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Marcelle Sibon (Traducteur)
EAN : 9782221097298
532 pages
Robert Laffont (07/05/2009)
3.66/5   86 notes
Résumé :
Pinkie Brown, redoutable petite frappe de dix-sept ans, tourmenté, sexuellement inhibé et déjà mégalomane, veut venger le meurtre de Kite, son chef de gang et, par la même occasion, s'imposer comme leader.Fred Hale, journaliste au Daily Messenger, soupçonné par Pinkie d'avoir assassiné Kite, séduit Ida Arnold dans un bar pour ne pas se retrouver seul face au dangereux gangster.
Alors qu'elle s'éloigne de lui un court instant, il disparaît. Lorsque la police d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Avec Rocher de Brighton je fais connaissance avec Graham Greene.

Il m'a fallu longtemps pour entrer dans ce roman. Un décor de grisaille, une intrigue qui démarre laborieusement, des personnages à l'amertume chevillée à l'âme créent d'emblée une ambiance lourde, soutenue par une écriture qui lance comme de grandes lacérations dans une ambiance de froideur pernicieuse. Une écriture moderne, sans fioriture.

Ce roman est une longue souffrance. Je l'ai ressentie comme tel à sa lecture. J'y ai progressé presqu'à contre coeur, mais avec l'inflexible avidité de savoir qui sombrerait dans la noirceur. Le piège s'était refermé sur ma voracité morbide.

C'est le roman de la crispation d'une jeunesse perdue. Il n'y a pas de désespoir dans cette souffrance. Il y a pire. Il y a prééminence de l'instinct de mort sur l'instinct de vie. Une issue certes inéluctable mais consentie, presque convoitée. Il en résulte un grand dégoût pour la vie et tout ce qui peut l'engendrer, au premier rang desquels l'amour, tant sentimental que charnel. Surtout charnel. Pinkie Brown, le jeune délinquant héros de l'intrigue, est révulsé à l'idée d'avoir des rapports sexuels, encore plus à celle d'être un jour responsable de projeter un être innocent dans la vie, cette route qui ne conduit nulle part.

Dans chaque rencontre entre les protagonistes, on s'attend au pire, au coup fourré, à la traitrise. La seule brèche sentimentale dans cette cuirasse d'amertume se focalise sur le personnage de Rose. A 16 ans elle est éprise de Pinkie. Elle a pourtant bien conscience de vouer sa vie à l'errance dans les arcanes de l'aigreur meurtrière de l'élu de son coeur. C'est en toute lucidité qu'elle l'épouse et le suit dans ses intentions malsaines, y compris celles concernant son propre avenir, celui aussi de ce couple improbable, quelque peu saumâtre, qu'ils forment tous les deux.

Elle ne peut non plus attendre aucun secours de la religion. "Le diable la possédait comme nous possédons Dieu dans l'Eucharistie – par les entrailles. Dieu ne peut échapper à la bouche pécheresse qui absorbe volontairement sa propre damnation". Roman noir s'il en est. D'autant plus noir que la sécheresse de coeur s'est installée au fond de l'être de jeunes pas encore sortis de l'adolescence, fermant ainsi l'avenir à tout optimisme.

"Je voudrais espérer, mais je ne sais pas comment".

Roman de toutes les nuances de gris jusqu'au noir absolu. Jusqu'à la dernière page on espère une petite flamme qui réveillerait un sentiment humain. Une lueur d'espoir.

