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Critique de SZRAMOWO


Découverte de Maurice Gouiran avec ce roman palpitant pour son intrigue, mais aussi pour la masse d'informations que celle-ci apporte.
En 1967, pour assister à l'enterrement de sa mère Suzanne, Henri Majencoules revient à Agnost-d'en-Haut, le village de l'arrière-pays Nîmois qu'il a quitté pour suivre sa scolarité au Lycée Saint Charles à Marseille.
Après de brillantes études, Henri s'est établi en Californie, à Menlo Park, où il travaille d'abord pour le Stanford Research Institute financé par l'ARPA (Advanced Resarch Project Agency) qui créera ARPANET le réseau utilisé par l'US ARMY puis donnera naissance à l'INTERNET.
Henri vit la contre-culture hippie, le mouvement psychédélique,les acid-test au LSD, la consommation efferénée de Marijuana, à des années lumières d'Agnost-d'en-haut.
Le retour au pays n'est pas folichon, il ne s'est jamais entendu avec son père, un taiseux qui n'a jamais supporté qu'Henri ne reprenne pas la ferme. Alida Avigliana, la fille de Piémontais immigrés, son amour d'enfance est mariée et devenue la postière du village d'Agnost-d'en-Bas. Son « copain » d'école Antoine Camaro est journaliste à France-Soir et se trouve au village pour enquêter sur un crime atroce, le meurtre d'un couple d'Américains, les Stockton et leur fille âgée de 11 ans.
En parallèle aux faits se déroulant en 1967, Gouiran relate l'atroce détermination de médecins Nazis à Dachau, en 1943, multipliant les expériences sur des cobayes humains afin de tester la résistance humaine au froid, dans des conditions d'atmosphère faible en oxygène, aux virus, aux bactéries et à des maux qu'ils imaginent toujours plus sophistiqués.
Ces expériences connaitront des applications militaires comme la fameuse combinaison anti-g pour les pilotes.
Très vite le lecteur acquiert la certitude qu'entre les événements de Dachau en 1943, le crime de la famille Stockton en 1967, il y a un lien que l'auteur nous dévoilera via Henri et son ami Antoine qui enquêtent de leur côté, certains que le commissaire Castagnet de Marseille fait fausse route en recherchant le ou les coupables parmi les habitants du village et de préférence parmi des Piémontais immigrés après-guerre.
Mais le propos de Gouiran dépasse la relation d'une simple enquête de police. Son roman, fort bien documenté comme en témoigne la bibliographie en fin d'ouvrage, veut dénoncer la foire d'empoigne qui eut lieu à la fin de la seconde guerre mondiale entre USA et URSS pour recycler les chercheurs nazis, y compris les plus atroces qui se livrèrent à des expériences sur des êtres humains.
Von Braun, le créateur des V1 et V2, le plus connu est devenu l'un des piliers de la NSA et du programme spatial américain. Mais le plus grave est de constater que nombre d'entre eux ont échappés aux procès de Nuremberg, alors que la plupart d'entre eux étaient reconnus coupables de crimes contre l'humanité.
La thèse que développe Gouiran est celle développée aussi par des hsitoriens contemporains comme Ian Kershaw, « loin de porter atteinte au capitalisme, [Hitler] en fit un auxiliaire de l'État », préfigurant l'évolution de nos sociétés vers plus de domination sur les citoyens, plus de brutalité dans les rapports sociaux, la disparition des corps intermédiaires et la sujétion du politique à l'économique.
Certes moins brutales que les expériences menées dans les camps par les Nazis, les expérimentations des radiations atomiques lors des essais nucléaires sur des soldats, tant aux USA qu'en France, longtemps cachées à l'opinion et jamais révélées aux intéressés au moment de leur réalisation, ne sont-elles pas de même nature, et les responsables ou coupables n'ont-ils pas échappés à la justice ?
Gouiran relate un certain nombre d'expérimentations menées par l'US Army ou la CIA.
Propos dérangeant, mais étayé par la découverte de nombreuses autres « expérimentations » menées dans les années 1950 et 1960.
Si l'on fait le lien avec des « affaires » comme celles du sang contaminé, du Médiator, de l'amiante, on mesure à quel point les intérêts économiques et financiers passent avant l'intérêt humain et au mépris de sa mort.
Le roman se termine en 1995, Bill Clinton reconnait la responsabilité du gouvernement fédéral dans un certain nombre d'affaires « contraires à l'éthique ».
En Californie, Henri envisage de faire découvrir Agnost-d'en-Haut à ses enfants, mais le pourra-t-il ?
Très bon roman qui restitue avec précision ce que pouvait être l'atmosphère d'un village rural de montagne du Sud de la France en 1967, référence à la chanson de Ferrat, et à l'affaire Dominici. Par contraste l'ambiance de la Californie en 1967 est également très justement retracée. La partie sur les crimes nazis et la complaisance des USA et de l'URSS pour récupérer de la matière grise pour leur propre compte est documentée est donne envie de s'intéresser à ce sujet.
A lire…

Lien : https://camalonga.wordpress...
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