Ils l'ont placé en cellule et ensuite, entre vingt-deux heures et quatre heures du matin, ils n'ont pas arrêté de venir le chercher pour l'interroger. Ils le surveillaient par le judas de la porte de la cellule et, dés qu'il s'endormait, ils entraient, ils le réveillaient et le ramenaient en salle d'interrogatoire. Là, on le faisait asseoir sur une chaise, les paumes à plat sous les cuisses, et on lui reposait les mêmes questions. Exactement les mêmes, mot pour mot. Et il devait tout recommencer. Il a demandé s'il pouvait téléphoner pour prévenir sa famille, ils ont dit non. Voir un avocat. Non plus. Il était épuisé, il les a suppliés de le laisser dormir un peu. Ils ont continué. ça a duré trois jours.
Je l'aime bien, moi, cette main fermée comme si elle enserrait un secret. Je me plais à imaginer qu'elle contient un petit objet ou un morceau de papier plié, un caillou porte-bonheur, rond et lisse, un trésor connu de moi seul dont je sentirais ainsi constamment la présence amie tout en la masquant à la vue d'autrui.
Ce qui a attiré mon attention, c'est cette étonnante sensation de fraîcheur sur ma droite. Ma main, mon bras, ma jambe, toute la partie droite de mon corps semblait immergée dans une eau délicieusement froide tandis que la gauche transpirait entre des draps serrés.
J'ai joué mon rôle.
Au lieu de vivre ma vie.
Une autre vie.
Mais après tout, pourquoi l'aurais-je fait ?
Lorsqu'on est persuadé que son pays ne changera jamais et qu'on sait qu'il nous est impossible de le quitter, la meilleure solution n'est-elle pas de choisir une vie tranquille et une carrière gratifiante ?
C'est la voie que j'ai choisie. Sans me poser de questions.
Dans une société ou le mensonge est institutionnalisé, il est si facile de se mentir à soi-même...
Moi, ce que je vois, c'est qu'aujourd'hui, le quotidien le plus populaire en RDA s'appelle Ferme-là! et qu'il a quinze millions d'abonnés
Battons aujourd'hui pour préparer demain
Le front plissé, les sourcils froncés, les jeunes gens s'attaquent alors au Mur en serrant les dents, ahanant comme des bûcherons sous l'effort. Autour d'eux, la foule en délire hurle pour les encourager. Leurs coups redoublent de vigueur.
Une terreur sourde me lacérait le ventre, tapie au creux de mes entrailles, dure et serrée comme un poing.
Hass.
Le mot est plus fort en allemand. "Haine" est encore trop doux, trop près de "laine" et de "aime".
Hass, c'est un mot qui se crache à la figure de quelqu'un. Un mot que l'on projette hors de soi avec dégoût, comme si l'on venait de recevoir un coup de poing dans l'estomac.