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EAN : 9782021224801
228 pages
Seuil (20/08/2015)
3.51/5   138 notes
Résumé :
Sur la scène d’un club miteux, dans la petite ville côtière de Netanya, en Israël, le comique Dovale G. distille ses plaisanteries salaces, interpelle le public, s’en fait le complice pour le martyriser l’instant d’après. Dans le fond de la salle, le juge Avishaï Lazar, un homme qu’il a convié à son one man show − ils se sont connus à l’école −, écoute avec répugnance le délire verbal de l’humoriste.
Mais peu à peu le discours part en vrille et se... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (45) Voir plus Ajouter une critique
3,51

sur 138 notes
Netanya, une ville côtière d'Israël.
Un bar miteux et un one-man show encore plus miteux. Dovalé G.,mi-clown,mi-showman, comique vieillissant, se déchaîne sur scène, entre blagues racistes et déplacées, obscénités provocatrices et vraies ou fausses confidences intimes, face à un public hétérogène, tour à tour hilare, agacé, scandalisé,ennuyé. Parmi les spectateurs, Avishai Lazar, juge à la retraite. Apparemment ils se connaissent d'antan, et ce dernier n'est pas là par pur hasard.Il l'a invité à venir voir son show à ses frais,et voudrait par la suite, s'il le souhaite, qu'il lui passe un coup de fil et lui dise ce qu'il a vu. C'est tout. Mais en faite ce n'est pas tout........("Pourquoi a-t-il insisté pour que je vienne? A quoi ca sert d'embaucher un tueur à gages? A mon avis, il se débrouille plutôt bien tout seul").
Une histoire qui débute de la sorte et une prose qui accompagne merveilleusement bien ce déchaînement, ne pouvaient que m'emballer ("Maigres applaudissements,il passe à la vitesse supérieure.").

Dans une mise en scène qui enrobe en réalité toute une autre histoire ( "l'homme est loin d'être un débile" ), Dovalé sur scène, joue sa vie. Un homme au physique ingrat qui brille d'intelligence et de lucidité. "Cet homme qui n'est ni beau, ni séduisant, ni fascinant réussit à viser le point précis où les êtres humains se muent en racailles".
Grossman m'a épatée avec sa fine et subtile analyse de l'âme humaine exposée jusqu'à ses côtés les plus vils, qu'il nous offre dans un scénario époustouflant.
L'auteur touche aussi dans ce contexte, une dimension psychologique trés intime et profonde, qui se révélera peu à peu; Celle "d'une compréhension profonde et immédiate " qui peut s'installer entre deux êtres qui n'ont aucun lien de parenté et autres et peut rester intacte comme par magie même après de très longues années de séparation . Et dans ce cas,ce quelque chose de très particulier que chacun possède, seule et unique, qu'on pourrait appeler l'essence même de notre personne est révélée à l'autre. Et ici surprise avec Dovalé ....

Ce livre,à mon avis, ne peut être jugé, aimé ou pas aimé que dans son contexte, celui d'un pays constamment en guerre où la mort est le lot du quotidien, d'un peuple très divisé entre eux, et uni uniquement en présence d'un ennemi commun et des individus qui trainent presque toujours un lourd passé .....Et malheureusement les terribles blagues de Dovalé sur les Arabes, si on peut les appeler blagues, font parties de la triste vérité, allant de paire avec la méchanceté humaine, universelle, sans âge , qui n'épargne que les "forts".....Grossman,homme de gauche,pacifiste,qui rejoint dans ses idées politiques Amos Oz et Abraham Yehoshua, ne se prive pas de piques politiques entre les lignes.

Un livre que j'ai dévoré. Dovalé, malgré son côté grotesque et sans-gêne qui met mal à l'aise, est un personnage complexe doté d'une intelligence et d'une sensibilité particulière, qui m'a profondément touchée....et m'a fait rire.Et bravo à la traduction !
P.s.Ce livre vient d'emporter le prix littéraire pour le meilleur oeuvre littéraire traduit en anglais, "Man Booker Prize 2017".