J'ai sans doute commencé un peu fort avec Graham Greene en choisissant cet ouvrage. Je le ressens comme un auteur capable de créer des ambiances absorbantes. J'espère qu'il est capable d'avoir la même virtuosité dans un registre plus léger.
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« D'un pas rapide, elle s'en alla, dans le clair soleil de juin, vers la pire horreur qui fût. »
Ceci est la dernière phrase du livre, autant dire que c'était noir, vraiment très noir.
Dans le joyeux décor de bord de mer et de fête foraine mêlés que devait être Brighton en 1938, Graham Greene dépeint la « lower-class », celle qui ne peut s'offrir comme plaisir luxueux qu'un bock de bière ou la friandise qui donne son nom au roman. Enfances saccagées, apprentissage précoce du crime et de la cruauté, innocence bafouée, demi-sels éliminés comme des insectes par un jeune chef de bande aussi psychopathe que sexuellement inhibé, le décor est sombre, la fête vire à l'aigre. Une jeune serveuse, témoin indirect du premier meurtre, pourrait être gênante pour le jeune gangster que Greene appelle le Gamin. Il s'assure qu'elle n'a pas été contactée par la police et qu'elle ne dira rien. La pauvre fille est-elle amoureuse de lui ? Il la hait. Jamais une plainte, toujours contente, pour lui, elle n'est qu'un meuble : « elle lui appartenait comme une chambre ou comme une chaise». Pour qu'elle ne risque pas témoigner pas contre lui, il va jusqu'à l'épouser en achetant le consentement de ses parents. Mon Dieu, le jour du mariage ! Les quarante-cinq pages qui y sont consacrées (version poche) sont un sommet du roman. Rose, elle s'appelle Rose, va subir tout ce qu'il est possible de subir, on atteint le sublime du sordide et c'est pourtant le plus beau jour de sa vie. le lendemain matin, elle s'étonne juste de ne pas avoir à travailler.
Et Dieu, là-dedans ? On sait que Graham Greene s'est beaucoup interrogé sur Dieu, ses romans en témoignent. Ici, les deux « amoureux » ont eu une enfance catholique, le jeune chef de bande a même pensé un instant se faire prêtre avant de choisir la damnation. le Mal a gagné, le Gamin y entraîne sa victime, complice consentante. La police ne voit rien et ne veut rien voir, le scénario est implacable et inexorablement s'enchaînent les meurtres de sang froid, prémédités, glaçants.
Un seul personnage échappe à la noirceur et ose défier la fatalité dont tous les autres personnages s'accommodent. « Ida Arnold était du bon bord. Elle était gaie, elle était bien portante, elle était capable de prendre une petite cuite avec les meilleurs d'entre eux. Elle aimait s'amuser, sa grosse poitrine proclamait franchement le long de l'Old Steyne, sa charnelle générosité, mais l'on avait qu'à regarder Ida pour savoir qu'on pouvait compter sur elle. Ce n'est pas elle qui irait raconter des histoires à votre femme, elle ne vous rappellerait pas, le lendemain matin, les choses que vous préférez oublier, elle était honnête, elle était bienveillante, elle appartenait à la grande classe moyenne respectueuse des lois ». Doit-on lui faire endosser le costume de l'envoyée du Dieu de Miséricorde en la transformant en une Madone bienveillante ? A chaque lecteur de décider. le peut-on ? Assurément, car face à l'ultime abjection qui, on le pressent, va clore le roman, il n'y a qu'elle, Ida avec sa grosse poitrine, son rire un peu gras, son à-propos et son souci des autres, les faibles à qui elle tend la main.
Le final est terrifiant d'angoisse, on en sort nerveusement épuisé. Un grand roman inoubliable !
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Graham Greene n'a jamais si bien conjugué roman noir et étude de caractères que dans le « Rocher de Brighton ».
L'intrigue se déroule dans la ville balnéaire de Brighton, au sud de l'Angleterre. le décor insouciant d'un lieu récréatif très populaire avec ses jetées mêlant attractions foraines, cafés et salles de concert possède son envers misérable fait de pensions miteuses, de lotissements neufs bon marché, de quartiers déshérités. Cette toile de fond sert de théâtre à une guerre du racket des bookmakers entre deux bandes rivales, celle du Gamin et celle du puissant Colleoni.
Très vite l'attention du lecteur est aimantée vers deux électrons libres qui vont entrer en collision. D'un côté, il y a le Gamin, Pinkie, petite frappe de dix-sept ans boursouflée par l'ambition et la haine, obsédée par la damnation, et qui sature l'intrigue par sa force destructrice. À l'opposé, Greene le confronte à son exact contraire, Ida Arnold, une femme entre deux âges, généreuse, têtue qui veut que l'on rende justice à Fred Hale, une rencontre de hasard dont elle apprend la mort par les journaux.
