AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782070445462
912 pages
Gallimard (09/02/2012)
4.06/5   9 notes
Résumé :
En 1972, Stephen Jay Gould bouleversa, avec Niles Eldredge, l'orthodoxie darwinienne, autrement appelée la "théorie synthétique de l'évolution". Il formulait la théorie de l'équilibre ponctué : le changement, au cours des temps géologiques, ne s'était pas fait de manière graduelle, comme l'avait soutenu Darwin, mais par des phases de stabilité suivies de phases de changement rapides, permettant l'apparition de nouvelles espèces. Depuis lors, cette théorie s'est impo... >Voir plus
Que lire après L'équilibre ponctuéVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
J'ai évoqué, dans un commentaire récent, l'apport grandiose que constitua pour la pensée humaine, en 1859, la publication de l'oeuvre majeure de Charles Darwin intitulée originellement « de l'origine des espèces au moyen de la sélection naturelle », titre plus tard simplifié par les éditeurs et les vulgarisations en seulement « L'Origine des Espèces ».

(— parenthèse importante — Il y eut, plus tard en 1871 la publication par le même Darwin d'un autre ouvrage majeur mais malheureusement moins connu et moins médiatisé, intitulé en français « La Filiation de l'Homme et la sélection liée au sexe ». Il y présentait l'importance d'un autre phénomène sélectif à l'oeuvre, de nature quelque peu différente et parfois aberrant, à savoir, la sélection sexuelle. Ainsi, les couleurs chatoyantes de même que la longue et mal pratique queue du paon peuvent difficilement s'expliquer par une meilleure adaptation à l'environnement physique ou aux prédateurs.

Pareillement, en ce qui concerne notre espèce, la très longue chevelure et l'éventuel fort encombrement de la poitrine féminine peuvent difficilement s'expliquer par des impératifs du milieu naturel dans une préhistoire où le fait de pouvoir courir vite et sans entrave à travers la végétation devait être un facteur essentiel de survie.

On sait par ailleurs que le volume de la poitrine n'est pas corrélé à une meilleure aptitude à la lactation chez la femme de même que la largeur extérieure des hanches n'est pas corrélée à un diamètre du bassin supérieur pour faciliter, éventuellement, la naissance des enfants.

Ce ne sont que des « leurres » inopérants en terme de meilleures chances de survie de la progéniture, sélectionnés au cours du temps par les partenaires masculins naïfs successifs, et ce, par le biais de la sélection sexuelle. Ce que l'on nomme théorie darwinienne de l'évolution comprend, en fait, ces deux phénomènes distincts, la sélection naturelle et la sélection sexuelle. — fin de la parenthèse —)

Dans L'Origine des espèces, Charles Darwin fait la description d'un phénomène opérant sur des temps relativement courts, que l'on nomme maintenant communément, microévolution. Selon Darwin, de petites variations apparaissent dans la descendance d'une génération (c'est la phase mutation), parmi cette descendance, ceux dont les aptitudes sont compatibles avec la survie survivent et les autres, non (c'est la phase dite de sélection naturelle).

L'ensemble, la combinaison de ces deux phases, 1) diversification par mutation puis 2) resserrement des possibles via sélection naturelle concourt à l'obtention d'êtres toujours les mieux adaptés possibles à leur environnement physique (et/ou social dans le cas de la sélection sexuelle) qu'on nomme, tout simplement, adaptation.

Qu'est-ce donc que la théorie des équilibres ponctués ? Une appellation un peu ronflante et pas trop parlante si l'on n'est pas un peu de la partie, mais vous allez vite comprendre. Il s'agit d'évolution biologique à l'échelle des temps géologiques ou, pour faire plus simple, sur les temps longs que l'on nomme macroévolution.

Charles Darwin, dans la mouvance du géologue Charles Lyell, pensait que c'était son processus évolutif fait d'une multiplication de minuscules changements, apportant ou non un avantage sélectif, qui, par le biais de la sélection sur des temps longs, conduisait à l'évolution graduelle des espèces. C'est ce que l'on a dénommé une vision « gradualiste » de l'évolution.

Or, tous les paléontologues ou presque savent que, dans les séries stratigraphiques, on trouve souvent des stades déterminés de l'évolution d'une espèce par rapport à sa forme ancestrale mais pas tous les petits stades intermédiaires. Selon le vieil adage « l'absence de preuve n'est pas la preuve d'une absence », cette absence fut longtemps interprétée par les paléontologues comme relevant d'une lacune dans les témoignages fossiles disponibles. (Ces lacunes étant dues, selon eux, essentiellement à la fantastique somme de hasards nécessaires pour conduire à une bonne fossilisation.)

