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Jean Amsler (Traducteur)Jean-Pierre Lefebvre (Préfacier, etc.)
EAN : 9782020314305
648 pages
Seuil (19/03/1997)
3.97/5   588 notes
Résumé :
Le jour de ses trois ans, Oscar Matzerath a renoncé à grandir. Témoin désinvolte des événements qui se déroulent à Dantzig de 1924 à 1950, Oscar qui, sous les apparences de l'enfance a la maturité d'un adulte, fait jaillir un univers grotesque et mystérieux, une impitoyable condition humaine ensevelie sous les décombres de l'histoire...
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Critiques, Analyses et Avis (54) Voir plus Ajouter une critique
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sur 588 notes
« Je relisais à l'instant le dernier paragraphe. Bien que je n'en sois pas autrement satisfait, ce n'en est pas moins la plume d'Oscar ; en effet elle a réussi à exagérer, sinon à mentir, avec concision et cohérence, à présenter, des choses, un rapport volontairement concis et cohérent, de temps à autre. »
C'est Oscar, le narrateur, qui parle, et rien que l'alternance du Je et du Il d'un paragraphe à l'autre, d'une phrase à l'autre ou, parfois, comme c'est le cas ici, au sein d'une même phrase, a de quoi dérouter. Mais si j'ai placé cet extrait, dans lequel Oscar parle de la plume d'Oscar, en ouverture de mon billet, c'est parce qu'il me paraît assez bien s'appliquer à la plume de Günter Grass telle que je l'ai perçue. Une plume qui exagère, qui n'hésite pas à mentir, à travestir la réalité, à se cacher, et qui ne se soucie guère d'être concise et cohérente. Je n'attends pas d'un romancier qu'il soit particulièrement concis. Parmi mes auteurs de prédilection figurent Proust, Céline, Simon, qui ne sont pas franchement réputés pour leur concision, mais, et je remercie au passage la plume de Grass pour m'avoir éclairée, il y a une chose à laquelle je suis manifestement très attachée : la cohérence. Or, l'auteur se fiche comme d'une guigne de nous présenter un récit cohérent, un récit qui ait du sens, ce sens fût-il de nous dire que rien n'a de sens. Il nous noie à plaisir sous un déluge verbal le plus souvent indigeste, aligne des scènes dont la puissance d'évocation est très fluctuante, ne cherche nullement à bâtir une intrigue, multipliant les ellipses, les allusions furtives, les associations d'images les plus incongrues, aboutissant à un magma opaque duquel je me suis littéralement épuisée à extraire du sens, réduite, tel en enquêteur aveugle et fourbu à glaner deux ou trois indices ici ou là qui, mis bout à bout ne m'ont menée nulle part, me laissant pour finir avec un monceau de questions sans réponses.

Je suis donc incapable de vous dire ce que l'auteur allemand, récipiendaire du prix Nobel de littérature en 1999 « pour avoir dépeint le visage oublié de l'Histoire dans des fables d'une gaieté noire », a voulu exprimer dans ce récit se déployant sur près de cinquante ans, de l'aube du XXème siècle aux immédiates années d'après-guerre. Je suis bien en peine de vous parler d'Oscar, né en 1924 à Dantzig sous deux ampoules de soixante watts battues par les ailes d'un papillon de nuit, bien en peine de vous dire pourquoi il se jette volontairement dans l'escalier de la cave à l'âge de trois ans afin de s'arrêter de grandir.
« Là je dis, là je me décidai, là je résolus de n'être en aucun cas politicien comme Adolf et encore bien moins négociant en produits exotiques, mais de mettre un point c'est tout, de rester comme ça – et je restai comme ça, je m'en tins à cette taille, à cet équipement, de nombreuses années durant. »
Là, l'auteur semble nous dire que placé devant l'alternative de devenir Adolf Hitler ou de reprendre le commerce familial, le petit Oscar préfère s'arrêter de grandir. C'est une interprétation possible, même si Grass en suggère d'autres, comme le fait que sa mère et son beau-père n'ayant pas le don de le comprendre, il « perdit le goût de la vie avant même que cette vie commença ». On peut aussi avancer une explication psychanalytique : le petit Oscar, par ce geste suicidaire, récupère l'amour et l'attention de sa mère tout en rejetant la faute sur son beau-père, accusé de n'avoir pas refermé la trappe d'accès à la cave.
Pour corser l'affaire, ce « arrêter de grandir » revêt des significations différentes au fil du livre : Oscar reste-t-il un enfant qui refuse de grandir, autrement dit qui refuse de devenir adulte? Ou bien Oscar devient-il adulte dans un corps d'enfant? Ou bien encore Oscar est-il un nain, un gnome, un nabot ?
Ce qui est sûr, c'est qu'Oscar se met à jouer du tambour après sa chute, après sa décision d'arrêter de grandir. Mais quant à vous dire ce que représente cet instrument sur lequel il frappe sans discontinuer… Son tambour est-il sa voix, sa plume? Représente-t-il l'enfance, l'innocence? Est-il un rempart contre le monde des adultes, contre ce monde étriqué, petit-bourgeois, banalement antisémite dans lequel on va, en famille, voir brûler les synagogues comme on se rendrait au cirque ou au Guignol ? le tambour d'Oscar est-il un antidote au mal et à la violence ordinaires qui sournoisement s'emparent de tout un peuple à l'aube des années trente ?
Il y a également une chose très troublante (s'il n'y en avait qu'une!), c'est qu'Oscar, lorsqu'il est empêché de frapper son satané tambour, se met aussitôt à pousser un cri strident qui a le pouvoir de briser le verre, un cri « vitricide », dont je n'ai cessé tout au long du récit de me demander s'il figurait une allusion à la Nuit de cristal, question qui restera, hélas, comme les autres, définitivement sans réponse.

