appelée « le Domaine des dieux » (ce choix s'est imposé après la proposition « Rome II »), qui prendra la place de la forêt entourant le petit village que nous connaissons bien. L'idée est bien sûr de civiliser et de romaniser les Gaulois à la faveur de la proximité d'un lieu de vie présenté comme le summum de la modernité et du confort.

Très rapidement, deux nouveaux sujets « sérieux » émergent de ce point de départ : la bétonisation à tout va et donc l'écologie puis les conflits sociaux dans le monde du travail, et donc les rapports de force dans la lutte des classes invariablement inégale, avec dans ce contexte une réflexion sur le désir de liberté (ou le libre arbitre) de la classe soumise et l'affranchissement de l'esclavage. Avec Goscinny, les sujets de société remontent toujours rapidement à la surface, nourris de comique de situation, de gags désopilants et d'anachronismes les plus cocasses.

La dimension écologique de l'album est manifeste, voire avant-gardiste, car pensée au tout début des années 70. Cette année-là, les Amis de la Terre faisaient encore figure de doux rêveurs et il allait falloir attendre 1974 pour qu'un candidat écologique, René Dumont, se présente aux élections présidentielles. Les Gaulois, plus proche de la nature que les Romains, sont rarement montrés comme les agriculteurs qu'ils ont été comme l'histoire l'atteste (et malgré les champs cultivés qui apparaissent parfois sur les vues éloignées du village, ici page 4), mais plutôt comme les derniers représentants d'une civilisation de chasseurs-cueilleurs (sangliers, champignons… sont évoqués dans la chanson d'Assurancetourix page 40) ; la forêt constitue alors leur principale source de subsistance. Idéfix, chien écologique par excellence, est viscéralement contre la destruction des arbres, dès lors Obélix, toujours présent pour soutenir Idéfix, se range du côté des défenseurs des arbres et donc de la nature.

Le combat à mener contre les Romains sera donc écologique, et il va se dérouler en quatre manches : 1) empêcher les romains de créer une clairière et de construire le bâtiment ; 2) préserver les spécificités de la civilisation gauloise, sans se laisser contaminer par la civilisation romaine ; 3) empêcher le bâtiment une fois construit d'être habitable ; 4) chasser les légionnaires romains qui ont remplacé les civils et détruire définitivement le bâtiment, afin que la forêt puisse reprendre ses droits.

Les Gaulois perdent la première manche. Après avoir, plusieurs nuits de suite, replanté ou fait repousser avec succès les arbres arrachés, en utilisant la force d'Obélix (page 12) et la magie du druide Panoramix (page 15), les Gaulois sont dans l'impasse. Face à la ténacité inhabituelle des Romains qui malgré leur manque d'efficacité continuent leur oeuvre destructrice, les Gaulois sont forcés de reconnaître que leur tactique tourne en rond au détriment des esclaves employés (page 18), et surtout, qu'elle s'oppose aux attentes de ces esclaves qui souhaitent pouvoir continuer de travailler dans la perspective de redevenir libres (page 25). Panoramix et Astérix font machine arrière et revoient leur stratégie en autorisant et en favorisant la poursuite des travaux par la distribution de potion magique aux esclaves (page 25).

Les Gaulois perdent également la seconde manche. le bâtiment une fois construit peut accueillir ses premiers occupants, tirés au sort lors d'un gala organisé par César au cirque Maxime (page 27). Les esclaves sont affranchis (parmi eux les pirates de la série) et les occupants romains parviennent assez rapidement à semer une sorte de « zizanie » mettant à mal l'unité et l'harmonie du village, montrant ainsi l'efficacité du plan échafaudé par César. Les romains font du tourisme dans le village dont le modèle économique va rapidement se transformer : les Gaulois créent une dépendance à la civilisation romaine en ouvrant des commerces pour s'enrichir : poissonneries, antiquités (page 33). Une partie du village adopte les avantages matériels de la civilisation romaine (« c'est très bien qu'ils soient ici ! Ils vont nous aider à sortir de la barbarie ! », explique la femme d'Agecanonix, fière de montrer ses nouveaux vêtements : « avouez que c'est plus élégant que nos hardes habituelles ! », page 35). La romanisation est en marche et elle est sur le point de gagner.

Il est temps de réfléchir à une stratégie gagnante pour la troisième manche qui sera cette fois remportée par les Gaulois. Elle s'appuie sur la mise à l'épreuve des locataires du Domaine des dieux, avec l'utilisation du chant « hors norme » d'Assurancetourix, venu habiter le Domaine pour répéter (page 39). Face à cette nuisance insoutenable, les locataires en colère quittent pour toujours le Domaine. La voix d'Assurancetourix utilisée comme arme ultime avait déjà fait ses preuves dans d'autres albums (Astérix et les Normands, notamment) et elle lui a valu à chaque fois le droit de participer – mais sans chanter – au banquet final. Les Gaulois savent parfois faire preuve de reconnaissance envers leur atypique barde !

La quatrième et dernière manche va consister à faire partir par la force les légionnaires romains qui ont remplacé les locataires civils en fuite, ce qui est tout à fait dans les cordes de nos Gaulois gavés de potion qui ont ainsi l'occasion de donner une bonne leçon aux Romains. Anglaigus abandonne la partie et retourne à Rome. le plan de César a échoué, le domaine est rasé et la forêt ne tarde pas à repousser grâce à la magie de Panoramix.

