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EAN : 9782228881302
651 pages
Payot et Rivages (31/10/2001)
4.03/5   35 notes
Résumé :

Cet ouvrage qui englobe vingt-cinq siècles d'histoire dévoile le secret même de l'évolution de l'Asie, la loi qui a présidé à la renaissance ou à la mort des Empires immémoriaux. Cette loi, c'est la lutte du nomade et du sédentaire, de l'homme de la steppe et de l'homme des cultures. L'histoire de l'Asie étudiée sous cet angle devient comme une immense leçon de géographie humaine. Atti... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
"L'empire des steppes" est un très grand livre d'histoire, datant de 1951 et irremplacé à ce jour. Son auteur, René Grousset (1885-1952), était à la fois un grand historien, un spécialiste des arts orientaux et de l'art des steppes (il fut conservateur au musée Cernuschi) et un linguiste : il pouvait embrasser ainsi par sa culture immense l'immensité de l'espace évoqué dans son livre, l'Asie, et du temps historique concerné, de la fin de l'empire romain au XVIII°s chinois. L'ouvrage nous permet d'aborder synthétiquement l'histoire de quatre grands espaces de civilisation et de culture sédentaires : la Chine, l'Asie Centrale (ou Turkestan), l'Iran et l'Europe orientale, envahis, détruits, intégrés de force dans un état dirigé par les nomades, puis, en fin de compte, assimilant ces mêmes nomades, jusqu'à la prochaine vague d'invasion de leurs frères encore sauvages, venus des steppes et recommençant le processus. Des Huns aux Mongols, en passant par les Turcs, c'est toujours le même cycle d'invasions, de destructions, puis d'assimilation des vainqueurs, et le récit qu'en fait René Grousset se rapproche finalement beaucoup de cette nouvelle forme d'histoire nommée aujourd'hui "histoire globale", sans l'idéologie mortifère qu'elle véhicule. Il faut noter que les empires successifs, des Huns, des Turcs, des Mongols, sont réunis par René Grousset sous le même singulier, "l'empire des steppes", car il existe vraiment, comprend-on, une identité nomade unique dans ses manifestations, ses stratégies et son mode de vie, ainsi que dans l'évolution politique des états fondés par ces multiples tribus aux limites flottantes. Il y a donc, au fond, un seul empire des steppes, face aux multiples civilisations sédentaires que les nomades détruisirent. On sait d'ailleurs, en ce qui concerne les Germains par exemple, que leurs identités tribales et nationales leur furent assignées par les historiens romano-byzantins, qui créaient des nations barbares à partir d'une réalité bien plus mouvante et variable (cf "Des Goths à la nation gothique").
*
René Grousset a une plume de poète épique : toute cette science et cette connaissance approfondie du sujet ne se traduisent pas en jargon peu lisible, qui caractérise de nombreux historiens ou sociologues contemporains au savoir et au talent beaucoup plus limités. Son style, la perfection de sa langue, le souffle qu'on y ressent, ne sont pas des enjolivements de l'affreuse réalité de ce millénaire de massacres, mais véritablement la poésie de la guerre, le choc des volontés opposées, l'excès des passions déchaînées, la tragédie d'un destin implacable, l'énergie des grands hommes, bref ce que nous lisons et apprécions dans l'épopée depuis Homère. Il n'y a pas jusqu'à ce procédé propre à la poésie antique, la puissance évocatoire des énumérations de noms propres, qui ne rattache la prose de Grousset à l'Iliade ou à la Pharsale. Cela ne va pas sans lourdeur d'ailleurs, car l'auteur, écrivant en 1950, emploie la transcription des noms chinois, turcs et mongols selon les règles de l'Ecole Française d'Extrême-Orient, qui les rend méconnaissables quand on a l'habitude de l'histoire chinoise écrite aujourd'hui. L'absence d'index final, de conclusion, et la mauvaise qualité des rares reproductions d'art feront préférer une autre édition que celle de poche pour l'étude. Mais ce n'est qu'un détail, vite oublié dans le torrent de noms de personnes, de toponymes sibériens, d'événements en cascade qui emportent le lecteur amateur.
*
Donc "L'empire des steppes" est un livre d'histoire à l'ancienne, datant de l'époque où l'écriture historique faisait partie des belles-lettres, et où, parmi les neuf Muses, l'une d'elles présidait à la poésie du passé.
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Heureux ceux qui n'ont pas encore lu René Grousset !