Cette vision fut considérablement remise en question en 1972 par deux jeunes scientifiques américains, Nile Eldredge et Stephen Jay Gould qui allèrent donner un bon gros coup de pied dans la fourmilière gradualiste de l'évolution. En effet, selon eux, et sans exclure évidemment la possibilité d'une évolution graduelle à une certaine échelle de temps plus petite, l'évolution des espèces s'effectuait au contraire par bonds rapides (à l'échelle des temps géologiques s'entend), qu'ils baptisèrent « ponctuations » avant de stationner pendant une longue période (phase d'équilibre appelée « stase ») tant que les pressions de sélections ne fluctuaient guère, puis à nouveau un bref épisode de forts changements conduisant à l'apparition de nouvelles espèces.

Voilà ce que l'on entend par « équilibres ponctués » : de longues périodes de stabilité dans la vie des espèces ponctuées par de brefs épisodes évolutifs mais d'importance capitale car générant de nouvelles espèces. Ceci a quelque chose d'un peu contre intuitif, à savoir que les espèces apparaissent soudainement à l'échelle des temps géologiques et déjà dans leur forme quasi optimale. Selon eux, lorsqu'il y a changement, cela veut dire, en fait, disparition de l'espèce souche considérée et changements assez importants dans la ou les espèces filles.

Pour tenter d'illustrer de façon un peu impropre cette compréhension particulière des mécanismes évolutifs sur les temps longs, je vais tâcher de prendre deux exemples qui parlent, je l'espère, au plus grand nombre. (Les gens aiment bien qu'on leur parle d'eux mêmes, alors je me vois plus ou moins contrainte de prendre l'exemple de l'espèce humaine même si elle n'est, de loin, pas l'espèce la plus intéressante à considérer à mes yeux.)

Prenons, donc, l'espèce humaine. On sait, d'après les travaux les plus récents venus à ma connaissance, que les plus anciens représentants de notre espèce ont été découverts au Maroc et datent d'environ 300.000 ans. Donnée paléontologique brute. (Cela ne signifie pas que notre espèce ne puisse être plus vieille encore, cela signifie juste qu'à ce jour, c'est le plus ancien reste avéré découvert.)

300.000 ans, donc. Comment vivaient les Hommes à cette époque-là ? Concrètement, on n'en sait rien ou à peu près, on sait juste qu'ils étaient chasseurs-cueilleurs. Et chasseurs-cueilleurs, tous les Hommes le sont restés jusqu'environ 15.000 ans avant aujourd'hui (là encore, je ne dis pas que tous les Hommes ont basculé dans l'agriculture et l'élevage il y a pile 15.000 ans, je dis, c'est le moment approximatif où a eu lieu la « révolution » néolithique).

Si je sais compter, cela signifie donc une longue phase d'équilibre qui aura duré au moins pendant 285.000 ans dans la vie de notre espèce, ponctuée par une phase ultra rapide d'évolution datant d'il y a 15.000 ans environ. Depuis sommes-nous revenus à l'état d'avant ? Non. Y a-t-il fondamentalement une immense évolution du procédé d'acquisition de notre nourriture depuis lors ? Non. Donc, rien qu'au sein de notre espèce, on peut déjà parler d'équilibre ponctué.

Bon, deuxième exemple, à présent, encore plus chauvin, encore plus discutable, à savoir, le cas de l'histoire de France. L'an 987 fut marqué par le sacre d'un roitelet dénommé Hugues dit « Capet », fondateur d'une dynastie dite des « Capétiens ». Cette famille est restée sur le trône de France sans discontinuer ou presque jusqu'à la toute fin du XVIIIè, début XIXè siècles.

Son ordre a reposé sur à peu près les mêmes piliers pendant tout ce temps-là : catholicisme, monarchie de droit divin, etc., etc. Dites-moi, 800 ans, à l'échelle d'un pays et d'une famille, ça n'est pas rien, tout de même, non ? Et la Révolution française ? Ça a duré combien de temps ? Est-ce que l'ordre établi s'en est remis ?

Est-ce que l'espèce nouvelle apparue, La République, était fondamentalement différente de ce qu'elle est encore aujourd'hui ? Non, elle avait donc, dès le départ, une grande partie de ses caractéristiques ultérieures et elle les conservera probablement jusqu'à sa disparition en tant qu'espèce de système politique.