Plus troublante encore est pour moi la dimension messianique d'Oscar, qui apparaît très tôt dans le roman :
« Cependant – et ici Oscar doit admettre qu'il s'est développé – quelque chose grandissait, et pas toujours pour mon bien, acquérait pour finir une grandeur messianique. »
L'idée d'un Oscar appelé à incarner un nouveau Jésus revient à plusieurs reprises dans le récit. Ainsi, alors qu'enfant, accompagnant sa mère à l'église du Sacré-Coeur, il a l'idée de passer la sangle de son tambour autour du cou d'un Jésus de plâtre, attendant en vain que celui-ci se mette à jouer :
« (…) jouera-t-il, ou bien ne sait-il pas, ou bien n'a-t-il pas le droit ? Jouera, ou bien c'est pas un vrai Jésus. C'est Oscar le vrai Jésus plutôt que celui-là, si celui-là ne joue pas du tambour. »
Ou lorsqu'au sortir de l'adolescence, devenu le chef charismatique d'une bande de délinquants, les Tanneurs, qui se livrent à des actes de violence (allusion à l'incorporation de Grass dans les Waffen SS à l'âge de 16 ans?), il se fait appeler Jésus et s'adonne à une sorte de rite initiatique et blasphématoire dans l'église du Sacré-Coeur :
« Jésus leva l'index comme une institutrice primaire et me donna une mission : « Tu es Oscar, le roc, et sur ce roc je bâtirai mon Église. Sois mon successeur !»
Oscar est-il LE rédempteur, sorte de version parodique et grimaçante de Jésus Christ, celui qui rachète les fautes du peuple allemand? Possible… sauf que l'auteur compare à plusieurs reprises Oscar à Judas, insistant (bien que le terme « insister » chez Grass, qui procède de façon allusive et cryptée, soit très abusif) sur sa faute :
« Était-ce à dire que les myopes y voient plus clair ; que Weluhn, que j'appelle le plus souvent le pauvre Victor, avait lu mes gestes en silhouette noire sur fond blanc, discerné mon acte de Judas, et emporté avec lui dans sa fuite et dans le monde entier le secret et la faute d'Oscar ? »

Il y a aussi les transformations du corps d'Oscar, là encore très troublantes. L'enfant innocent qui s'est arrêté de grandir se mue après la guerre en un homme au corps nanifié, tordu, déformé comme un bonsaï, enlaidi par une bosse qui, là encore, semble devoir revêtir une signification particulière bien qu'à peine suggérée :
« Il avait eu une femme dont la jambe de bois, la gauche je crois, pouvait se détacher ; c'était un peu comme ma bosse, bien qu'on ne pût détacher mon compteur à gaz. »
L'analogie entre la bosse d'Oscar et son compteur à gaz renvoie à n'en pas douter aux chambres à gaz, d'autant que plus tôt dans le roman Grass compare Hitler à l'employé du gaz — « Tout un peuple crédule croyait au Père Noël. Mais le Père Noël était en réalité l'employé du gaz ».
La bosse d'Oscar, excroissance monstrueuse visible à l'oeil nu, symbolise-t-elle la faute de tout un peuple? La faute de Grass seul? Renvoie-t-elle à la question plus vaste du péché originel et de l'expiation ?
« Alors je lui conseillai de voir en moi la faute et en Ulla l'expiation ; ma faute était visible à l'oeil nu ; l'expiation pouvait être costumée en infirmière. »