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A Netanya, petite ville côtière d'Israël, le comique Dovalé G. s'apprête à investir la scène d'un cabaret de seconde zone. Le public est venu pour passer du bon temps et le showman vieillissant veut leur en donner pour leur argent, même s'il a prévu un spectacle un peu différent de ses prestations habituelles. Dans la salle, invité exceptionnel, le juge à la retraite, Avishaï Lazar se demande ce qu'il fait là, lui qui vit en ermite depuis le décès de sa femme. Il ne sait pas encore que celui qu'il a connu alors qu'ils étaient adolescents lui réserve le récit de sa vie, une confession sans compromis, sans faux-semblants. Tour à tour drôle, cynique, insolent, agressif, Dovalé raconte un adolescent fluet, souffre-douleur de ses camarades, à qui, alors qu'il est loin de chez lui dans un camp d'entraînement militaire en plein désert, on annonce la mort de l'un de ses parents sans lui préciser lequel. Commence alors un long voyage jusqu'à Jérusalem durant lequel il prend des paris sur l'identité du défunt, en subissant les blagues que lui raconte son chauffeur.
Tandis que le public siffle, hue, applaudit, verse une larme ou quitte la salle, sur scène se joue le drame d'un clown qui tombe le masque.

Qu'il est dérangeant ce clown triste, cet homme qui met son âme à nu, se donne en spectacle. Quand le public quitte la salle, le lecteur reste, accroché, ferré par la violence et l'intensité de ce qui se joue sur scène. Derrière l'homme vieillissant, à bout de souffle, Dovalé nous laisse apercevoir les souffrances d'un enfant qui marchait sur les mains pour voir la vie autrement. Autrement que par le prisme de la Shoah dont le souvenir détruisait sa mère à petit feu, autrement que par la violence du père, autrement que par l'annonce d'une mort, un jour funeste, au fin fond du désert. Comme bien des comiques, Dovalé rit et fait rire pour ne pas pleurer... Et si le public déserte peu à peu la salle, c'est parce qu'il veut rire aussi et non pas être confronté à ses peurs, ses douleurs, ses bassesses, ses trahisons. Ceux qui restent ont le courage de regarder l'homme nu et de se regarder en face. Le juge est de ceux-là. Ovaldé est le symbole des petites lâchetés qu'il avait enfouies dans sa mémoire et qui lui reviennent de plein fouet. C'est peut-être pour lui l'occasion de se remettre en question et, pourquoi pas, de se racheter.
Un livre choc, coup de poing, tout en tension, avec derrière les éclats de l'acteur, cette lancinante question : qui est mort ? Partie intégrante du public, le lecteur n'échappe pas aux filets d'Ovaldé qui le tient en haleine, rageur, hargneux, pathétique aussi, et qui lui demande : ''Qu'auriez-vous vous fait à ma place ? Quelles auraient été, pour vous, les conséquences de cette angoissante incertitude ? Qui auriez-vous voulu mort de votre père ou de votre mère...?''
Un cheval entre dans un bar et commande un whisky....Et on l'accompagne pour se remettre de cette lecture qui se lit d'une traite, qu'il FAUT lire d'une traite pour vivre en temps réel ce spectacle qui explore l'âme humaine. Un texte dérangeant, exigeant, puissant.
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Un homme seul, sur la scène d'un club banal, dans la petite ville côtière de Netanya, en Israël, énonce des plaisanteries douteuses, interpelle crûment le public, débite des histoires apparemment sans queue ni tête, livre des confidences familiales, des réflexions impromptues à propos de la Shoah, de la mort, de la religion.....c'est Le comique Dovalé.G.
Dans le fond de la salle,le juge Avishaï Lazar, qu'il a convié à son one man show, assiste à cette sorte de performance sur scène, écoute, fasciné, cette loghorrée verbale invraisemblable.....
Dovalé. G est seul face à une foule de curieux, serveuses en short qui passent de table en table, motards, couples, femmes seules, un public tour à tour agacé, désarçonné, désorienté, hilare, qui s'ennuie parfois, scandalisé aussi par cette histoire sans fin, entre inconscient et réalité, sentiments violents et actes qui n'aboutissent pas.....
Un récit vibrant, porté par un souffle puissant oú Dovalé.G se met à nu, exhume avec force ses souvenirs refoulés, enchaîne divers registres, tour à tour drôle, exigeant, sérieux, tragique, soudain emporté puis ....comme absent, pour repartir de plus belle ....
Les drames affleurent derrière les récits et la captation de bribes d'histoire....On le devine....L'humour et une profonde dérision infiltrent les épisodes les plus poignants, les plus marquants ....Il faut le lire d'une traite!
Original et Puissant !
Un auteur dont je n'ai pas oublié "Une Femme Fuyant L'annonce" en 2011.
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Pour son huitième roman traduit en français, « Un cheval entre dans un bar », David Grossman, grande figure de la littérature israélienne, nous offre un one-man show