On peut donc raisonnablement considérer l'espèce « Monarchie capétienne française de droit divin » comme apparue très rapidement à l'échelle des temps historiques sous sa forme canonique. Elle s'y est maintenue à peu près 800 ans puis a disparu tout aussi rapidement, donnant naissance à une espèce nouvelle, La République Française, qui elle non plus ne s'est pas fondamentalement transformée depuis sa création et qui crèvera un jour brutalement et qui donnera, à n'en pas douter une nouvelle espèce, probablement très différente et qui, c'est la règle, stagnera ainsi un certain temps et puis… et puis je ne serai plus là pour en parler !

Si vous souhaitez approfondir cette question des équilibres ponctués, je vous conseille vivement d'oublier tout ce que vous venez de lire et de vous jeter sur ce livre de Stephen Jay Gould, qui devint, après la proposition de cette théorie, le plus grand expert reconnu de l'évolution biologique tout en étant conjointement son plus éminent vulgarisateur.

Un superbe essai, pas toujours forcément hyper lisible par les néophytes — ce qui n'est pas le cas des livres de vulgarisation de l'auteur — une pierre importante à l'édifice universel du savoir, du moins c'est mon point de vue, c'est-à-dire, une longue stase de blabla ponctuée par ce qu'il est en définitive : pas grand chose.
Commenter  J’apprécie          1335
Si le livre est passionnant, il est d'accès particulièrement difficile pour la raison suivante: il est constitué d'un extrait du chapitre 1 et de tout le chapitre 9 du livre du même auteur intitulé La structure de la théorie de l'évolution. Ainsi amputé de la majeure partie du livre d'origine, il faut parfois bien connaître la pensée foisonnante de l'auteur pour replacer dans leur contexte certains passages. La découpe d'un livre considéré comme une somme phénoménale est décidément bien hasardeuse.
Commenter  J’apprécie          50
Je l'ai lu il y a un certain temps. L'ouvrage est très épais et, dans mes souvenirs (mais j'étais plus jeune), très technique. Il présente à la fois un certain nombre de données empiriques et un certain nombre de réflexions plus théoriques. Je pense que connaitre la "philosophie" de l'auteur ne serait que bénéfique pour comprendre le livre.
Commenter  J’apprécie          00
Excellent,
mais les personnes qui, comme moi, ne sont pas des biologistes ou des paléontologues, il faut s'armer de son Smartphone et être connecté en permanence à Wikipedia.
Commenter  J’apprécie          00
Excellent,
mais les personnes qui, comme moi, ne sont pas des biologistes ou des paléontologues, il faut s'armer de son Smartphone et être connecté en permanence à Wikipedia.
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (2) Ajouter une citation
On a souvent cru que [l'] analyse de Goldschmidt concernait l'équilibre ponctué ; cela a été notamment le cas des personnes qui n'ont pas aperçu la question fondamentale des différences d'échelles envisagées, et qui ont par conséquent considéré que toutes les notions de rapidité invoquées étaient du même ordre à tous les niveaux, et se rapportaient donc à l'équilibre ponctué. En réalité [...] mon intérêt pour Goldscmidt porte sur des points qui n'ont que peu de rapport avec l'équilibre ponctué, puisqu'il s'agit des questions de développement qui ont été à l'origine de mon premier ouvrage théorique, Onthogeny and Phylogeny (1977). Ces deux sujets sont, en fait, complètement distincts, et concernent des phénomènes rapides se déroulant à des échelles très différentes: alors que les "monstres prometteurs" interviennent au niveau des saltations vraies, la phase rapide de l'équilibre ponctué (autrement dit la ponctuation) se situe dans le domaine de la macroévolution (cette ponctuation étant déterminée par la spéciation allopatrique ordinaire).
Commenter  J’apprécie          20
Notre théorie soutient, en effet, et c'est sa thèse de départ, que la spéciation allopatrique ordinaire, se déployant graduellement, à l'échelle de la microévolution, se traduit par une ponctuation à l'échelle des temps géologiques.
Commenter  J’apprécie          40

Videos de Stephen Jay Gould (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Stephen Jay Gould
Le média n'est pas le message
autres livres classés : évolutionVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (26) Voir plus



Quiz Voir plus

Pas de sciences sans savoir (quiz complètement loufoque)

Présent - 1ère personne du pluriel :

Nous savons.
Nous savonnons (surtout à Marseille).

10 questions
411 lecteurs ont répondu
Thèmes : science , savoir , conjugaison , humourCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..