Je sors de cette lecture avec un profond sentiment d'insatisfaction. Non, insatisfaction est trop faible pour qualifier ce que je ressens. Frustration me semble plus juste. Je ne crois pas avoir jamais lu un texte qui m'ait fait un tel effet. Je l'aurais d'ailleurs abandonné s'il n'y avait eu l'émulation de notre petit groupe. Aussi je tiens à remercier Patrick, à l'initiative de cette lecture commune, Sonia, dont l'entêtement à comprendre un récit qui se dérobe à l'interprétation m'a aiguillonnée tout du long, les consultantes Isa et Mouche, notre germaniste, les fidèles compagnons de lecture Anne-So, Bernard, Chrystèle, Sandrine, ainsi que Marie-Caro et Jonathan.
Nos discussions à bâtons rompus pendant quatre semaines ont conféré à cette lecture languissante un tonus qui m'a permis de tenir, la sauvant ainsi, du moins en ce qui me concerne, du complet naufrage.
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Qui ne connait ce titre, sinon le livre au moins le film qui en a été tiré. Un film dont j'avais gardé un vague souvenir, mais assez marquant pour me donner envie de découvrir le livre. Quand Patounet (Patlancien) a proposé une lecture commune, j'ai sauté sur l'occasion. Bien m'en a pris, C'est LE LIVRE à lire en lecture commune, tellement il est compliqué de comprendre ce que l'auteur a cherché à nous transmettre par ce livre, que voulait-il partager avec son lecteur si tant est qu'il ait désiré partager quelque chose. Toutes ces questions ont généré de nombreux échanges (imaginez, plus de 1200 messages échangés dans le groupe) : beaucoup d'opinions, de suggestions qui se sont confrontées pour mon bonheur et ont grandement enrichi cette lecture.

Oscar, tout jeune, décide d'arrêter de grandir. Cela arrivera pour l'anniversaire de ses trois ans, anniversaire qui sera pour lui l'occasion de recevoir son premier tambour, premier d'une longue série ; je croyais me souvenir, qu'il ne voulait pas grandir à cause de la montée du nazisme, mais non, c'est parce qu'il ne veut pas prendre la suite de son père et tenir le magasin de celui-ci, rejoindre le monde des adultes.
L'auteur nous raconte la vie de la famille d'Oscar, sa grand-mère, sa mère puis Oscar lui-même ainsi que les nombreux personnages qui apparaitront dans son entourage Il parcourt ainsi l'histoire de l'Allemagne pendant la montée du nazisme, la guerre et après, vue et racontée par Oscar, avec toutes les équivoques, les non-dits, les ambivalences, les obscurités induites par l'état d'Oscar, enfant puis homme dans un corps qui reste de la taille de celui d'un enfant.
En alternance avec des passages dans une clinique pour fous, où Oscar est enfermé alors qu'il s'apprête à fêter ses trente ans. Il a toujours son tambour qu'il frappe pour réveiller ses souvenirs et continuer à nous raconter.

Le Tambour est un roman très dense, les chapitres se suivent sans saut de page, il y a très peu de dialogues pour aérer le texte, et si certains épisodes, drôles, vivants, m'ont interpelée, ravie, d'autres m'ont paru très longs. Notamment le livre III qui se passe après la guerre.

L'auteur dans tout le livre raconte par la voix d'Oscar, Il alterne entre le discours à la première personne, Oscar parle en disant je, et à d'autres moments il dit Oscar. Il ne m'a pas été facile de comprendre cette distinction, même si la plupart du temps, elle m'a paru naturelle, et elle aura donné lieu à beaucoup de discussions dans notre groupe.
Les chapitres se suivent, l'histoire fait enfin son apparition à la fin du livre I, et le livre m'a pour la première fois émue, dans son évocation de la nuit de cristal et de la violence et de la tyrannie du nazisme.

Oscar est un personnage difficile à cerner, il garde sa petite taille, mais il vieillit quand même, et son comportement par moments reflète l'âge qu'il a indépendamment de sa taille, parfois il réagit comme un enfant. Là encore, je n'ai pas bien compris ce qu'il signifie pour l'auteur ce personnage qui ne grandit pas. C'est très troublant. Un personnage en plus fortement autocentré, le monde peut s'écrouler autour de lui, ce qui lui importe c'est lui et son tambour.

Il est difficile d'écrire sur ce livre tellement singulier. Il me reste certains passages en tête, des images très fortes par moments. C'est une oeuvre dense, fulgurante par moments, ennuyeuse à d'autres, levant plein de questions, ne donnant pas les réponses. Des personnages auxquels je ne me suis pas attachée, les considérant avec étonnement, incrédulité, sourire parfois mais pas souvent ...