Tout commence par un coup de téléphone d’un ami d’enfance qu’il avait complètement oublié. L’ancien juge, Avishai Lazar, reçoit l’invitation à assister à une soirée de stand-up. « Quelle impression a-t-on quand on me voit ? Qu’est-ce que les gens perçoivent en me regardant ? Qu’est-ce qui émane de moi ? » telles sont les demandes qu’Avishai reçoit de son ancien ami Dovalé.
Cruel et tendre à la fois ce nouveau roman original écrit comme un long monologue, même si le narrateur est le juge Lazar, parle une nouvelle fois de la perte et du deuil. Tout au long de la soirée dans ce petit cabaret minable de Netanya, petite ville côtière du centre d’Israël, Dovalé sur scène et Avishai dans la salle reconstruiront partiellement leur vie.
Comme dans tous ses romans, Grossman raconte à travers ses personnages les difficultés de la vie Israélienne où le poids de la tragédie de la Shoah, la violence de la guerre, le terrorisme et la confrontation avec la mort, mais aussi la morale et l’humanisme, sont omniprésents. Les questions posées par Dovalé sont les même qu’Israël se fait. « Quelle impression a-t-on quand on me voit ? Qu’est-ce que les gens perçoivent en me regardant ? Qu’est-ce qui émane de moi ? ». Et à l’image des spectateurs de la soirée un certain nombre reste jusqu’au bout et accepte leur responsabilité.

Un livre drôle, triste, tendre, violent. Un très bon Grossman.

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Me voilà bien embêtée avec ce roman. J'ai aimé et je n'ai pas aimé tout à la fois. Est-ce possible se demanderont les sceptiques ? Faut croire vous répondrais-je.

Commençons par ce que j'ai aimé : le sujet du roman et les personnages. Un juge à la retraite, veuf austère peu sympathique de premier abord, assiste au One man show d'une de ses anciennes connaissances, Dovalé G, dans un bar miteux de la côte israélienne. N'ayons pas peur des mots, ils se sont clairement perdu de vue et surtout Avishai (le juge) n'était pas spécialement emballé à l'idée de revoir ce « pote » dont il se rappelle si peu. Mais dans un élan de compassion, Avishai accepte ce rendez-vous quelque peu « forcé ». Dovalé quant à lui est un comique vieillissant, adepte du stand up, qu'une poignée de personnes sont venues voir, espérant se payer la bonne tranche de rigolade de la semaine. Force est d'admettre qu'ils déchantent assez rapidement car Dovalé entend remanier son One man show d'une façon très personnelle : les spectateurs, dont Avishai, assistent médusés à une introspection haute en couleurs au cours de laquelle notre comique révèle les profondes blessures de son enfance et adolescence. Ce déballage impudique, sorte de confession amère, indispose, choque, interpelle le public et l'émeut tout à la fois. Un cheval entre dans un bar est donc le récit de cette confession, celle d'un homme qui derrière le masque de comique corrosif, cache une profonde souffrance liée à un passé familial douloureux ancrant ses racines dans le drame de la Shoah. le roman commencera avec le spectacle et finira avec lui, le temps de quelques heures. Dovalé tout à la fois fait le pitre, agresse son public, alterne phases d'humour salace et phrases bien senties, montre tout à la fois le masque de clown triste et celui de comique enflammé. Vous l'aurez compris, j'ai trouvé le personnage de Dovalé attachant et l'histoire avait un réel potentiel. Mais…

…Ce que je n'ai pas aimé : la forme comme souvent. Pourtant, on sent que David Grossman a mis toute son énergie à restituer la fougue et la kyrielle d'émotions contradictoires qui alternent à un rythme infernal. Décrire les changements subits opérés par Dovalé (physiquement notamment), le ressenti d'Avishai, celui du public qui diffère de minutes en minutes, hésitant entre incompréhension, rejet et compassion. Oui mais j'ai senti un David Grossman dépassé par l'ampleur de la tâche, comme devancé par son ambition. Et par conséquence j'ai moi-même été larguée par le style, trop chaotique.