Ils vont découvrir un historien et un conteur exceptionnel.

René Grousset est un historien rare qui a marqué le 20ème siècle d'une empreinte définitive. Il nous a laissé une oeuvre exceptionnelle dont je ne citerai que quelques monuments parmi tant d'autres: Figures de proue, Bilan de l'histoire, Histoire des Croisades et du Royaume franc de Jérusalem et son Empire des Steppes.

Dans cet « Empire des Steppes », René Grousset va embrasser près de 20 siècles de l'histoire de l'humanité, 20 siècles de l'histoire de l'Asie centrale, 20 siècles au cours desquels des peuples sortis de nulle part vont fondre sur des cités et des civilisations sans que personne ne puisse les arrêter.

Scythes, Huns, Turcs et Mongols sont les plus connus. Peuples nomades, archers à cheval, il faudra finalement la poudre et le fusil pour mettre fin à leurs grandes chevauchées à travers l'Asie et l'Europe.

Le moindre des talents de René Grousset n'est pas d'être capable d'embrasser une période historique aussi ample, il est aussi de nous entraîner dans les civilisations orientales dont il est un grand spécialiste. Avec Grousset, on découvre les conditions de vie, la culture et les arts de civilisations peu connues.

Mais l'histoire des peuples et des hommes qui les menèrent est également bien présente. A l'érudition de l'historien, René Grousset associe le talent et la plume du conteur.

Vous l'aurez compris, René Grousset est l'un de mes historiens favoris et j'envie désespérément tout homme ou femme qui va le lire pour l première fois. Moment rare.
Lire également son « Histoire de la Chine » aux éditions Payot.
Lien : http://www.bir-hacheim.com/l..
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5* incontestablement pour le travail historique d'une précision et d'une quasi-exhaustivité diabolique. Par contre déçu pour la vulgarisation qu'implique un tel ouvrage destiné au grand public. Il est évident que la matière est dense et complexe mais on est vraiment obligé d'accepter d'être noyé dans les noms de lieux et de personnages qui fourmillent dans cette somme de 650 pages pour retirer une impression d'ensemble sur Gengis Khan, Koubilai Khan et Tamerlan, les 3 noms pour lesquels j'ai décidé de lire ce livre et pour lesquels j'ai effectivement mieux compris l'été d'esprit et l'approche des steppes qui était la leur. Ou bien il fallait partir pour 3 mois d'études, cartographies et liens entre les noms chinois, mongol, actuel,... trop pour moi...
Reste la sensation d'une épopée guerrière très bien rendue et, je le répète, une meilleure connaissance globale des enchainements de conquètes dans l'empire des steppes de l'Asie centrale.
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René Grousset fait remonter la présence indo-européenne dans les steppes eurasiatiques à l'existence des Cimmériens, des Sarmates et des Scythes. Pour lui les Cimmériens sont originaires de Thrace et les Scythes et Sarmates du Nord de l'Iran. Il est donc à contre-courant de ceux qui pensent, non sans raison, que l'origine même des Indo-européens se situe dans les steppes eurasiatiques, autour du Dniepr, de l'Ukraine, de la Volga notamment, aux environs de 4000 avant notre ère. Les ancêtres de tous les peuples indo-européens étaient déjà à cette époque, pasteurs semi-nomades, ils sont les premiers à domestiquer le cheval comme animal de trait (et non plus seulement pour la boucherie) : cet animal est donc dressé. Ils construisent aussi des kourganes. Les tombes à char resteront une des caractéristiques de diverses cultures indo-européennes sorties des steppes ultérieurement
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La somme majeure sur le sujet. Un récit très documenté, très riche, parfois même un peu trop, mais quelle épopée !
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
[1279, chute de la dynastie Song du sud]
C'était la première fois que la Chine tout entière, Sud compris, tombait aux mains d'un conquérant turco-mongol. Ce que ni les Turcs T'o-pa du V°s, ni les Tongous Djürchät du XII° n'avaient pu obtenir, Khoubilaï y était enfin parvenu. Il réalisait le rêve obscurément poursuivi depuis dix siècles par "tout ce qui vivait sous une tente de feutre", à travers d'innombrables générations de nomades. Avec lui, les pâtres errants de la steppe, "tous les fils du Loup Gris et de la Biche", devenaient enfin maîtres de la Chine, c'est-à-dire de la plus compacte agglomération de cultivateurs sédentaires de l'Asie. Seulement la conquête avait été assez lente pour que les résultats les plus dangereux en fussent comme amortis. Dans la personne de Khoubilaï, en effet, si le petit-fils des nomades a conquis la Chine, il a été lui-même conquis à la civilisation chinoise. Il put alors réaliser le constant objectif de sa politique personnelle : devenir un véritable Fils du Ciel, faire de l'Empire mongol un Empire chinois. A cet égard, la voie était libre. Les Song une fois disparus, il devenait le maître légitime de l'empire quinze fois centenaire. Sa dynastie, qui prit le nom de dynastie Yuan (1280-1368), n'aspira plus qu'à continuer les quelque XXII dynasties chinoises du temps passé. Signe visible de cette sinisation : Khoubilaï, même après avoir arraché Qaraqorum à Arïq-bögä, ne vint jamais y habiter. Dès 1256-1257, il avait fait choix, comme résidence d'été, du site de Chang-tou, ou K'ai-p'ing, près du Dolon-nor, dans l'actuel Tchakhar oriental, où il fit construire un ensemble de palais. En 1260, il établit sa capitale à Pékin. En 1267, il commença à construire au nord-ouest de l'ancienne agglomération pékinoise une ville nouvelle qu'il appela T'ai-tou, "Grande capitale" et qui fut également connue sous le nom de Ville du Khan, Khanbaligh, la "Canbaluc" des voyageurs occidentaux.