Ce que je retiendrai avant tout de cette lecture ce sont les échanges auxquels elle a donné lieu. Merci à tous mes compagnons sur cette LC : Anna (@AnnaCan), Berni (@berni_29), Chrystèle (@LaHordeDuContrevent), Isa (@Isacom), Jonathan (@JonathanLecuyer), Marie-Caro (@mcd30), Sandrine (@HundredDreams), Sonia (@indimoon) et Delphine (@Mouche307) qui s'est munie de la VO pour nous en partager des extraits.
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J'ai lu « le tambour » de l'écrivain allemand Günter Grass, prix Nobel de littérature, grâce à l'invitation de Patrick (@Palancien) à le rejoindre dans une lecture commune. Sans cela, il est vraisemblable que je n'aurais jamais lu cet énorme pavé toute seule et si par hasard, je l'avais ouvert, il est vraisemblable que j'aurais eu du mal à aller jusqu'au bout sans le dynamisme et la motivation du groupe. Alors merci à tous pour cette lecture riche de la multiplicité de nos regards.

Ce roman est-il si mauvais à ce point ?
Et bien non, justement, et c'est cela qui est étrange, voire paradoxal. le nom de lecture commune n'a jamais aussi bien porté son nom. Après avoir franchi la barre des mille messages tant cette lecture est singulière et particulièrement riche de réflexions et de questionnements, il reste encore beaucoup d'interrogations après avoir refermé le livre.
Par certains côtés, j'ai trouvé ce roman excessivement intéressant, instructif, prenant, mais par d'autres, je l'ai trouvé long et ennuyeux, impénétrable par les multiples interprétations et même parfois inaccessible par manque personnel de références ou par la volonté de l'auteur de rester évasif.

*
A ce propos, alors que Günter Grass s'engage volontairement dans la Waffen-SS à l'âge de 17 ans, Oscar, quant à lui, lui refuse de grandir et de voir le monde extérieur tel qu'il évolue et devient. Troublant.

Le jour de ses trois ans, Oscar décide d'arrêter de grandir pour ne pas ressembler aux adultes. Au rythme du tambour en fer-blanc, il égrène les événements de sa vie pris dans le mouvement de l'histoire allemande.
Ainsi, il raconte les origines de sa famille et retrace, sur environ un demi-siècle d'histoire, une époque effroyable : l'entre-deux-guerres, l'arrivée au pouvoir du régime nazi, la nuit de cristal, les exactions envers les juifs, la défense de la poste polonaise, le seconde guerre mondiale jusqu'à l'entrée des troupes soviétiques à Dantzig, l'Allemagne d'après-guerre jusqu'aux années 50.

De ces pages, me resteront la force évocatrice de certaines images accompagnées d'odeurs entêtantes, persistantes, agressives, qui rendent la lecture immersive : la rencontre insolite de ses grands-parents maternels dans un champ de pommes de terre sous une pluie froide d'octobre ; un papillon de nuit, témoin de l'étrange naissance d'Oscar sous l'éclairage de deux ampoules de soixante watts ; son cri vitricide le premier jour de la rentrée des classes ; la pêche à l'anguille un vendredi Saint ; l'histoire de Niobée, une figure de proue ensorcelée ; l'érotisme déconcertant de la poudre effervescente de son premier amour.

*
Qui est Oscar ?
Je me suis posée la question tout du long de ces presque 800 pages. Jamais un personnage n'aura été dessiné de manière aussi flou et imprécise. Pourtant tout le récit tourne autour de lui, mais l'auteur l'a voulu ainsi, c'est indéniable.
Oscar paraît vouloir se livrer mais en même temps, se cachant derrière les non-dits, des imprécisions qui entretiennent sans cesse le doute et la perplexité. Ce voile, pour moi, ne s'est jamais levé et je suis restée rivée à ce personnage étrange, peu sympathique et malaisant qui se défile comme une anguille quant à sa vie et à cette période sombre de l'histoire allemande.

« … qui parmi les adultes pouvait à cette époque comprendre le mystère d'Oscar, de ses trois ans à perpétuité, de son tambour de fer ? »

Est-il un enfant, un adolescent, un nain, un bossu adulte ?
Est-il un enfant avec des réflexions d'adulte ou un adulte avec un regard d'enfant ?
Est-il resté enfant toute sa vie ou est-il né déjà adulte, porteur d'un regard froid, obsessionnel et distant sur son monde ?
Est-il un simple observateur qui ne prend pas parti, qui ne juge pas ? Est-il un homme qui ne vit que pour lui et se moque du sort d'autrui ? Ou est-il un déséquilibré, un malade mental, un monstre sans émotions ni sens moral, sans empathie ni compassion, un personnage indifférent et insensible à la souffrance et à la mort d'autrui, à la cruauté et à l'inhumanité de la guerre et des hommes ?
Est-il violent, pervers, immoral, sournois, manipulateur ? Ou bien ce détachement est-il sa façon de se défendre, de se protéger de cette époque si violente et barbare ?
Oscar est-il une allégorie ? Et, en ce sens, porte-t-il le fardeau de la responsabilité collective allemande des actes nazis ? Cela pourrait-il expliquer pourquoi Oscar décide de succéder au Christ et de se faire appeler Jésus dans une partie du roman ?
Sûrement est-il tout cela à la fois, un homme aux multiples visages.

