Renaître par les contes

Si la bibliothèque est le lieu où l'on peut réfléchir, concevoir, engranger des connaissances, échafauder des théories ou des lois utiles à notre santé sociale, le jardin, lui, est le lieu où l'on pousse, où l'on grandit, le lieu où s'accomplit le mystère de la vie, de la germination, de toutes les floraisons possibles. Il est le lieu de notre croissance.

On a tort, mille fois tort de sous-estimer la nécessité du rêve dans la construction de l'avenir.
L'immémoriale sagesse de la parole vagabonde le dit porteur d'un élan, d'une force probablement décisive pour notre survie.

Le conte, au-delà de l'histoire dite, est par excellence un art de la relation.

Le double sens de ce mot a de quoi nous tenir aux aguets.
Une relation est un récit, c'est aussi un lien qui unit deux êtres.
Sur le premier sens, pas de commentaire. Le deuxième m'importe plus. De quoi s'agit-il quand on raconte au niveau le plus quotidien, entre amis ? De faire rire, ou d'émouvoir au travers d'un récit qui nous a nous-même amusé ou ému, d'établir entre deux ou plusieurs êtres une même longueur d'onde, un unisson.
De donner tort, un moment, aux froideurs du dehors et du dedans qui vouent notre vie à la solitude.
Puis-je parler de communion ? Elles ne sont pas toutes solennelles, il en est d'infiniment simples. Ce sont peut-être celles-là qui font le plus de bien.

Notre intellect est ainsi fait qu’il n’ose franchir certains seuils. La parole conteuse, elle, ose. Elle traverse l’austère bibliothèque de la raison, les pieds même pas propres, avec l’innocence irréfutable d’un rire d’enfant. Pour aller où ? Dans le jardin, dans notre nature. Là est une autre lumière, un autre air, un ciel, des chemins. On peut y goûter la vie plus librement que par des fenêtres. Le jardin dont je parle n’est pas un lieu de déraison. On pourrait le croire, mais non.

Je poursuis un instant la métaphore. Si la bibliothèque est le lieu où l’on peut réfléchir, concevoir, engranger des connaissances, échafauder des théories ou des lois utiles à notre santé sociale, le jardin, lui, est le lieu où l’on pousse, où l’on grandit, le lieu où s’accomplit le mystère de la vie, de la germination, de toutes les floraisons possibles. Il est le lieu de notre croissance.

Ils oublient, car cela n'est pas quantifiable (or ils veulent tout quantifier) ce qui fait, depuis le fin fond de l'histoire humaine, le sel de la vie ou l'inquiétude des veilleurs : l'imprévu. Lui seul est sûr, incontournable, comme on dit aujourd'hui. Nous ne pouvons être certains que de ceci : il va se passer, à plus ou moins court terme, quelque chose qui, logiquement, n'aurait pas dû arriver.