Goscinny oppose donc civilisation (progrès) et écologie (« place à la civilisation ! nous allons commencer à déboiser ! » annonce Anglaigus page 9). L'écologie est défendue par les Gaulois, présentés comme des barbares, restés au stade des chasseurs-cueilleurs, alors que la civilisation est symbolisée par l'Empire romain, la Pax Romana et l'extension inéluctable des zones urbaines promesse de confort et de modernité. de ce débat sous-jacent émergent des problématiques encore très actuelles. Non seulement l'album n'a pas pris une seule ride depuis sa parution, mais on ne peut qu'être sidéré devant la justesse des intuitions prophétiques de Goscinny, qui décrit pour ainsi dire dès 1971 le combat pour un territoire qu'on appellera plus tard une ZAD (zone à défendre, vocabulaire apparu au début des années 2010, avec l'opposition de citoyens au projet de construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes).

Par ailleurs, la construction de villes nouvelles avec centres commerciaux intégrés s'inscrit parfaitement dans le contexte de l'urbanisation des années 70, avec le développement de Parly 2, premier complexe du genre. L'appellation Parly provient de la combinaison du nom de Paris et de celui de la forêt de Marly. A l'origine, avait été proposé le nom de Paris 2, rejeté par des élus parisiens. Cette anecdote éclaire l'explication de Jules César sur le Domaine des Dieux, page 6 (« Anglaigus voulait le nommer Rome II mais il y a une seule Rome… »)

Pas d'Astérix sans caricatures, dans cet album, c'est l'inoubliable Guy Lux qui prête ses traits, ses tics de langage et son nom à Guilus, l'ordonnateur des jeux romains qui tire au sort les gagnants de la tombola (page 30).

Certaines répliques de cet album sont devenues culte : « Je vais vous faire quelques petits commentaires… » annonce César page 5, en formulant un jeu de mots très souvent décliné dans les albums de la série : le Bouclier arverne, Aux jeux olympiques, la Galère d'Obélix. « Tu aurais pu faire ça d'une façon plus auguste mais c'est ça ! » répond Panoramix à Astérix lançant un gland dans un trou, évoquant le geste auguste du semeur de Victor Hugo (page 15). « Il n'y a pas beaucoup d'avenir dans l'esclavage ! » se plaint Duplicatha (page 19). On trouve également dans cet album l'exceptionnel : « Eh oui… Il ne faut jamais parler sèchement à un Numide » (page 20). Ou encore : « Oui, c'est un problème cornélien, entre autres... » dit Panoramix en réfléchissant aux désagréments causés aux corneilles par la destruction de la forêt (page 25). « …Nous aurons non seulement veni et vidi, mais nous aurons vraiment vici, en plus ! » annonce triomphalement Jules César (page 27), reproduisant une réplique maintes fois vue dans les albums d'Astérix et qui restera célèbre.

Lors du banquet final (page 47), auquel le barde Assurancetourix participe pour services rendus, on aperçoit les animaux chassés de la forêt, les sangliers et les corneilles, qui sont revenus. Un socle de colonne en ruine envahi par la végétation symbolise le dernier vestige du Domaine des dieux. le dernier échange entre Astérix et Panoramix donne cependant un goût amer à la victoire, démontrant une fois pour toute la subtilité de Goscinny : « – Panoramix, notre druide, crois-tu vraiment que nous pourrons toujours arrêter le cours des choses comme nous venons de le faire ? – Bien sûr que non, Astérix… » Je vous laisse réfléchir à la portée de cette dernière réflexion, à la fois philosophique, politique, existentielle… en un mot s'aventurant dans le domaine des dieux !
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Citations et extraits (56) Voir plus Ajouter une citation
Centurion Oursenplus : C'est vous qui étiez de garde autour du camp des esclaves… Vous n'avez vu entrer personne, aujourd'hui ?
Légionnaire 1 : Ben… non…
Centurion Oursenplus : Vraiment personne ?
Légionnaire 2 : Maintenant que j'y pense… Il y avait un gros type…
Légionnaire 1 : Je crois qu'il y avait un petit type avec lui… Mais si petit…
Légionnaire 3 : D'ailleurs, on ne s'est pratiquement rien dit.
Centurion Oursenplus : Et vous ne pouviez pas me dire qu’Astérix et Obélix sont entrés dans le camp !?!
Légionnaire 4 : Aaaah… Je me disais bien que je connaissais ces têtes-là…

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- QUOI ? TU VEUX TÂTER DE MON FOUET ?
PLAF !
- Eh oui... Il ne faut jamais parler sèchement à un numide.
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— Mais en arrachant les arbres, vous faites de la peine à Idéfix, aux sangliers...
— ... aux corneilles...
— Oui, c'est un problème cornélien, entre autres...
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Astérix: PRODIGIEUX!
Oblélix: Pourquoi? C'est un chêne comme les autres.
Astérix: Mais, tu s vu à quelle vitesse il a poussé?
Obélix: Ben, c'est la première fois que je vois pousser un chêne, alors, je ne sais pas à quelle vitesse ils poussent, d'habitude.
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- Est-ce clair, esclave ?
- C'est dur à admettre, Maître.

(N.B. : Quelqu'un pourrait-il m'éclairer sur ce superbe effet verbal de René Goscinny ; s'agit-il d'une paronomase ou d'un écho sonore ou d'autre chose encore ?)
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