« Oscar, c'est-à-dire moi, exprimait expressivement l'image détruite de l'homme, accusatrice, provocante, extra-temporelle, et cependant en communion expresse avec la folie de notre siècle. »

Malgré sa personnalité complexe et son caractère ambigu, Oscar est un personnage fascinant, mystérieux que j'ai adoré suivre dans la première partie du roman. Pourtant, peu à peu, mon intérêt pour lui s'est émoussé, mon attention s'est relâchée, comprenant qu'il me resterait inaccessible, que l'auteur ne me révèlerais pas le fond de sa pensée.

*
Günter Grass entretient également la confusion dans son style, alternant une narration à la première et troisième personne du singulier. J'avoue être restée perplexe sur ce procédé : le changement de point de vue du narrateur donne l'impression qu'Oscar se désolidarise, se dissocie en deux entités, chacune ayant sa propre façon de penser et de se souvenir d'elle-même et de sa vie.
Je me suis même demandée si parfois, le Oscar-adulte ne parlait pas à travers le Oscar-enfant, ce qui aurait pu expliquer pourquoi cet enfant présentait une maturité intellectuelle, langagière et sexuelle.

Après de nombreux échanges dans le groupe, l'explication de l'historien Thomas Serrier m'a convaincue : il y voit un « procédé d'esquive bien connu de Freud et des psychanalystes », le "je" se défaussant constamment sur le "il'' du texte.

Cet éclaircissement, indispensable pour y voir un peu plus clair dans la narration, m'a aussi permis de comprendre mes difficultés à cerner Oscar, d'autant plus qu'est très présent un ton ironique et grotesque, enfantin et faussement naïf qui brouille la ligne de démarcation entre la réalité et la fiction, le vrai et le faux, la religion et le blasphème, l'amour et la haine, l'innocence et la noirceur de l'âme.

Il reste la question du tambour car alors qu'Oscar louvoie entre deux voix / deux voies, il ne fait qu'un avec son tambour. Cette musique rythmée, il m'a semblé l'entendre dans l'écriture scandée de l'auteur, dans ses longues phrases enchaînées par juxtaposition. le tambour semble un prolongement de son corps, c'est sa voix, l'instrument qui lui permet de communiquer.

*
C'est un livre dense, très riche, qui se lit lentement pour sonder le passé d'Oscar, pour en apprécier la langue (ou la traduction), le style verbeux presque suranné, l'écriture distante presque désincarnée, les situations tragicomiques illustrées par des images envahissantes, les odeurs prégnantes, les couleurs qui s'imposent au regard, les sensations fluctuantes.

*
Assez éloigné de mes goûts livresques, moi qui aime les romans plus courts et surtout qui ne me laissent pas avec une impression d'inachevé et de questions laissées en suspens, je dois tout de même avouer que j'ai vécu une incroyable expérience littéraire avec cette lecture commune.
« le Tambour » a été un roman difficile à lire : certains passages m'ont impressionnée par leur puissance visuelle et sensorielle, en particulier dans la première moitié du livre. Son réalisme magique et sa valeur historique auraient pu me séduire, mais mon intérêt a eu du mal à se fixer sur l'ensemble des chapitres.
Un roman singulier, étrange, dérangeant, qui fait réfléchir et ne laisse pas indifférent, mais qui amène de trop nombreuses questions sans réponse.

