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Critique de chocobogirl


Après avoir pas mal voyagé dans le monde, Cédric Gras, jeune géographe français, se voit confier la mission de créer une alliance française à Vladivostok. S'il a déjà séjourné en Russie, le jeune homme ne connaît pas le côté extrême-oriental du pays. C'est avec grande surprise que la ville se révèle à lui. A travers les saisons, l'auteur va s'atteler à nous faire découvrir une ville et une région dont on ignore tout et réussir à décortiquer l'âme russe dans laquelle il se retrouve tant.

Parti pour un an d'expatriation, Cédric Gras restera finalement 3 ans dans cette ville qui lui fit pourtant une si mauvaise impression à son arrivée. Vladivostok est une ville russe que 9000 kms séparent pourtant de la capitale. Coincée sur une péninsule à l'extrême sud du pays, la ville est plus proche de la Chine, de la Corée du Nord et du Japon que de Moscou. Port de pêche important de la région, elle interagit régulièrement avec ses plus proches voisins avec qui elle fait commerce.
Contrairement à l'idée que nous nous faisons tous certainement, la région ne ressemble pas à la froide Sibérie et bénéficie d'un climat temperé qui alterne entre hiver enneigé et un été pluvieux de mousson.
L'auteur arrive au printemps, au terme d'un voyage en Transsibérien et commencera son récit par cette saison qui peine à soulever l'enthousiasme. La ville a l'apparence d'un "marais à l'eau salé et à l'air vicié" et la mer pourtant toute proche se laisse à peine sentir. Pourtant, Cédric Gras ressentira cette ville comme une évidence et l'étrange sentiment d'arriver dans un endroit familier.

A travers les saisons donc, le français détaille les particularités d'une ville et d'une région à cheval entre occident russe et Asie. Une région méconnue que ses habitants cherchent à fuir pour un eldorado moscovite ou étranger. Pour mieux y revenir parfois. Il évoque les difficultés économiques d'une région oubliée par le pouvoir central, l'architecture communiste qui enlaidit le paysage, les produits manufacturés chinois qui remplacent la production russe trop lointain et peu accessible, le manque de transports qui oblige chacun à patauger dans la neige boueuse l'hiver, Noël et les voeux de bonne année enregistrés du président qui sont diffusés en domino au gré des fuseaux horaires de la vaste Russie, les particularismes religieux, etc...
L'auteur adopte un regard d'ethnologue et nous donne à voir avec un exotisme surprenant une ville insoupçonnée. Loin d'avoir une vision pessimiste d'une région quelque peu sinistrée, Il réussit à aborder de manière positive de cette ville qu'il a adopté avec beaucoup de coeur.

Mais au-delà de la ville, Cédric Gras parle aussi avec beaucoup de chaleur des hommes qui l'habitent. Il pointe du doigt leurs difficultés et le souhait de fuir une ville si grise. Il met en lumière les relations entre les hommes et les femmes russes. Ces dernières, toutes en féminité malgré le froid, prennent plaisir à jouer les indifférentes, les froides beautés, s'attachant au statut et au confort que l'homme pourrait leur amener.
C'est que la vie est dure et que l'amour parfois vient en second. le français découvre l'amour à la russe, il réapprend des codes chevaleresques oubliés par chez nous : raccompagner une femme jusqu'à chez elle, offrir des fleurs par pur plaisir, faire la cour mais sans jamais rien attendre en retour et ne même pas s'étonner de l'absence d'un simple sourire. Attendre les beaux jours pour se séparer et éviter ainsi les déménagements pénibles de la saison glaciale. Supporter les séparations à longue distance et s'aimer à travers les années, ou alors s'oublier doucement et faire la cour à une autre.

Loin d'être un récit de voyage au sens classique du terme, Vladisvostok est surtout le portrait honnête et tendre d'une ville, victime d'un imaginaire faux et/ou tronqué, qui cherche son identité entre l'austérité russe et la profusion asiatique. Cédric Gras restitue ainsi les 2 faces d'une ville, à la fois difficile et pourtant aimante, et ne tente pas d'enjoliver son propos. Repoussante et séduisante dans un même élan, Vladivostok a su exercer sur notre expatrié une fascination qu'il transmet au lecteur avec beaucoup de tendresse.
Si l'auteur ne parle qu'à peine de lui et de son emploi, il transmet malgré tout la relation qu'il a noué avec cette ville et ses habitants, et surtout la manière dont cette rencontre l'a grandit et l'a renvoyé à lui-même.

Il n'hésite pas, au cours de la narration, à évoquer avec force citation les nombreux auteurs qui l'ont précédés sur les terres russes. Et la culture française continue de bénéficier d'un certain prestige que les élèves savent restituer avec facilité alors que leurs homologues français en sont paradoxalement incapables.
Il fait preuve aussi d'humour et relève avec amusement certaines différences culturelles qui l'étonne.

Cédric Gras repartira plus riche de son séjour, prêt à se "replanter" ailleurs. Et le lecteur de son côté, pourra se laisser aller à un certain fantasme russe d'extrême-orient...

Sylvain Tesson qui offre à ce récit une très belle préface n'hésite pas à écrire qu'il s'agit du "plus beau salut que j'ai lu depuis des années à cette Russie qui nous aimante. " On ne peut que lui donner raison, tant Vladisvostok est une déclaration d'amour formidablement écrite !
Lien : http://legrenierdechoco.over..
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