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EAN : 9782866458515
Le Félin (02/02/2017)
4/5   4 notes
Résumé :
Un siècle après avoir été négligemment tracées sur la carte, nombre de frontières du Moyen-Orient sont devenues celles d’États menacés de décomposition. Les territoires irakien, syrien ou libanais sont redevenus le terrain de jeu des empires qui ont jalonné leur histoire et façonné leur territoire. Derrière ce chaos, c’est en réalité l’ensemble du monde arabe qui est en proie à une remise en cause profonde de ses frontières depuis le « Printemps » de 2011.
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
J'ai reçu ce bouquin dans le cadre d'une opération Masse critique organisée par Babelio. En contrepartie, je dois écrire une critique dans les 3 semaines, ce qui est une véritable gageure pour un livre d'érudition de 500 pages. Je n'ai fait qu'une lecture rapide, un survol approfondi, de cette somme passionnante consacrée à la nouvelle Question d'Orient. Je reprendrai ce livre qui restera pour moi une référence.

Ce document nous éclaire sur la formation des États "arabes" (jusqu'au Maghreb) et des tensions qui potentialisent les risques d'explosion alors que les printemps arabes ont entrainé la chute de leaders autoritaires, que le pouvoir central s'amoindrit et que Daech remet en cause les frontières d'Etats somme toute récents. Ces différents pays de la région sont qualifiés d'Etats-Nations "westphaliens", en référence au Traité de Westphalie qui a conclu la guerre de Trente ans, alors même que l'auteur qualifie de nouvelle guerre de Trente ans les luttes islamistes qui ont émergé dans les années 70 avec la poussée des extrémistes sunnites et chiites, en espérant qu'il ne s'agisse pas du début d'une guerre de Cent ans... Daech n'est pas le sujet central de ce livre, l'auteur rappelle juste qu'il a profité de l'effondrement des États mais qu'il aurait pu surgir ailleurs, que sa défaite militaire risque d'entraîner son éparpillement et qu'il ne disparaitra pas tant que persisteront les conditions qui ont favorisé son émergence.

Il est d'usage de dire que les frontières sont artificielles et créées par les puissances coloniales, la grille de lecture offerte par ce livre se fait au travers l'histoire des empires qui ont structuré la région. Bien qu'héritée de la colonisation, la question des frontières est bien une rémanence des stratégies d'empire et la première partie de ce livre passe en revue des différents empires qui ont géré la région. Cette partie manque de cartes mais le propos est clair, surtout que l'échelle de temps, longue, et donne une bonne perspective.
L'empire arabo-musulman qui a couvert le Croissant fertile mais aussi l'Afrique et la Méditerranée a succédé en grande partie à des empires antiques, a connu différentes formes et dynasties et les rivalités qui ont jalonné son histoire se retrouvent dans les conflits actuels de communautés religieuses. le panarabisme et les mouvements de type Frères musulmans sont à l'origine du développement de l'islamisme, renforcé par l'éviction des bassistes irakiens qui dont devenus les cadres de l'islamisme. C'est ce rêve d'empire que voudrait ressusciter Daech, quoique le terme "Etat islamique" soit un vocable profane qui ne correspond pas à un concept historique. La situation sans contrôle en Irak et en Syrie, le morcellement territorial peuvent faire craindre la transformation de cette région en Djihadistan.
L'empire perso-iranien, qualifié d'ennemi intime, est centré sur l'archipel chiite, avec le risque de relancer la rivalité ottomans-savafides pour le contrôle du Croissant fertile alors que l'empire turco-ottoman, qualifié lui de faux-frère, est confronté à l'éclatement du kurdistan et veut se positionner comme champion de l'islam sunnite.
Les empires coloniaux n'ont pas disparu : les Français, présents au Levant et au Maghreb, continuent à être très interventionnistes pendant que les Anglais, qui ont privilégié leur économie en sécurisant la route des Indes à partir d'Aden, ont assuré la fortune des émirats côtiers puis ont joué un jeu trouble aussi bien avec les accords Sykes-Picot qu'avec les dynasties arabes. Les russes ont fait de la région un enjeu de la guerre froide qui a gelé les frontières et la façon dont Poutine se sert du conflit syrien est bien dans la ligne ; les américains ont centré leur intervention autour du pétrole et de l'alliance avec Israël.
Les conflits pétroliers, la Guerre froide et les interventions occidentales restent profondément marqués par le passé colonial et les guerres d'empire ; leur ingérence, ou non-ingérence se fait avant tout en fonction de leurs intérêts.