*
Encore un grand merci à tous mes compagnons de lecture sur cette formidable LC : Anna (@AnnaCan), Sonia (@indimoon), Chrystèle (@HordeDuContrevent), Isabelle (@Isacom), Marie-Caroline (@mcd30), Anne-So (@dannso), Delphine (@Mouche307), Bernard (@berni_29), Jonathan (@JonathanLecuyer), et Patrick (@Patlancien). Rien que pour tous nos échanges, cette lecture valait vraiment le coup.
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Il m'aura fallu attendre plusieurs jours pour poser ces quelques mots sur cet immense roman qu'est le tambour.
Avec ce recul, je ne sais toujours pas comment l'appréhender dans son étrange ambivalence.
J'ai eu le sentiment tout au long de ma lecture de tenir dans les mains un monument, mais qu'à regret mon ressenti ne parvenait jamais à se hisser à cette hauteur.
Ce livre m'est tombé des mains non pas tout de suite mais plus tard, presque au-delà du tiers du texte.
Structuré en trois livres, le roman est d'une densité incroyable ; si j'ai été subjugué par la lecture du livre I, les choses ont commencé à se gâter à l'entame du livre II, s'agissant du livre III n'en parlons pas, je n'étais plus dans le récit…
Ce que j'aime découvrir dans un roman, - l'étonnement, le souffle, le rythme, les respirations entre les personnages, la capacité qu'a l'écrivain de créer un pouvoir d'évocation -, me semblaient bien présents dès les premières pages.
Le reste de ma lecture fut pour moi un profond ennui, percevant la puissance narrative du texte mais ne sachant vraiment jamais où Günter Grass voulait m'entraîner.
Tout avait pourtant bien commencé, lorsque la grand-mère du narrateur, jeune paysanne, fait la connaissance de manière insolite avec celui qui deviendra le mari de celle-ci, par conséquent le futur grand-père, celui-ci poursuivi par la maréchaussée trouvant son salut en se réfugiant sous les jupes amples de la jeune femme. Je crois bien que pour ma lecture il m'a manqué un tel salut…
Il me restera pourtant longtemps encore en mémoire des scènes, des images, des odeurs inoubliables…
Je me suis demandé tout au long de ma lecture qui était vraiment Oskar Matzerath, ce petit garçon qui hérite d'un tambour offert par sa mère à l'âge de trois ans et qui le même jour décide de ne plus grandir pour ne pas ressembler aux adultes. Oskar Matzerath devient alors le narrateur d'une histoire autobiographique confuse, témoin lucide et cynique de la folie, figure christique traversant le récit dans les convulsions qui emportent l'humanité.
Ce texte est obscène comme la guerre peut l'être, comme peut l'être le régime qui a engendré la seconde guerre mondiale. Ce roman dit cela, de manière picaresque et truculente, la montée du nazisme, son apogée, sa chute, l'innommable, la barbarie humaine, à partir de scènes de la vie ordinaire d'une ville de Pologne et de ses faubourgs, Danzig…
Je ressors de cette lecture avec bien des interrogations ? Même si je ne cours pas après les récits lisses de certitudes, - j'adore volontiers me perdre sans boussole dans les méandres, les digressions et les malentendus d'un récit -, ici j'aurais tout de même aimé savoir à quel endroit j'étais parvenu.
L'écriture singulière du roman qui est sans nulle doute sa force est-elle issue de la folie ?
Faut-il voir en Oscar Matzerath un personnage aliéné, cela expliquerait l'alternance des pronoms personnels entre le JE et le IL, parfois dans la même phrase ? Cela produit un perpétuel balancement entre le sujet et l'objet du récit, cela crée une double impression entre récit subjectif et objectif. Est-il témoin de l'Histoire, récusant tous les autres témoignages ? Mais le fait qu'Oscar Matzerath se défausse sans cesse du texte qu'il écrit lui-même pourrait expliquer l'aliénation du personnage, rendant impossible la manière de distinguer le vrai du faux.
Oscar Matzerath serait-il par analogie la représentation du peuple allemand se défaussant sur une tentative de lucidité, incapable d'assumer son Histoire, son destin solennel ?
Cette schizophrénie de l'écriture figurerait-elle donc celle d'un peuple allemand à la fois complice du pire totalitarisme qu'est connu le XXème siècle et sidéré de découvrir l'innommable au lendemain de la guerre, incapable de poser des mots, à la manière de ces habitants qui vivaient tranquillement à la périphérie des camps de concentration sans se poser la moindre question ? Il faut alors inventer une écriture à la démesure de cette sidération et ce fut Günter Grass, lui-même déchiré durant toute sa vie par cette ambivalence, qui s'y attela.
Alors Oscar Matzerath se donne la liberté de se mettre en retrait du monde, en décidant de ne plus grandir dès l'âge de trois ans, rythmant au son des roulements de tambour, dans un jeu musical et cynique, la montée du national-socialisme, l'adhésion presque unanime d'un peuple aux valeurs de ce régime, qu'il décrit dans la banalité et la candeur ironique et cruelle qui font le quotidien des peuples qui se mettent docilement à genoux devant leur tyran, révélant des-dessous peu reluisants d'une société qui s'en arrange bien, les ambitions malsaines, le silence, l'allégeance, la complicité, plus tard la culpabilité.
Et si Oscar Matzerath ne nous racontait rien d'autre qu'une scène d'une tragédie shakespearienne ?
« La vie n'est qu'une ombre qui passe, un pauvre acteur qui se pavane et s'agite durant son heure sur la scène et qu'ensuite on n'entend plus. C'est une histoire dite par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien. »
Dans ce récit qui prend parfois l'allure d'un mythe, j'aurais aimé être renversé dans le vertige de ce désastre, comme je le fus dans Voyage au bout de la nuit.
Il y a en effet dans le parcours initiatique d'Oscar Matzerath, ce personnage qui se confond peu à peu avec son jouet, l'obsession d'un tambourinage qui devient sa bouche, sa parole, ses gestes et rythme son parcours, dépassant le simple récit autobiographique.
Tout ceci aurait pu rendre ma lecture vertigineuse et incandescente… J'ai cherché en vain à revenir dans l'inspiration des jupes de la grand-mère mais le vent les avait déjà emportées dans la folie humaine.

