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Sylvie Cohen (Traducteur)
EAN : 9782020147231
408 pages
Seuil (01/03/1999)
3.76/5   19 notes
Résumé :
1967. Beit-haKerem, un quartier populaire de Jérusalem. L'Histoire et les canons de la guerre des Six Jours résonnent au loin mais Aharon Kleinfeld, cet adolescent qui vient de fêter sa bar mitzvah, ne peut plus les entendre. Il a déjà effectué ce repli sur lui-même qui le coupe du monde extérieur oppressant. Solitaire, introverti, ce second enfant d'une famille de réfugiés juive-polonaise refuse tout simplement de grandir. En marge des péripéties de l'Histoire, deu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Aharon va mal, Aharon ne grandit pas. Il ne veut pas grandir non plus.

Il se mure en lui-même pour ne pas voir les corps envahissants des autres: celui de son père, le géant sensuel, l'ogre Moishé que deux femmes convoitent et se disputent à coup de nourritures gargantuesques et de murs effondrés. le corps maternel, aussi, possessif, et protecteur- celui de Hinda, la mère, qui le couve d'un regard inquisiteur et inquiet. le corps épaissi de sa soeur, Yochi, boulimique, solitaire et révoltée, qui étouffe tellement dans la maison familiale qu'elle devance l'appel et part à l'armée tandis que gronde la menace de plus en plus précise de la guerre des Six Jours. le corps de Mamtchu, enfin, la grand'mère polonaise, à la natte coupée, à la langue interdite, à la tête troublée, corps en déroute- de plus en plus fragile- mais qui refuse de mourir.

Dans un dégoût profond de toute cette chair, avide de plaisir, de nourritures terrestres et de sensations, Aharon refuse.

De parler, de manger, de respirer, de laisser son sang couler, de laisser ses excréments sortir de lui. Il se mure, c'est même son jeu préféré: jouer à Houdini, s'enfermer, lui, si petit qu'on le prend pour un gosse de 10 ans quand il en a 14, dans un petit frigidaire en conservant un clou, une lime, une lame dissimulés dans ses ourlets, pour le sauver in extremis de la claustration volontaire...

Les troubles de la puberté, réactivés par sa première histoire amoureuse, et son amitié exclusive et tourmentée pour Gidéon, son seul ami- et son rival- transforment bientôt cette adolescence problématique en torture. Gehine-gehinem, en yddish: la géhenne, les enfers...

Grossmann s'était fait femme dans "Une Femme fuyant l'annonce". Dans "le Livre de la grammaire intérieure", il se fait adolescent tourmenté- halushes, bok, meshigener...Faible, stupide, fou, dingue - mais surtout : malheureux.

Moins magnétique que "Une femme fuyant l'annonce", difficile à supporter parfois tant on est conduit à vivre de l'intérieur et jusqu'à la nausée le malaise de Aharon "aharoning " jusqu'au désastre- c'est , malgré cette difficulté, et même plutôt à cause d'elle, un livre extraordinaire de finesse, de justesse, de sensibilité, d'empathie - et même d'humour aussi ,mais le malaise du héros est trop grand pour nous arracher un vrai sourire, et sa souffrance est trop poignante.

Cette "grammaire intérieure" trouve sa langue: la phrase est sinueuse, complexe, entortillée sur elle-même comme un tas de viscères, une vraie "période" dont on doit sortir parfois en respirant un grand coup, comme après un plongeon prolongé...