Greene poursuit le contraste jusque dans le physique de ses personnages et leurs comportements. Pinkie est frêle, osseux, chétif, mal nourri tandis qu'Ida s'impose par l'opulence de ses formes, sa taille plantureuse, ses seins généreux, ses « grandes et fraîches mains de pâtissier ». le Gamin ne boit pas, n'éprouve que répulsion face à l'acte sexuel, Ida est souvent entre deux vins ou deux bières, et s'accorde sans chichis le plaisir physique, même s'il est décevant.
Choc des personnalités, lutte entre le Bien et le Mal, l'affrontement se cristallise autour d'un enjeu : arracher la fade Rose à l'influence du concurrent.
Le récit, noir, très noir, est haletant, étouffant et conduit dans un style éblouissant.
Je ne peux terminer cette chronique sans évoquer l'antisémitisme qui affleure tout au long du roman de Greene. Je me suis dit tout d'abord que ses remarques sur les juifs n'étaient que le reflet du regard malveillant, raciste de ses personnages, que je confondais l'auteur et ses créatures. Hélas, je n'ai pu me résoudre à cette explication au fil des annotations outrées qui parsèment le texte. Pourquoi ? Parce que l'angle d'attaque – si je puis m'exprimer ainsi – se rapporte toujours à un physique supposé « sémitique », à la dissimulation de ces traits sous des artifices, à la richesse ostentatoire des juifs et à la manière qu'a l'écrivain de les distinguer (je dirai de les isoler) dans un dancing, un hall d'hôtel, un restaurant, au champ de courses comme s'ils formaient un groupe particulier, identifiable en toute circonstance. Nous sommes là dans un antisémitisme primaire, très courant dans l'entre-deux-guerres (le roman date de 1938), mais pas plus excusable.
Cependant, mis à part cette réserve, il s'agit d'un chef-d'oeuvre du roman noir, où le passé conditionne la dérive pathologique des personnages, où la cruauté du mal s'épuise dans un combat avec l'innocence (Pinkie, Rose : un même prénom pour leur incarnation), où le dogme religieux égare des consciences malades. Une plongée en apnée dans les obsessions morbides d'un Gamin voué au tragique.
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Nouvelle échappée de Graham Greene dans l'univers des cabossés de la vie, des mal-partis, des loosers contraints à vivre d'expédients, de larcins petits ou grands, et engagés dans le cycle infernal d'une violence endémique.
Ici, dans le coeur du réacteur, c'est une pitoyable bande de pieds-nickelés dirigée par un gamin de 17 ans qui tente de survivre à coups de rasoir dans le milieu propre aux arnaques des courses hippiques. En voulant défier le parrain de la mafia locale, Pinkie et ses sbires vont inéluctablement tomber sur un os. Et pire, s'inscrire dans une spirale infernale, lorsqu'ils décident d'éliminer un témoin de leurs combines.
Mais Ida, femme forte, éprise de justice, veille. Elle venait juste de rencontrer Fred avant qu'il disparaisse et soit retrouvé sans vie. Mort naturelle, conclut le médecin : elle n'y croit pas un seul instant et remonte la piste du meurtrier, Pinkie bien sûr, qu'elle accule à faire de multiples erreurs dont un nouveau meurtre.
Ce roman a tout du thriller, sauf que Greene va bien au-delà de la simple histoire criminelle, mettant en exergue la lutte implacable du bien et du mal (sans manichéisme pour autant) et la fatalité qui pèse sur les êtres humains victimes d'un milieu défavorable et de mauvais choix en cascade. Chez Greene, il y a toujours un arrière-plan métaphysique qui donne à son oeuvre toute sa richesse et le place parmi les grands écrivains du XXe Siècle.
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A Brighton, deux bandes rivales se disputent le même territoire où racketter les bookmakers. le chef d'une des deux bandes vient d'être assassiné. Son second, Pinkie Brown, un jeune homme de 17 ans, décide alors pour le venger d'assassiner l'employé d'un journal qu'il tient pour responsable de la mort de son chef. Mais deux femmes vont être impliquées dans l'affaire. La première Rose, une jeune serveuse de 16 ans, est en mesure de démolir l'alibi que s'est forgé la bande de Pinkie. Pour la faire taire, Pinkie entame alors une relation avec elle… La seconde Ida Arnold, une femme qui a un peu flirté avec l'employé du journal juste avant sa mort, ne croit pas, contrairement à la police, qu'il s'agit d'un décès accidentel. Elle est donc bien décidée à faire éclater la vérité…

