Achille Talon - 16/22, tome 4 : L'ABC de la B.D.

Encore une leçon de choses ! me direz-vous.
N'y avait-il pas eu assez du roman vrai des bandes-dessinées que Remo Forlani écrivit, en 1961 dans le journal d'Astérix et Obélix ...
N'y avait-il pas eu assez de "la bande-dessinée de A jusqu'à Z", ce talentueux numéro spécial de "Pilote" paru en mars 1965 ...
N'y avait-il pas eu assez, dans la rubrique à brac, de toutes ces leçons du maître Gotlib ...
Bien sûr, Duc semblait avoir fait le tour de la question avec "L'art de la BD" ...
Jacques Sadoul semblait avoir dressé un édifiant panorama de 93 ans de bande-dessinée ...
Gérard Blanchard semblait avoir, de la préhistoire à nos jours, écrit une histoire des histoires en image ...
Il semblait que tout avait été dit !
Mais c'était sans compter sur l'homme de qualité.
Car lorsque tout a été dit, ce qu'il reste à dire est dit par Achille Talon !
Et "premier congrès des ennemis de la bande dessinée" oblige, celui-ci part guerroyer pour une noble cause.
Il va mettre le nez, qu'il a fort, dans une conjuration sournoise.
Il va se déployer dans "l'ABC de la BD" ...
Ce numéro inédit de la collection "16X22", paru en 1978, chez Dargaud est un véritable petit bijou.
Hop !
Il est fait de planches extraites du journal "Pilote", d'humour et d'ironie.
On l'aura compris, l'ouvrage est consacré à la bande-dessinée.
Et s'il faut parler de BD, autant être verbeux !
"L'homo dessinatans" est Greg.
Il mérite qu'on médite un instant sur son cas !
Car, caricature et schizophrénie obligent, il devient, pour quelques planches, un personnage créé par son propre personnage ...
Mais qui, par contre, peut bien être ce petit rédacteur en chef irascible et teigneux ?
Ne comptez-pas sur moi pour quelque dénonciation que ce soit !
Bref !
"L'ABC de la BD" est une somme !
Un cuistre de service aurait perfidement laissé filtrer l'opinion que la bande-dessinée serait une sous-littérature rudimentaire à bon marché pour paresseux.
Le cuistre !
Achille entend bien prouver ici que le neuvième art est le premier ...

Achille Talon fait sûrement partie du patrimoine génétique de tout bédéphile, de sa mémoire collective.

Mais il en va de ce héros comme de toute chose dans la vie. On accroche ou pas.

Personnellement, je n'ai jamais trop accroché. Les gags en quelques planches (surtout au format 16x22), c'est soit trop long, soit trop court. 3 cases comme les Peanuts ou Calcin et Hobbes, personnellement, cela me scotche toujours. Et les longues histoires à la Benoit Brisefer ou Spirou et Fantasio, cela permet des développements, un récit, de la tension. A la rigueur, une planche, comme Gaston Lagaffe.

Mais le format Achille Talon, je suis mal à l'aise.

Pourtant il y a du bon, du très bon même. Ici, c'est bien vu de Greg, Achille Talon s'attelle à décrypter, démystifier les fils, les trucs et ficelles de la B.D., et cela fonctionne mieux que d'habitude. Il y a de grands moments. Je pense à "Au fond..." qui est un petit bijou d'humour non-sens où Achille Talon se balade dans des cases vides et commente, retourne le cadre de sa case, tâte son phylactère... Cette dérision est bienvenue, et bien vue. Idem pour "Débats en haut" où le décor, c-à-d les cases s'écroulent alors que Talon en teste la solidité (ou la critique plutôt). Ou encore "Il est gonflé", où Achille Talon nous donne une leçon de création de B.D. ...

Mais souvent, ce qui cloche (pour moi) c'est le gag ultime, la chute, la dernière case... qui n'est pas à la hauteur, pas aussi percutant, que le reste. Et on se dit souvent "tout ça pour ça".