-- Marcel, dis-moi une chose : pourquoi les enfants roms sont-ils si sales ?
-- Ce n'est pas de la négligence, Louis. C'est une vieille tradition. Selon les Roms, un enfant est si beau qu'il peut attirer la jalousie des adultes, toujours prêts à jeter le mauvais œil. Alors on ne les lave jamais. C'est une sorte de déguisement. Pour masquer leur beauté et leur pureté aux yeux des autres.
Mon désir envers Sarah était inextinguible. Deux heures d'étreintes n'avaient pas suffi à m'apaiser. Il ne s'agissait ni de jouissance ni de plaisir, mais d'une alchimie des corps, attirés, attisé, comme destinés à brûler l'un pour l'autre. Pour l'éternité.
Son visage sombre était jeune, mais au moindre sourire son expression prenait la beauté ambiguë d'un couteau.
Mes cauchemars étaient toujours là, sous ma peau, mais les oiseaux, clairs sur le bleu du ciel, constituaient la corde à laquelle je me cramponnais.
Je sors de dix ans d'études acharnées, qui m'ont écoeuré à jamais de toute préoccupation intellectuelle. Durant dix années, je n'ai rien vu, rien vécu. je voulais en finir avec cette masturbation de l'esprit, qui laisse au ventre un vide terrible, une faim d'existence à se frapper la tête contre les murs.
Et,tout à coup,l'Afrique apparut.
La forêt infinie se déroulait sous nos yeux .C'était une mer d’émeraude ,immense et ondulante , qui se précisait à mesure que nous descendions.Peu à peu ,le vert sombre s'éclairait ,se nuançait.J'aperçus des chevelures ébouriffées ,des crêtes moutonneuses,des cimes en effervescence . Les fleuves étaient jaunes ,la terre rouge sang et les arbres vibraient comme des épées de fraîcheur. Tout était vif, acéré, lumineux . Il s'échappait parfois de cette liesse des nonchalances plus mates ,des plages de repos ,qui avaient l'indolence des nénuphars ou le calme des pâturages .
J'avais pris l'habitude de varier les mensonges sur mon accident. Cette attitude était devenue un tic, une façon de répondre à la curiosité des autres et de dissimuler ma propre gêne.
Le linguiste partit ensuite dans un long dithyrambe sur la cuisine tsigane (il caressait le projet d'ouvrir un restaurant de spécialités, à Paris). Le " clou " de cette gastronomie était le hérisson. On le chassait le soir, au bâton, puis on le gonflait afin de mieux ôter ses épines. Cuisiné avec de la zumi, une farine spécifique, puis coupé en six morceaux égaux, l'animal était, selon Marcel, un vrai délice.
Je sentis leur regard me suivre, comme le viseur d'une arme automatique.
- Marcel, dis-moi une chose : pourquoi les enfants roms sont-ils si sales ?
- Ce n'est pas de la négligence, Louis. C'est une vieille tradition. Selon les Roms, un enfant est si beau qu'il peut attirer la jalousie des adultes, toujours prêts à jeter le mauvais oeil. Alors on ne les lave jamais. C'est une sorte de déguisement. Pour masquer leur beauté et leur pureté aux yeux des autres.