Roman écrit par Graham Greene en 1938, Rocher de Brighton était initialement un roman policier. Mais Graham Greene l'a réécrit et n'a finalement conservé que les cinquante premières pages de son récit policier. Dans la préface de la collection Pavillons poche, Graham Greene, qui devait tenir le roman policier pour un genre mineur, déclare même qu'il a regretté avoir conservé ce début de roman. J'imagine qu'en refusant l'étiquette de roman policier, il rejette l'intrigue au second plan. Il est vrai que nous savons dés le début qui a tué. Il n'y a pas dans ce roman d'énigme à résoudre. Mais ce qui intéresse Graham Greene est plutôt le destin de ses personnages : celui de Pinkie qui incarne le mal et celui de Rose, l'innocence et l'aveuglement, mais un aveuglement choisi.

Les deux personnages principaux du roman, Pinkie et Rose, sont catholiques. Ils ne vont pas à la messe mais croient tous les deux, elle au ciel et lui à l'enfer et la damnation, tandis qu'Ida ne croit qu'au surnaturel et aux superstitions. J'avoue que le rapport à la religion de Graham Greene m'échappe un peu. Il fait de la croyance de Pinkie ce qui l'entraîne toujours plus loin dans le mal. Il fait même dire à un prêtre qu'”un catholique est plus capable que quiconque de faire le mal”, car les catholiques sont “plus en contact avec le diable que les autres gens”.

Le rapport à l'amour et à la sexualité des deux personnages principaux est également un peu étrange. Chez Pinkie, il y a un traumatisme de l'enfance, celui d'avoir assisté aux ébats de ses parents. Et pour Rose, il y a l'idée de devenir, grâce à la nuit de noces, une femme à part entière, l'égale de sa mère, une femme libre, même s'il faut en payer le prix par un mauvais moment à passer.

Le langage parlé domine le roman. Mais entre deux dialogues, s'intercalent un récit et des descriptions écrits dans une langue belle et étrange à la fois, tant les images de Graham Greene sont singulières.

