"Lettrines" est - avant tout - une chasse aux trésors. Et Gracq, une sorte de "Robinson Crusoë" ne s'adressant, au fond, qu'à un "lui-même lecteur" (c'est-à-dire humble chasseur-cueilleur de merveilles : merveilles qu'il semble trouver accidentellement et préférentiellement dans "les oeuvres du passé"). Gracq OSE donc se forger - toujours, et d'abord - sa propre opinion. Irréductible. Imperméable à toute influence avérée des plus insidieux moutonnismes, d'hier ou d'aujourd'hui. [*].
C'était en 1967. Après son premier essai critique publié en volume (en 1961) et intitulé "Préférences", l'écrivain a l'idée de rassembler certaines de ses notations produites "au fil des jours", "longues impressions" solidement argumentées (au diapason de son sens esthétique personnel). Avec visite affective d'un long passé littéraire (bien oublié, aujourd'hui, de la plupart d'entre nous...). Souvenirs émus de lectures... mais aussi souvenirs lumineux d'une enfance du début du [XXe] siècle... Poétique rare cachée en chaque ligne merveilleusement ciselée... Rythme mélodieux, étudié, de chaque phrase... Et rien de narcissique ici [**]... Pourquoi l'écrivain Julien Gracq fut-il épargné, lui, par cette véritable "maladie du siècle" ? Pourquoi, au fond, fut-il si "autre" ? Curieux, tout de même, au Royaume hexagonal de tous ces égos auto-centrés (à la pullulation redoutable)... Mais cela - fort heureusement - restera un mystère "gracquien" de plus.
Et discrètement, comme distraitement, notre monde intérieur s'ouvre enfin, s'élargit...
Là où, entre les lignes, s'entraperçoit une admiration amoureuse - et pudique - des plus belles oeuvres d'Edgar Poë, de Stéphane Mallarmé, d'André Breton, de Victor Hugo, de Paul Claudel, de "Stendhal", d'Honoré "de" Balzac, de Gérard Labrunie "de Nerval", d'Arthur Rimbaud, de René-Guy Cadou, de Jean-René Huguenin, d'Etienne Pivert de Senancour...
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