Un grand merci à notre ami Pat (@Patlancien) de nous avoir proposé cette lecture commune qui a suscité bien de riches échanges. Merci aux autres aventuriers de l'équipage : Anna (@AnnaCan), Anne-So (@dannso), Chrystèle (@LaHordeDuContrevent), Delphine (@Mouche307), Isa (@Isacom), Jonathan (@JonathanLecuyer), Marie-Caro (@mcd30), Sandrine (@HundredDreams), Sonia (@indimoon) …
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A la naissance d'Oskar Matzerath en Pologne au début des années 30, ses parents lui firent deux promesses, sa mère celle de lui offrir un tambour le jour de ses trois ans et son père celle de le faire hériter de la boutique familiale dès qu'il aura atteint l'âge adulte. Si la première idée l'enchante, la seconde en revanche lui répugne profondément (comme vous l'avez noté, c'est un nourrisson qui cogite déjà beaucoup, l'Oscar…) L'enfant prend alors une grave décision : le jour où on lui confiera son tambour, il cessera de grandir et conservera à jamais l'âge de ses trois ans, afin d'échapper aux écoeurantes responsabilités des adultes et de se consacrer à la seule véritable occupation digne de lui, à savoir jouer du tambour. Et ainsi fera Oscar. Malgré les bouleversements familiaux, les convulsions qui agiteront la Pologne et l'Allemagne et les hurlements délirants des meutes nazis, il ne vieillira, ni ne grandira plus d'un seul pouce. Mais en apparence seulement, car, sous ses faux airs de gamin attardé, Oscar est un véritable génie manipulateur qui prend un malin plaisir à se moquer du monde des adultes, bien à l'abri derrière ses baguettes de tambour.

Ecoutez, amis lecteurs, écoutez ! Oscar va battre pour vous la marche de l'Histoire et des armées ! Il vous jouera les infidélités de sa mère, la mort de ses deux pères, les jupes de sa grand-mère, ses propres multiples aventures sexuelles, la chute de la Poste Polonaise, les trompettes des jeunesses hitlériennes, l'incendie de la boutique de jouets du vieux Markus, l'invasion de Dantzig par les troupes russes, le débarquement américain en Normandie, les dancings et les asiles de Düsseldorf… Mais, tout en écoutant, méfiez-vous, car Oscar n'est pas seulement un manipulateur, mais aussi un sacré petit bonimenteur tout à fait indigne de confiance. Et, si vous tendez assez l'oreille, vous pourrez entendre, dissimulé sous le roulement de son tambour, le ricanement sinistre de la Sorcière Noire, le monstre qui sommeille dans chaque coeur humain et gronde au sein de chaque foule en furie. « La Sorcière Noire est-elle là ? Ja, ja, ja ! »

Pfiouuu… Eh ben, il n'a pas été une mince affaire à finir, ce bouquin ! Non qu'il n'ait pas amplement mérité sa renommée et sa qualité de classique de la littérature du XXe siècle, mais il peut difficilement être taxé de roman « facile ». le tout demande déjà d'avoir un estomac solidement accroché pour supporter la noirceur constante et le cynisme mordant des grinçantes mémoires d'Oscar. Il a de l'humour pourtant, l'horrible petit bonhomme, mais un humour coupant et féroce qui nous fait plus souvent sourire jaune que rire aux éclats.