La seconde partie passe en revue les États en présence en commençant par ceux du Croissant fertile que l'auteur rêve de réunifier. La Mésopotamie est en cours de balkanisation, avec les kurdes qui rêvent d'un État et qui implantent des structures autonomes ; la création de facto d'un Chiistan sous domination iranienne en Irak et l'éclatement de la Syrie et du Liban. Il n'y a que la Jordanie qui résiste.

Le Golfe voit la rivalité des Emirats et de l'Arabie Saoudite. La possibilité de partition de l'Arabie entre Nedj et Hedjaz semble utopique, on va plutôt vers une union économique et politique des pays de la région, à laquelle pourrait se joindre Oman, tous unis contre l'Iran. Il faut noter le rôle dangereux de Ryad qui arrose les djihadistes, leur permet de durer, au risque qu'ils se retournent contre ce régime.

Alors que Oman a réussi la fusion d'un imamat et d'un sultanat, c'est tout le contraire au Yemen où l'opposition culturelle et politique entre le nord et le sud est forte, avec les houthis zaydistes du nord (une variante chiite) qui veulent le rétablissement d'un imamat. La situation n'est pas prête de s'arranger et semble aller vers une somalisation (bordel complet) du pays.

L'Egypte semble un pays fort mais ses frontières, Sinaï et frontière soudanaise, sont fragiles ; quant à la Lybie, l'union récente de la Cyrénaïque, de la Tripolitaine et du Fezzan semble difficile à maintenir à terme. le Maghreb est beaucoup plus stable mais l'Algérie connait une tension avec les Berbères de Kabylie et les Tourags du Sahara alors que le Maroc n'a toujours pas finalisé un accord le Sahara occidental, occupé de facto.

Les acteurs infra-étatiques ont utilisé les failles du système international pour se territorialiser, sahraouis, kurdes ou palestiniens profitent de la position hypocrite et contre-productive des occidentaux et de l'ONU qui leur donne une légitimité de facto, le risque est que Daech bénéficie de la même passivité. En même temps, le modèle fédéral qui pourrait être promu a montré ses faiblesses, aussi bien en Irak qu'en ex-Yougoslavie (Bosnie Kosovo...).
Lien : http://jimpee.free.fr/index...
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Quand de printemps brouille les cartes (l'écoute )

Merci à masse critique et aux éditions du félin qui m'ont offert la lecture de ce pavé. Un mois c'est court pour s'appuyer un millénaire et demi d'histoire des populations arabes et le commentaire qu'on peut en faire ne fera pas le poids face à la somme énorme d'informations qu'il faut intégrer sans faire d'impasse.

Je remercie Marc Goutalier d'avoir réduit au minimum les décourageantes notes de bas de pages. En revanche un léger grisé pour indiquer la mer rouge, la méditerranée et le golfe dans les cartes de la seconde partie de ne serait pas superflu.

Le découpage par grand thèmes est basique et permet une progression qui sans être facile permet de garder le fil. La forme est assimilable à celle d'une session de cours d'histoire et c'est aussi sa limite. Bien sûr on est convaincu d'apprendre à défaut de comprendre, mais l'ennui et la fatigue guettent vu le format, la police et la densité du texte.
Fallait-il vraiment tout condenser en un seul volume. (J'ai un souvenir récent d'un bouquin consacré à la Syrie qui avait le mérite de cerner le sujet sans déborder trop sur le contexte, je veux dire sans remonter à 632, mort du prophète).
C'est un choix… mais imaginons que notre Marc G. qui a aussi rédigé un guide du « petit futé Soudan » nous fasse la totale en un volume de Téhéran à Tanger en passant par Istanbul et Tombouctou, on n'est pas rentrés !

Pour le fond soyons clair, Marc Goutalier n'arrive pas à faire une synthèse. du reste cette synthèse est-elle possible lorsqu'on sait que la plus grosse fracture entre chiites et Sunnites n'a pas vraiment de fondement clair ( que ces branches confessionnelles ennemies cohabitent dans le moyen orient et l'Asie mineure en proportions inverses à leurs degré de subordination ou de despotisme) et que la transformation à marche forcée d'une population nomade et tribale vers une partition et une appartenance virtuelle à des états nations dessinés à coup de règles et d'équerres expliquent l'état belliqueux qui règne sur cette région du monde depuis des siècles en général et depuis la fin du XIX° en particulier ?