L'exercice mérite néanmoins le coup d'oeil et David Grossman reste un auteur de talent.
Lien : http://www.livreetcompagnie...
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critiques presse (6)
LaPresse
12 novembre 2015
De cette soirée avec Dovalé, on ressort meilleur, certain qu'il suffirait parfois de si peu pour éviter tant de souffrances humaines.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Telerama
30 septembre 2015
L'écriture, marquante, se lit avec curiosité.
Lire la critique sur le site : Telerama
LaLibreBelgique
24 septembre 2015
Sous ces dehors de farce pathétique, c’est de la vie que parle ce roman, de notre incapacité à comprendre la douleur des autres, de ces traumatismes qui changent une vie.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Liberation
07 septembre 2015
On ne connaîtra pas la chute de l’histoire. Mais un peu celle de l’humoriste, du narrateur et de leur patrie.
Lire la critique sur le site : Liberation
LePoint
14 août 2015
Dans Une femme fuyant l'annonce, David Grossman montrait une mère aux abois, quittant Jérusalem dans l'espoir confus que, grâce à sa disparition, la vie de son fils parti à la guerre serait épargnée. [...] Un cheval entre dans un bar peut se lire comme un contre-point. Il se tient cependant sur la même ligne de crête, dans le même tremblement, entre le désir de la fuite et la certitude de la catastrophe. Il a assurément autant de force et autant de beauté.
Lire la critique sur le site : LePoint
Liberation
11 août 2015
Un cheval entre dans un bar : ce titre sonne comme le début d’une histoire drôle et c’est précisément de cela qu’il s’agit.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Vous connaissez tous cette situation : vous chopez une saloperie vraiment sérieuse, qui se développe et dégénère, et là tout le monde vous dit que c'est pas si grave, au contraire. Chacun a entendu parler de l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui vit très bien avec une sclérose en plaques ou un cancer depuis vingt ans déjà, et qui s'éclate dans l'existence ! Même que ça a amélioré sa vie ! Et on cherche tellement à te convaincre que c'est bon, super, génial, que tu en viens à penser : quel idiot j'ai été de ne pas attraper cette sclérose en plaques plus tôt ! Quelle vie de dingue j'aurais pu avoir elle ! Quel duo merveilleux nous aurions formé !
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Je me dis : si un quelconque scientifique israélien, juste pour donner un exemple, découvrait un remède contre le cancer, hein ? Un remède qui pourrait éradiquer une fois pour toutes la maladie, eh bien je vous garantis à mille pour cent que des voix s’élèveraient aussitôt dans le monde entier, qu’il y aurait des protestations et des manifestations et des votes à l’ONU et des articles dans la presse européenne : pourquoi s’en prend-on comme ça au cancer ? Et pourquoi aussitôt l’« éradiquer » ? Pourquoi ne pas tenter la voie du compromis ? Pourquoi le recours immédiat à la force ? Et si nous restions droits dans nos bottes d’abord, juste pour voir, et que nous acceptions le cancer dans sa différence, que nous acceptions de nous mettre à sa place pour voir comment il vit, lui, la maladie ? N’oublions pas qu’il a aussi des aspects positifs. C’est un fait, beaucoup de gens vous diront que le cancer les a rendus meilleurs ! Sans oublier que la recherche sur le cancer a eu des effets collatéraux sur le développement de médicaments pour d’autres pathologies, et maintenant tout ça va s’arrêter, et être « éradiqué » en plus ! Donc, aucune leçon n’a été tirée du passé ? Aucun souvenir des « années de tourmente » ? Justement, poursuit-il avec un air pensif, qu’y a-t-il au fond chez l’homme de supérieur au cancer qui lui donne le droit de l’« éradiquer » ? P.25
