Le Roi pêcheur est la seule pièce de théâtre écrite par
Julien Gracq, publiée en 1948 et créée au Théâtre Montparnasse de Paris en 1949. Il s'agit d'une réécriture du mythe arthurien et notamment de l'histoire de Perceval, largement inspiré du Parsifal de Wagner.
"Wagner est un magicien noir - c'est un mancenillier à l'ombre mortelle - des forêts sombres prises à la glu de sa musique il semble que ne puisse plus s'envoler après lui aucun oiseau." (Avant-propos, p.14)
Dans le château de Montsalvage, tous, chevaliers et dames, attendent l'arrivée du Simple, du Pur qui viendra les délivrer et soigner leur roi. Amfortas, le roi du Graal et du château est terriblement blessé, la cuisse transpercée par une lance. "La plaie est affreuse. On dirait une bouche qui mâche une écume de sang noir. les lèvres bougent." (p.21).
Le Graal refuse de se montrer depuis la faute d'Amfortas, qui a été séduit par la belle Kundry, aujourd'hui aide-soignante dévouée. Cette maladie qui le ronge, altère aussi le château et le royaume, où le jour tombe, comme la nuit, enveloppé d'un brouillard humide et étouffant. "C'est le silence du Graal. Nos yeux s'éteignent, notre oreille s'endort, notre souffle se raccourcit et se gèle depuis qu'il n'est plus que pierre froide pour nos coeurs, et pain chiche et amer pour notre bouche. Depuis la faute d'Amfortas." (p.20).
Arrive alors Perceval, jeune, beau et fort chevalier, en quête du Graal. Clingsor, ennemi du roi Amfortas et du Graal, le repère et tente par tous les moyens de l'empêcher de réveiller le Graal...
J'ai beaucoup aimé cette pièce de théâtre et le beau langage poétique de Gracq, qui a su rendre avec brio l'atmosphère lourde et pesante qui règne sur le château. On reconnait très bien le mythe arthurien dans cette pièce, et notamment la trame de Perceval ou le conte du Graal de Chrétien de Troyes, mais
Julien Gracq ajoute des éléments nouveaux que j'ai beaucoup appréciés. En effet, le Graal apparaît comme dangereux tant il éblouit ceux qui le contemplent, voire brûle ceux qui ont pêché. Être roi du Graal revient à endosser une lourde charge, quitte à le regretter : "Le Graal est exigeant. On n'endosse pas, comme un costume, ne fût-ce qu'un reflet de la divinité" (p.139).
Julien Gracq fait du Graal un objet, quasi-vivant, terrible, purificateur sans concession, assez loin de l'image traditionnelle du Graal et de sa fonction nourricière. le Mal ne vient pas forcément de là où on l'attend dans cette très belle pièce de
Julien Gracq, dont je conseille vivement la lecture.
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