Une chose est sûre, il n'y a pas de place dans ce livre pour l'empathie. L'auteur ne mentionne jamais le nombre de morts. IL évoque des massacres, des combats, des victoires, des défaites, des gains de territoire, des postures sans en souligner l'horreur. Au point que lorsque Sadam gaze les Kurdes du Nord de l'Irak c'est pour se « passer les nerfs » (sic). Autant dire que Bachar aujourd'hui détruit la moitié d'Alep parce qu'il a des hémorroïdes. Pas de compassion, laissez passer le train de l'histoire !
Et c'est vrai que si l'on remonte aux pharaons d'Égypte, des morts, naturelles ou provoquées, il y en a eu des millions. (l'auteur intitule un de ses chapitres « la possibilité du Nil » en hommage sans doute au cynisme du Goncourt)

Les raisons qui ont poussé les grands colonisateurs à occuper ces territoires sont essentiellement économiques. le canal de Suez puis le pétrole ont bouleversé le vingtième siècle sans qu'on puisse conclure que cela ait pu être bénéfique à qui que ce soit.
Sédentariser les nomades est sans doute la plus grande gaffe et la plus inhumaine. Par chance pour les indiens, les turcs se sont arrêtés au Maroc, Par malchance les espagnols, les portugais n'ont pas eu cette réserve…

Bien que repu, je reste un peu sur ma faim. J'ai connu de meilleurs profs d'histoire et aussi de meilleures conclusions que celle de Marc Goutalier qu'on imagine fatigué malgré ses trente ans, rêvassant au bord de la mer à regarder les vaguelettes qui viennent lécher ses pieds sur le sable. Flux et reflux du monde.


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Cet ouvrage est un dossier d'actualité complexe et complet, le travail de l'auteur, Marc Goutalier, est remarquable et très minutieux, les recherches ont dû être nombreuses à effectuer.

J'ai particulièrement apprécié la deuxième partie intitulée Des Etats à la Carte dont le but est de relier les Etats à leur carte, en fait, dévoiler les difficultés et les moyens mis en place menant à l'exécution du pouvoir par les gouvernements à la remise en cause des frontières de leurs Etats. On apprend ainsi tout sur les conséquences des guerres et des attentats sur les territoires et les frontières du monde arabe.

De plus, les alliances, les rivalités et hostilités, les groupes armés, les pouvoirs centraux, les relations de proximité des pays, les émeutes, la forte répression, les nombreuses crises, toute la scène politique, les compétitions des frontières...  et bien plus y sont traités et avec les dates bien sûr.

Ainsi, les chapitres et les paragraphes foisonnent d'éléments pour accentuer les explications avec précision, l'auteur fournit un travail remarquable de plus de 500 pages. 

Et vous ne découvrirez pas moins de 15 cartes couleur dans ce livre sans compter les cartes en noir et blanc insérées dans le texte. 

Enfin, dans l'annexe se trouve le glossaire avec plus de 70 définitions ; la partie chronologie de 18 pages allant de l'Antiquité au Moyen-Âge : premières esquisses de la carte arabe jusqu'en 2016 ; la partie bibliographie de 6 pages ainsi que l'index de 6 pages également et enfin la table des matières détaillée et complète.

C'est incontestablement un ouvrage de qualité !
Lien : http://larubriquedolivia.ove..
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cience-fiction
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Toutes ces spéculations sur l'avenir du Croissant fertile n'augurent rien d'encourageant. Et c'est bien dommage : l'unification utopique de ce territoire-charnière créerait le seul État avec un triple débouché maritime sur la Méditerranée, la Mer rouge et le Golfe. Celui-ci aurait de puissants atouts à faire valoir. Malheureusement, le souvenir de l'époque mythique des empires mésopotamiens a été systématiquement effacé des mémoires, en plus de l'être désormais du paysage à cause de la barbarie de Daech. L’ensemble de la région menace de devenir une zone grise, ou plutôt un trou noir attirant dans son tourbillon les États et empires voisins qui tentent, à leur façon et selon leurs intérêts, de s'en prémunir ou d'en tirer profit.
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Une dernière ironie de l'histoire est que de nombreux anciens baasistes irakiens comptent maintenant parmi les rangs djihadistes, y compris, voire surtout, en position dirigeante. Brutalement écartés par les Américains après le renversement de Saddam en 2003, puis maintenus en marge par un pouvoir chiite de plus en plus inféodé à l'Iran, ils ont rallié le camp de leurs anciens ennemis. Nationalistes autoritaires et fanatiques islamistes enfin réunis pour le même combat d'abolition des frontières !
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Là où l'empire reconnaissait la pluralité des populations sous son autorité, voire en tirait profit pour asseoir son pouvoir, l’État central, aux mains d'un clan issu d'une communauté spécifique, s'est mis à nier toute altérité à son propre modèle.
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Al-Andalus n'est plus, mais Constantinople non plus. L'épopée des croisades qui visait les musulmans, a en réalité porté un coup presque fatal aux Byzantins. Ces derniers ont vu leur capitale saccagée et occupée par les chevaliers latins après la quatrième croisade, au XIIIe siècle.
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Londres se conforme ainsi à la formule consacrée qui veut que le possesseur de la mer tienne, par extension, le monde.
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