Une lecture en diagonale des premières pages m'amène à la conclusion qu'il vaut mieux être moche quand on a choisi d'être silencieux et ça ne me pose pas un trop gros problème physiquement, ceci dit. Mais cela ne m'a pas spécialement donné envie d'en lire plus. Quand la cohérence apparente d'un discours repose sur l'amalgame, peut-on choisir autrement ? J'en garde l'impression d'un texte au contenu misanthropique assez banal finalement ...
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Le renard critique de la fable ne pourrait-il pas s’écrier· à la vue de tant de gens que nous connaissons: Belle tête, mais sans cervelle! je découvre en toi le vide que les philosophes ont cru impossible. C’est une sorte d’anatomie délicate que de creuser ainsi les choses, et d’en sonder le dedans. Un beau dehors nous fait illusion et dérobe souvent à nos yeux un sot. Que si la montre avantageuse est secondée d’un modeste silence, alors le plus stupide des hommes imposera peut-être au plus spirituel. Le silence des personnes qui sont d’une figure agréable, et qui savent se composer, sert comme d’asile et d’abri à leur bêtise : il tourne même assez communément à leur avantage, parce que l’on se sent plus de penchant à croire qu’ils y entendent finesse.
Plusieurs projettent beaucoup, sans pouvoir se fixer à rien : une défiance sophistiquée les joue et les mène de projets en projets, qu'ils soupçonnent l'un après l'autre d'être trop mal assurés pour s'y arrêter. Ils ont sans doute de la pénétration; mais, irrésolus à l'heure même qu'ils pensent le mieux, ils flottent avec inquiétude entre le oui et le non; ils remettent un dessein à peine conçu, pour en former un autre, auquel ils ne s'attachent pas davantage. Tout se présente à eux en même temps sous deux faces différentes, dont l'une est pour leur dessein, et l'autre leur paraît contre : ils ne se détermineront point. Comme si l'esprit de l'homme ne devait jamais rien adopter sans une démonstration mathématique du succès.
Certainement, c'est un grand don que l'intelligence, mais l'appliquer à quoi il faut, c'en est un autre qui n'est guère moins grand.
Il est vrai que Jules César a écrit lui-même ses exploits : mais la modestie de ce héros va de pair avec sa valeur dans ses commentaires ; il semble même n'avoir entrepris cet ouvrage que pour ôter à l'adulation tout espoir d'en imposer aux siècles futurs sur son histoire.
On ne doit comprendre d'une chose qu'autant qu'elle fournit à l'intelligence; aller au delà, c'est donner dans la chimère.
Baltasar Gracian :
L'Homme de courDans les
jardins du palais impérial de Tokyo,
Olivier BARROT présente le livre de l'Espagnol
Baltasar GRACIAN, "
L'Homme de cour", écrit en 1647,
receuil de 300
maximes, véritable "
manuel d'arrivisme".