pp. 406-407
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[La fin de Tamerlan]
L'empereur Yong-lo (1403-1424), frère et deuxième successeur de Hong-wou, venait de monter sur le trône quand Tamerlan annonça l'intention d'aller conquérir la Chine pour convertir ce pays à l'islamisme et commença dans ce but à réunir une immense armée à Otrâr.
Ce fut sans doute là un des plus graves périls qu'ait jamais connus la civilisation chinoise, car cette fois il ne s'agissait plus de l'invasion d'un Khoubilaï, respectueux du bouddhisme, du confucéisme et désireux de devenir un véritable Fils du Ciel, mais de l'irruption d'un musulman fanatique qui, en islamisant le pays, eût vraiment détruit la civilisation chinoise et dénationalisé la société chinoise. Sans doute Yong-lo, le plus guerrier des empereurs Ming, aurait été un adversaire non négligeable, mais le péril était grave, lorsque Tamerlan tomba malade à Otrâr et décéda à l'âge de soixante et onze ans, le 19 janvier 1405.
(...)
Châh Rokh [quatrième fils de Tamerlan] fut le plus remarquable des Timourides. Bon capitaine et vaillant soldat, mais d'humeur plutôt pacifique, humain, modéré, fort épris de lettres persanes, grand constructeur, protecteur des poètes et des artistes, ce fils du terrible Tamerlan fut un des meilleurs souverains de l'Asie. Même évolution que de Gengis-Khan à Khoubilaï. Son long règne de 1407 à 1447, fut décisif pour ce qu'on a appelé, dans le domaine culturel, la renaissance timouride, âge d'or de la littérature et de l'art persans. Hérât dont il avait fait sa capitale, Samarqand, résidence de son fils Olough-beg (il avait chargé celui-ci du gouvernement de la Transoxiane) devinrent les foyers les plus brillants de cette renaissance. Par un de ces paradoxes si fréquents en histoire, les fils du massacreur turc qui avait ruiné Ispahan et Chîrâz allaient devenir les plus actifs protecteurs de la culture iranienne.