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Vous connaissez l’histoire de la femme qui arrive au funérarium pour voir une dernière fois son mari avant qu’on l’enterre ? Le croque-mort lui montre le corps, et voilà qu’on l’a habillé d’un complet noir. C’est pas dans nos traditions, cette plaisanterie - il lève un doigt-, c’est un truc piqué aux chrétiens. La femme se met à chialer : « Mon James aurait tellement voulu être enterré dans son costume bleu ! » Le croque-mort répond : « Voyez, madame, nous les enterrons toujours en noir, mais revenez demain, on verra ce qu’on peut faire. » Elle revient le lendemain et l’employé des pompes funèbres lui montre James revêtu d’un splendide costume bleu. La femme, éperdue de reconnaissance, lui demande comment il a réussi à obtenir précisément ce vêtement. Réponse de l’employé, écoutez bien : « Hier, dix minutes après votre départ, on a apporté un autre macchabée, plus ou moins de la taille de votre époux, en costume bleu, et sa femme m’a confié que le rêve de son mari était d’être enterré en noir. Parfait, la veuve de James, émue jusqu’ aux larmes, remercie encore une fois le croque-mort. Elle lui glisse un pourboire généreux. « Facile, lâche l’employé, il ne restait plus qu’à intervertir les têtes. »
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Non mais, soyons sérieux ! s’écrie-t-il en accélérant encore d’un cran son débit. Vous savez ce que ça représente aujourd’hui d’entretenir une âme, une conscience ? Attention, article de luxe ! Faites le compte et vous verrez que cela revient plus cher qu’un SUV ! Et je vous parle d’une âme, d’une conscience normale, pas de celle de Shakespeare, Tchekhov ou Kafka. À propos, c’était de la bonne qualité, du moins c’est ce qu’on m’en a dit, parce que moi, personnellement, je n’ai rien lu de ce qu’ils ont écrit.
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OK, papa dit qu’il faut pas marcher sur les mains, alors je le fais plus. Mais aussitôt je pense : et maintenant qu’est-ce que je fais ? Comment je tiens, moi ? Vous m’avez compris ? Comment je sauve ma peau ? Comment je fais pour ne pas mourir si je me remets à l’endroit ? C’est comme ça que ça se passait dans ma tête agitée. Bon, très bien, il veut me voir marcher comme tout le monde ? Je ferai comme il veut, on ira sur les deux pieds, pas de problème. Mais alors je vais avancer comme une pièce d’un jeu d’échecs, vous voyez ce que je veux dire ?
L’assistance le regarde, interloquée, en cherchant à comprendre où il l’embarque.
Un exemple – il glousse et nous invite par une mimique compliquée à rire de conserve. Un jour, je marchais du matin au soir, toute une journée, en diagonale comme le fou. Un autre jour, j’avançais tout droit, comme la tour. Un autre jour, je sautais comme le cheval, tic-tac, de-ci de-là. Et les gens que je croisais, je les considérais comme des adversaires aux échecs. Ils en avaient pas conscience, comment l’auraient-ils su ? Mais chacun était un pion, et la rue, la cour de récréation, mon échiquier à moi…
Je nous revois marchant côte à côte en discutant, et lui me dépasse, virevolte autour de moi, surgit d’ici, vient de là. Qui sait dans quel jeu bien à lui j’ai été embringué.
J’arrive, disons, en jouant le cheval devant mon père, pendant qu’il découpait ses chiffons dans la pièce où ses jeans étaient entassés – croyez-moi, il y a quelque part un lieu dans l’univers où cette phrase revêt un sens logique -, et je me tenais debout sur le carrelage à l’emplacement stratégique où je pouvais protéger ma mère, la reine. Et je me retrouvais ainsi entre ma mère et mon père, et dans mon for intérieur je disais : échec. Je lui laisse quelques secondes pour exécuter sa manœuvre, et s’il ne s’est pas c’est pas placé à temps sur une autre dalle, c’est mat. Pas complètement fou, ce gamin là ? Vous ririez pas si vite si vous saviez ce qu’il avait dans les neurones ? Vous penseriez pas : « Regarde un peu comment ce taré a gâché son enfance » ?
P97
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Vidéo de David Grossman
Wajdi Mouawad interprète le rôle du juge Avishai dans le texte de David Grossman, Un cheval entre... .Wajdi Mouawad interprète le rôle du juge Avishai dans le texte de David Grossman, Un cheval dans un bar. Une fiction enregistrée au musée Calvet d'Avignon, à retrouver ici : http://bit.ly/2uiEaiS
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