Je ne saurais dire si j'ai aimé ce roman. Je l'ai trouvé excellent, mais je ne me suis pas sentie de grandes affinités avec l'univers de Graham Greene. Je suis malgré tout décidée à le lire de nouveau…
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Citations et extraits (34) Voir plus Ajouter une citation
Il referma ses doigts sur le poignet de Rose : "Oie blanche" répéta-t-il. Il se mettait peu à peu en colère, il lui montait une petite rage sensuelle, comme celle que jadis il ressentait contre les gosses faibles, à l'école communale. "Tu ne sais absolument rien" dit-il, ses ongles devenant méprisants. Il lui pinça le poignet au point que ses ongles se rejoignaient presque. Tu veux que je sois ton petit ami, hein ? On sortira ensemble ?
_ Oh ! oui, dit-elle. J'aimerais tant ça."
Des larmes d'orgueil et de souffrance montèrent à ses paupières.
"Si tu aimes cela, dit-elle, continue."
Le Gamin la lâcha.
"Ne sois pas si gourde, dit-il. Pourquoi aimerais-je cela ? Tu crois savoir trop de choses, ma petite" ajouta-t-il avec lassitude.
Il était là, immobile, la colère au ventre comme un charbon ardent, quand la musique se remit à jouer; tous les bons moments qu'il avait passé autrefois à manier des clous et des planches, les trucs qu'il avait appris à faire plus tard avec une lame de rasoir, où serait le plaisir si les gens ne criaient pas ? Il déclara avec fureur : "Nous partons. J'en ai marre de cette boîte !"
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- Corruptio optimi est pessima.
- C'est-à-dire, mon père?
- Je veux dire : un catholique est plus capable que quiconque de faire le mal. Je crois que peut-être - parce que nous croyons en lui - nous sommes plus facilement en contact avec le diable que les autres gens. Mais nous avons l'espérance, ajouta-t-il mécaniquement, l'espérance et la prière.
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"_ Je vous répète, Mrs. Arnold que cette affaire est close.
_ Elle est loin de l'être. Nous nous reverrons."
De la porte, elle regarda une fois encore derrière son bureau l'homme vieillissant et le menaça de son impitoyable vitalité.
"_ Ou peut-être qu'on se reverra même pas ! Je suis de taille à diriger ça à ma façon. Je n'ai pas besoin de votre police...J'ai mes amis."
Ses amis... Il y en avait un peu partout sous la lumière fluide de Brighton. Ils suivaient docilement leurs femmes dans les poissonneries, ils portaient les seaux des enfants sur la plage, ils rôdaient autour des bars en attendant l'heure de l'ouverture sur la jetée. Pour deux sous, ils regardaient par la fente d'un Kinérama : "une nuit d'amour." Elle n'aurait qu'à faire appel à l'un deux, car Ida Arnold était du bon bord. Elle était gaie, elle était bien portante, elle était capable de prendre une petite cuite avec les meilleurs d'entre eux. Elle aimait s'amuser, sa grosse poitrine proclamait franchement le long de l'Old Steyne, sa charnelle générosité, mais l'on avait qu'à regarder Ida pour savoir qu'on pouvait compter sur elle. Ce n'est pas elle qui irait raconter des histoires à votre femme, elle ne vous rappellerait pas, le lendemain matin, les choses que vous préférez oublier, elle était honnête, elle était bienveillante, elle appartenait à la grande classe moyenne respectueuse des lois.
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"_ Vous n'avez pas encore eu beaucoup de filles, n'est-ce-pas ? dit-elle.
_ Mais si, j'en ai eu ! Mais écoute...
_ Moi, vous êtes mon premier, je suis bien contente..."
Lorsqu'elle eut dit cela, il se remit à la détester. Elle n'était même pas une chose dont il pût être fier. Son premier. Il n'avait volé personne, il n'avait pas de rival, personne d'autre ne la regardait. Ni Cubitt, ni Dallow ne lui auraient accordé un coup d'oeil : ses cheveux naturels et sans couleur, sa simplicité, les vêtements bon marché qu'il sentait sous sa main. Il la haïssait comme il avait haï Spicer et cela le rendit circonspect; il lui pressa les seins gauchement de ses paumes...et il pensa : "Ce ne serait pas aussi moche si elle était un peu pomponnée, un peu de fard et de henné; mais en être là : le plus pauvre, le plus jeune, le plus inexpérimenté des jupons de tout Brighton : être en son pouvoir, moi !".
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Il appuya sur celle de Rose sa dure bouche puritaine et, de nouveau sentit l'odeur douceâtre de la peau humaine. Il ferma les yeux et quand il les rouvrit, ce fut pour voir qu'elle attendait, comme une aveugle, d'autres aumônes. Il fut choqué de ce qu'elle était incapable de percevoir sa répulsion. Elle dit :
"_ Vous savez ce que ça veut dire ?
_ Qu'est-ce que ça veut dire ?
_ Ca veut dire que je ne vous abandonnerai jamais, jamais, jamais."
Elle lui appartenait, comme une chambre ou comme une chaise; gêné, secrètement honteux, le Gamin réussit à fabriquer un sourire pour en faire don à ce visage aveugle.
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Sa vie croise celle de Joséphine Baker qui l'emmène, avec sa Revue nègre, à Paris où l'amitié qu'il scelle avec l'écrivain-espion Graham Greene les entraîne dans une périlleuse expédition en Afrique. Ils iront jusqu'à Monrovia, capitale du Liberia, sur les traces de Julius Washington, l'arrière-grand-père de Jules, premier grand reporter photographe noir américain. Alors que de nouveau une guerre s'annonce, Jules s'installe à Mamba Point, dans la maison de Julius, l'homme qui a tenté de révéler la véritable histoire de ce pays : celle de ces esclaves affranchis envoyés en Afrique pour bâtir une nation libre. Un rêve devenu cauchemar.
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