Un livre superbe, douloureux, intérieur... un cri sans cordes vocales qui résonne en nous longtemps, cruellement...
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Aharon a douze ans , il habite à Jérusalem , le roman se déroule jusqu'à son quatorzième anniversaire de 1965 à 1967 .
c'est un enfant solitaire qui ne veut pas grandir , qui refuse le monde des adultes et ' leur grammaire ' c'est-à-dire leurs règles , il se réfugie dans un monde imaginaire , sa grammaire intérieure .
Aharon passe du statut d'enfant à celui d'adolescent un peu en retard par rapport à ses copains , il souffre de la situation car tous ses amis ont une petite amie et ils ne se comprennent plus mutuellement .
Je n'ai pas aimé ce livre qui ne m'a paru jamais décoller mais j'ai malgré tout fait une seconde tentative avec l'auteur et cette fois ce fut une heureuse rencontre avec ' Une femme fuyant l'annonce ' qui est un petit bijou de sensibilité .
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Après avoir été complètement captivée par une femme fuyant l'annonce, je me réjouissais de lire un livre du même auteur. Je dois dire que j'ai été un peu déçue avec celui-ci... En fait, j'ai eu un peu de peine à entrer dedans, tout en attendant fébrilement le moment où cela arriverait. Mais non.
Il y a bien eu des passages où j'ai eu du plaisir mais finalement assez peu, vu le nombre de pages (510). Je sors donc de cette lecture un peu sur ma faim.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Une fois cependant, il eut l'impression que le mécanisme se grippait : il était seul à la maison avec maman Brusquement, elle se précipita vers lui, que se passe-t-il, qu'est-ce que j'ai encore fait, le prit dans ses bras et l'embrassa si fort qu'il crut que ses os allaient se briser. Elle ne le faisait que très rarement quand il n'était pas malade. Elle lui prit le menton d'une main tremblante et attira sa tête vers elle. Voyant que ses yeux étaient remplis de larmes, il prit peur, elle ne pleurait jamais en public, elle se mordit violemment les lèvres mais ce fut plus fort qu'elle et elle éclata : nous avons assez souffert, balbutia-t-elle, Maître du monde, nous avons payé au centuple, si seulement ce que nous endurons avec mamtchu pouvait tout effacer et que les choses s'arrangent après..., effrayé par l'exaltation qu'il décelait dans sa voix, Aharon appuya son menton au creux de la main de sa mère, laquelle monologuait en réalité, elle saisit son visage entre ses doigts durs et, sans ménagement, elle le força à incliner la tête comme si c'était une pièce à conviction dans un procès ou une tractation, il aurait donné cher pour disparaître, la détresse qu'il perçait dans sa voix le troublait, et il était mal à l'aise qu'on lui eût permis à lui, un enfant, d'assister à un obscur phénomène, aux arcanes du réglement de comptes familial avec le destin.
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Il se reprit à se demander ce qu'il éprouverait dans très peu de temps, dans une année et demie environ, disons à la veille de sa bar mitzvah, quand il aurait lui aussi le corps couvert de poils noirs et drus, peut-être seront-ils dorés, puisqu'il est blond, mais drus quand même, comment est-ce que ça commence, quand ça vous arrive, y a-t-il une force invisible qui les fait pousser de l'intérieur, exactement comme on presse une figue de Barbarie pour l'extraire de son écorce, avec les pouces, est-ce que ça fait mal, il se jura que, quand il serait adulte, grand et poilu, avec une peau dure et rugueuse comme son père, il se rappellerait l'enfant qu'il était maintenant, il le graverait au fond de sa mémoire, parce qu'il y a peut-être des souvenirs qui s'oublient quand on devient grand, des choses indéfinissables, mais il y a sûrement un je-ne-sais-quoi qui rend tous les adultes semblables, pas physiquement, bien sûr, ni moralement, un je-ne-sais-quoi qui existe chez tous, qui concerne tout le monde, à quoi tout le monde obéit, et quand Aharon sera comme ça, grand comme eux, il se répétera au moins une fois par jour : I am ju-mping, I am fly-ing, I a aharoning ; et, de cette façon, il se souviendra que, sous les généralités, il y a quelque part un Aharon spécial.
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...ça s'enroulait autour de lui, ça l'enveloppait comme une syncope, un habit magique qui se dissoudrait dans sa peau et se consumerait sans bruit, ce n'était pas désagréable, il savait par avance que seule la mort était juste, le reste n'était que mensonges, ne te réjouis pas de cette découverte, elle ne t'appartient pas, fourre-la dans ta poche, motus et bouche cousue. Quand la première vague de douleur le submergea, il se sentit presque soulagé. Il était encore vivant.
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Il faut tellement d'intelligence et de circonspection pour ne pas proférer une seule parole blessante, humiliante, par exemple, quand maman avait dit aux femmes qu'elles avaient de la chance de ne pas avoir de filles, comme par hasard, elle avait choisi le moment précis où Rivché, la mère de la pauvre Lealé, entrait dans la cuisine. C'était une petite attention de rien du tout mais il y avait plein de minuscules flèches dans l'air, des phrases décochées qui retombaient par terre avant de se désintégrer en mille morceaux venimeux, des compliments à double fond, des regards cordiaux, lourds de secrets partagés, des mots soigneusement, tacitement contournés, le voile se déchirait à présent, il était fasciné, submergé de tendresse.
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...il la regardait danser, lui faire miroiter devant les yeux les secrets d'un monde qui lui était entièrement fermé, et son âme se recroquevillait à la pensée que Gidéon et Yaeli auraient à leur tour, un jour, de tels souvenirs, une telle gaieté, grâce à leur enfance, aux camps, aux excursions, aux danses, voire à leurs disputes idiotes, et que lui - quoi lui, comme ses parents. Laissé-pour-compte. Aharoning.
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