pp. 619 et 621
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[La conquête de l'Iran par Gengis-Khan, XIII°s]
L'Iran oriental ne s'est jamais complètement relevé de la tempête gengiskhanide. Une ville comme Balkh porte encore la marque des destructions mongoles. La renaissance timouride en ces régions, au XV°s, sous Châh-Rokh; Olough-beg et Hossein-i Bâiqarâ, ne pourra restaurer intégralement une terre bouleversée de fond en comble. Cependant, si Gengis-Khan s'est conduit comme le plus terrible ennemi de la civilisation arabo-persane, s'il s'est comporté à son égard comme le Réprouvé et le Maudit que stigmatisent les écrivains musulmans, il n'avait aucune hostilité de principe contre l'islamisme. S'il interdisait la pratique des ablutions et la manière de tuer le bétail chez les musulmans, c'est qu'elles étaient contraires aux coutumes ou superstitions mongoles. S'il détruisit dans l'Iran oriental la brillante civilisation urbaine qui avait produit un Firdousi et un Avicenne, c'est qu'il entendait ménager aux marches du Sud-Ouest une sorte de no man's land, de steppe artificielle qui servît de glacis à son empire. Ce fut dans ce but qu'il "tua la terre". Il y avait en lui à la fois un homme de gouvernement plein de sens, incapable d'approuver une guerre religieuse, et un nomade qui, concevant mal la vie sédentaire, avait tendance à détruire la civilisation urbaine, à supprimer aussi les cultures agricoles (en quittant l'Iran oriental, il y fit détruire les greniers à grains), à transformer les labours en steppe, parce que la steppe convenait mieux à son genre de vie et donnait moins de mal à administrer...

p. 349
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[V° siècle]
T'o-pa Tao est la plus forte personnalité de cette énergique maison turque qui défendit si vaillamment contre ses congénères restés nomades l'antique civilisation chinoise. D'une bravoure exceptionnelle, il sut inspirer une terreur salutaire aux Jouan-Jouan qui, en présence de dynasties chinoises faibles, n'eussent pas manqué d'attaquer le Limes. Il mit ainsi le point final aux grandes invasions, un peu comme Clovis, à "Tolbiac", devait le faire pour la Gaule. Suffisamment sinisé lui-même, il ne voulut pas l'être au point de laisser dans sa horde se relâcher la force turque. Ce fut ainsi qu'il refusa d'abandonner ses vieux campements de P'ing-tch'eng, près de T'a-tong, à l'extrême nord du Chan-si, à l'orée de la steppe, pour les capitales historiques de la vieille Chine, Lo-Yang et Tch'ang-ngan, conquises par ses armes. Il maintint aussi la barbare et prudente coutume turco-mongole qui voulait qu'avant l'avènement d'un roi t'o-pa sa mère ait été mise à mort, pour éviter les ambitions, convoitises et rancunes de la future douairière. Inutile de dire qu'avec cette mentalité il montra au bouddhisme une antipathie profonde, dans laquelle ses sentiments de soldat barbare rejoignaient les haines taoïstes de son entourage. En 438 il ordonna la laïcisation des moines bouddhistes et en 446 il promulgua même un véritable édit de persécution.

p. 119
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[XIII°s, les Mongols en Russie]
L'histoire du khanat de Qiptchaq présente avec celle des autres khanats gengiskhanides une profonde différence. Alors que dans les autres pays conquis par eux les Mongols, après leur victoire, s'adaptaient plus ou moins au milieu et se mettaient tant bien que mal à l'école des vaincus, tandis qu'en Chine, Khoubilaï et ses descendants devenaient chinois, que les descendants de Hulägu, dans la personne de Ghazan, d'Oldjaïtou et d'Abou-Sa'îd, devenaient en Iran des sultans de Perse, leurs cousins, les khans de la Russie méridionale, ne devinrent pas russes. Ils restèrent, comme le dit la nomenclature géographique, des "khans de Qiptchaq", c'est-à-dire des héritiers de la horde turque de ce nom, les simples continuateurs de ces Turcs "Comans" ou Polovtzes sans passé, sans mémoire, et dont finalement le séjour sur la steppe russe reste pour l'histoire comme s'ils n'avaient pas été. Ce ne fut pas l'islamisation des khans mongols de Qiptchaq - à la fois si superficielle ici au point de vue culturel et si isolante au point de vue européen - qui ne changea rien à cette situation. Tout au contraire, leur islamisation, sans les faire réellement participer à la vieille civilisation de l'Iran et de l'Egypte, acheva de les couper du monde occidental, de faire d'eux, comme plus tard les Ottomans, des étrangers campés sur le sol européen, inassimilables, inassimilés. Pendant toute la durée de la Horde d'Or, l'Asie commença à la banlieue sud de Kiev. Plan Carpin et Rubrouck traduisent bien l'impression qu'avaient les Occidentaux pénétrant dans le khanat de Batou d'entrer dans un autre monde. Il y avait, à coup sûr, bien plus d'"occidentalisme" chez les Turcs Khazar du X°s que chez les héritiers de Djötchi.

p. 547
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