J'étais donc assez curieuse et surtout ravie de retrouver une de mes villes américaines préférées : la Nouvelle-Orléans.
Serais-je malchanceuse ? Car j'enchaine depuis quelque temps des lectures de policier assez décevantes, et surtout je trouve les personnages principaux (flics ou détectives privés) trop caricaturaux ou qui me laissent indifférente ? Claire DeWitt, le personnage principal, était pourtant assez prometteuse – et d'ailleurs, on est déjà en train d'adapter au cinéma sa première enquête.
Il m'est difficile de rédiger ce billet tant mes impressions à son sujet sont mitigées – d'un côté, il y a Nola – la ville de tous les fantasmes – du carnaval, du vaudou, des fantômes et depuis Katrina,
la ville des morts. Et là-dessus, rien à dire : le roman tient toutes ses promesses. Je me suis attachée à Nola comme le personnage principal de ce livre. Une ville aux facettes multiples, à l'histoire compliquée mais passionnante, violemment frappée par l'ouragan Katrina en 2005. On peut remercier les architectes français de l'époque, qui se méfiaient déjà des eaux du Golfe et de la fragilité des digues et ont construit le Vieux Quartier Français bien au-dessus du niveau de la mer. Malheureusement, le reste de la ville ne sera pas épargné et les morts et disparus se compteront par centaines.
L'un d'eux s'appelait Vic Willing – substitut du Procureur. Il a disparu la nuit du 25 août 2005. Son corps n'a jamais été retrouvé. Son neveu, Leon Salvatore s'interroge : un clochard l'a vu au lendemain de la tempête, encore en vie. Il décide d'engager la détective privée Claire DeWitt – bien qu'originaire de New York, la jeune femme accepte. Claire sort d'une longue période de doute – elle a même été quelque temps se reposer pour soigner une dépression.
La jeune femme a plusieurs fantômes, comme celui de son amie d'enfance, disparue sur le quai d'une station de métro new-yorkaise quand elles avaient 15 ans, et celui de Constance, la femme qui l'a formée au métier de détective à la Nouvelle-Orléans avant d'être tuée. La jeune femme cherche l'oubli dans toutes les formes d'addiction : la drogue, l'alcool – la fuite. Elle profite de cette enquête pour laisser ses penchants naturels parler : elle boit et dort avec les clodos, fume toutes sortes de pétard avec des jeunes hommes noirs dont Andray. Celui-ci a laissé ses empreintes partout chez la victime. Mick, ancien détective privé et ami
De Claire lui dit qu'il avait été engagé pour nettoyer sa piscine et qu'il avait sympathisé avec le procureur. Mais Claire sait qu'il lui cache des choses. Andray revient sur cette fameuse nuit : la peur d'être oublié par les secours, entouré par les eaux montantes, la fuite jusqu'au stade de football puis l'évacuation forcée vers le Texas.
L'ouragan est dans tous les esprits – certains ne sont pas revenus, d'autres si mais ils n'ont plus jamais retrouvé le sommeil. Nous sommes en janvier 2007, à peine an et demi après les faits – des quartiers entiers sont encore dévastés et désertés par ces habitants. Une ambiance funeste règne sur la ville.
Sara Gran tenait entre ses mains un scénario parfait et un lieu d'action magnifique : Nola au lendemain de la tempête. Mais l'auteur américain a voulu donner de l'épaisseur à ses personnages – ce qu'elle réussit parfaitement avec Andray, Mick ou dans les chapitres consacrés à l'adolescence
De Claire à New-York avec ses meilleures amies et la disparition soudaine de Tracy. Mais pour le personnage principal, Claire : elle a bien trop chargé la barque !
Le personnage en devient ridicule. A croire que le boulot de détective privé est proche d'une mission divine. A en croire, le fameux Jacques Silette, le détective privé (français, sonnez les clairons!) qui a écrit en 1959 la bible qu'ils s'arrachent tous : Détection. Et depuis, apparemment, les plus grands détectives ne vivent, ne mangent, ne respirent que du Silette et Claire nous assomme avec ses déclarations : «
Ouvre-les yeux, les questions sont plus importantes que les réponses, les indices sont autour de toi, Dieu t'attend et te reconnaîtra (et t'ajoutera à sa table)…« .
L'exemple le plus frappant ?
Jack Murray, un super détective des années 90 qui ne connaissait pas Silette et qui après l'avoir lu, trouve la foi et quitte tout. Il refuse l'argent, quitte son épouse et finit à la rue. Clodo et alcoolo – mais quand il croise Claire – il lui dit qu'il est heureux ainsi. Car il a entendu la voix de Silette. Pour ma part, cet aspect sectaire du roman a eu vite fait de m'énerver, puis de me lasser.
L'autre partie énervante et caricaturale : la police de la Nouvelle-Orléans (mais même au-delà de la Louisiane) qui est décrite comme nulle et incapable de résoudre le moindre meurtre. Pire, ils participent à un système où ils arrêtent sans preuve et où les procureurs sont tous corrompus et au final, 90% des accusés ressortent libres – pas uniquement les trafiquants de drogue mais les meurtriers également. Sans les détectives privés, et surtout Claire DeWitt – aucun homme ne paierait pour ses actes. Alors oui, certains passent entre les mailles du filet, oui il y a quelques flics ripoux – mais décréter que c'est la police toute entière et le système judiciaire, ça fait un peu mal. Surtout quand, comme moi, on a bossé sur le système judiciaire américain (la peine capitale) et qu'on connaît très bien l'un des pires pénitenciers américains, Angola – qui se trouve en Louisiane. Où les détenus y meurent de vieillesse et ne sortent pas au bout de deux mois, comme le prétend Miss DeWitt – ça finit par énerver la lectrice que je suis.
Ah oui, vous ne le saviez pas mais Claire DeWitt le répète au moins cinq fois : c'est elle la meilleure détective au monde. Oui, rien que ça. Mon souci ? C'est qu'au bout de 161 pages (j'ai regardé), elle n'a rien trouvé – rien fait. Elle a délégué la paperasse à son ancien pote et préfère passer son temps à trainer dans les rues, avec les jeunes, les clodos, se faire tabasser, entendre la voix d'outre-tombe de Jacques Silette lui dire sans arrêt d'écouter, de regarder autour d'elle .. Bref, on finit par s'ennuyer. Et même Léon la vire.
Mais Claire refuse d'abdiquer – d'ailleurs, elle le sait – elle trouvera l'assassin du procureur. La preuve ?
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