Le style n'est pas non plus des plus aisés ; touffu, excentrique, frôlant parfois le surréaliste, il demande un constant effort de concentration au lecteur pour être apprécié à sa juste valeur. Et encore… J'avoue que durant certains passages (assez rares heureusement) où le tambour d'Oscar s'emballait, enchaînant métaphore et pirouettes stylistiques, mon pauvre cerveau de lectrice lambda se laissait déborder et je lâchais sagement prise, me laissant porter par le tempo des mots sans chercher à percer leur sens outre-mesure. Je ne regrette pas pour autant d'avoir tenté l'expérience. Aussi complexe et dense soit-il, « le Tambour » reste un sacré moment de lecture et nombreuses sont les scènes qui m'ont marquée par leur puissance et leur force évocatrice. En conclusion, un roman très satisfaisant, mais que je ne relirai pas de sitôt. Ma petite tête n'y survivrait pas…

(Autre petit inconvénient : la chanson « Petit tambour Pa-ra-pam-pam-pam » qui m'a tournée sous le crâne pendant l'intégralité de ma lecture. Ca n'a l'air de rien comme ça, mais je vous jure, qu'au bout de 600 pages, on finit par avoir les nerfs en compote. Argh, argh, argh, j'aurais jamais dû en parler ! Maintenant, je l'ai de nouveau dans la tête, pauvre de moi…)
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Je perçus un essaim d'odeurs: la vanille de Maria jeune fille. L'huile à sardines que ma pauvre mère réchauffait pour la boire tiède, et elle en mourut. Jan Bronski gaspillait toujours l'eau de Cologne et pourtant tous ses vêtements exhalaient un relent de mort précoce. Ça sentait les pommes de terre d'hiver dans la cave de Greff-légumes. Encore un coup l'odeur des éponges sèches pendues par une ficelle aux ardoises du cours élémentaire, première année. Et ma Roswitha qui fleurait la cannelle et le musc. Je nageais dans un nuage de carbol quand M. Fajngold pulvérisait ses désinfectants sur ma fièvre.
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A mon coup de sonnette, ce fut Zeidler lui-même qui ouvrit. Il était la dans l'encadrement de la porte, petit, trapu, le souffle court, hérissonesque, portait des lunettes à verre épais, cachait la moitié inférieure de son visage sous une mousse floconneuse de savon à raser, tenait de la main droite le blaireau contre sa joue, semblait alcoolique et, d'après son parler, Westphalien.
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On l'affirme ici : les partisans ne sont jamais des partisans à titre temporaire, mais sont des partisans permanents et définitifs, qui remettent en selle les gouvernements renversés et renversent les gouvernements précisément remis en selle avec l'aide des partisans. Les partisans incorrigibles, qui sapent leurs propres fondements, sont d'après M. Matzerath, parmi toutes les personnes, qui se vouent à la politique, celles qui ont le plus de dons artistiques, parce qu'ils rejettent aussitôt ce qu'ils viennent de créer.
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Et puis il y avait de poudre effervescente au goût framboise, et aussi une poudre effervescente qui, quand on l'arrosait avec de l'eau claire du robinet, sifflait, faisait des bulles, jouait les énervées, qui, quand on la buvait avant qu'elle ne se fût calmée, avait de loin, très lointaine, une saveur de citron et en prenait aussi la couleur dans le verre, mais avec plus de zèle encore : un jaune artificiel qui se donnait des airs de poison.
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Quand on reste assis, toujours assis sur un banc de parc, on devient en bois et on a besoin de se confier. Vieillards en liaison avec les conditions atmosphériques, femmes d'âge vénérable qui lentement redeviennent des fillettes bavardes, saison variable, cygnes noirs, enfants qui se poursuivent en criant, et couples d'amoureux qu'on aurait envie d'observer jusqu'au moment prévisible où ils devront se séparer. Beaucoup laissaient tomber du papier. Ça voltige un petit peu, ça roule sur le sol, et un homme à casquette payé par la ville embroche ça sur un bâton pointu.
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Vidéo de Günter Grass
En 1979, une romancière a été nommée présidente du jury. Une première dans l'histoire du Festival de Cannes qui convie les littéraires à siéger dans ce comité exclusivement composé d'hommes et de femmes de cinéma. Françoise Sagan ouvre le bal des délibérations. Pourquoi inviter des romanciers à présider ? Une cérémonie particulièrement symbolique qui a sacré deux films arrivés ex aequo avec "Apocalypse Now" et "Le Tambour" adapté du roman de Günter Grass, grâce à Françoise Sagan. Laurent Delmas et Christine Masson nous révèlent quelques anecdotes peu reluisantes de cette 32ème édition du Festival, théâtre d'une polémique entre la romancière et l'institution du cinéma. 
Georges Simenon, le père des "Maigret", Henry Miller, l'auteur américain le plus impertinents et insolents qui soit… Qui sont ces membres du jury qui ont marqué le Festival de Cannes ? 
François Busnel et ses invités remontent le temps, quand les écrivains et grands noms de la littérature se sont retrouvés au Festival de Cannes.

Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
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