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Citations sur Paroles de poilus : Lettres de la Grande Guerre (71)

Mes chers parents,

Je suis encore vivant et en bonne santé, pas même blessé, alors que tous mes camarades sont tombés morts ou blessés aux mains des Boches qui nous ont fait souffrir les mille horreurs, liquides enflammés, gaz asphyxiants, attaques […].

Ah ! Grand Dieu, ici seulement, c’est la guerre. Je suis redescendu de la première ligne (ligne la plus proche du front) ce matin. Je ne suis qu’un bloc de boue et j’ai dû faire racler mes vêtements avec un couteau car je ne pouvais plus me traîner, la boue collant à mes pans de capote après mes jambes […]. J’ai eu soif, j’ai connu l’horreur de l’attente de la mort sous un tir de barrage inouï.

Je tombe de fatigue, voilà dix nuits que je passe en première ligne. Je vais me coucher, au repos dans un village à l’arrière où cela cogne cependant. J’ai sommeil, je suis plein de poux, je pue la charogne des macchabées. Je vous écrirai dès que je vais pouvoir.
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Ma bien chère Lucie,

Quand cette lettre te parviendra, je serai mort fusillé. Voici pourquoi :
Le 27 novembre, vers 5 heures du soir, après un violent bombardement de deux heures, dans une tranchée de première ligne, et alors que nous finissions la soupe, des Allemands se sont amenés dans la tranchée, m'ont fait prisonnier avec deux autres camarades. J'ai profité d'un moment de bousculade pour m'échapper des mains des Allemands. J'ai suivi mes camarades, et ensuite, j'ai été accusé d'abandon de poste en présence de l'ennemi. Nous sommes passés vingt-quatre hier soir au Conseil de Guerre. Six ont été condamnés à mort dont moi. Je ne suis pas plus coupable que les autres, mais il faut un exemple. Mon portefeuille te parviendra et ce qu'il y a dedans. Je te fais mes derniers adieux à la hâte, les larmes aux yeux, l'âme en peine. Je te demande à genoux humblement pardon pour toute la peine que je vais te causer et l'embarras dans lequel je vais te mettre... Ma petite Lucie, encore une fois, pardon. Je vais me confesser à l'instant, et espère te revoir dans un monde meilleur.
Je meurs innocent du crime d'abandon de poste qui m'est reproché. Si au lieu de m'échapper des Allemands, j'étais resté prisonnier, j'aurais encore fa vie sauve. C'est la fatalité. Ma dernière pensée, à toi, jusqu'au bout.

Henry FLOCH
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Chers parents (…)

Le 9, à 10 heures du matin on faisait une attaque terrible dans la plaine de Woëvre. Nous y laissons trois quarts de la compagnie, il nous est impossible de nous replier sur nos lignes ; nous restons dans l’eau trente-six heures sans pouvoir lever la tête ; dans la nuit du 10, nous reculons à 1 km de Dieppe ; nous passons la dernière nuit de guerre le matin au petit jour puisque le reste de nous autres est évacué ; on ne peut plus se tenir sur nos jambes ; j’ai le pied gauche noir comme du charbon et tout le corps tout violet ; il est grand temps qu’il vienne une décision, où tout le monde reste dans les marais, les brancardiers ne pouvant plus marcher car le Boche tire toujours ; la plaine est plate comme un billard.

A 9 heures du matin, le 11, on vient nous avertir que tout est signé et que cela finit à 11 heures, deux heures qui parurent durer des jours entiers.

Enfin, 11 heures arrivent ; d’un seul coup, tout s’arrête, c’est incroyable.

Nous attendons 2 heures ; tout est bien fini ; alors la triste corvée commence, d’aller chercher les camarades qui y sont restés.

Eugène

Eugène Poézévara avait dix-huit ans en 1914. Il écrivait souvent à ses parents, des Bretons qui habitaient à Mantes-la-Jolie. Eugène a été gazé sur le front, et il est mort d’épuisement dans les années 20.
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Lyon, le 23 septembre 1914
Je lègue à mon fils André Gélibert quand il aura 20 ans
ma bague
ma montre
ma chaîne
mes fusils
mes briquets
à ma fille Huguette
mon épingle perle
ma bourse en argent
Je leur laisse à tous deux le souvenir d'un père qui les a beaucoup aimés qui s'est fait tuer en brave pour la patrie.
Je te laisse à toi le souvenir de neuf belles années passées ensemble et tous les baisers que je t'ai envoyés au dernier moment.
Georges Gélibert
(tué le 13 juillet 1915 à l'âge de 33 ans)
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Quand nous sommes arrivés par ici au mois de novembre, cette plaine était alors magnifique avec ses champs à perte de vue, pleins de betteraves, parsemés de riches fermes et jalonnés de meules de blé. Maintenant c'est le pays de la mort, tous ses champs sont bouleversés, piétinés, les fermes sont brulées ou en ruine et une autre végétation est née: ce sont les petits monticules surmontés d'une croix ou simplement d'une bouteille renversée dans laquelle on a placé les papiers de celui qui dort là.
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La moisson sera meurtrière et la vendange sanglante ; beaucoup ne survivraient pas à ce premier été : ils tomberaient sous les balles des mitrailleuses ennemies ; ils finiraient crucifiés dans le piège carnivore des fils de fer barbelés ; ils seraient pulvérisés par des tapis d'obus.
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Gustave Berthier
28 décembre 1914 : Nos quatre jours de tranchées ont été pénibles à cause du froid et il a gelé dur, mais les Boches nous ont laissés tranquilles. Le jour de Noël, ils nous ont fait signe et nous ont fait savoir qu'ils voulaient nous parler. C'est moi qui me suis rendu à trois ou quatre mètres de leur tranchée d'où ils étaient sortis au nombre de trois ou quatre...
Je résume la conversation que j'ai dû répéter peut-être deux cents fois depuis à tous les curieux. C'était le jour de Noël, jour de fête, et ils demandaient qu'on ne tire aucun coup de fusil pendant le jour et la nuit, eux-mêmes affirmant qu'ils ne tireraient pas un seul coup. Il étaient fatigués de faire la guerre, disaient-ils, étaient mariés comme moi (ils avaient vu ma bague), n'en voulaient pas aux Français, mais aux Anglais. Ils me passèrent un paquet de cigares, une boite de cigarettes à bouts dorés, je leur glissai Le Petit Parisien en échange d'un journal allemand et je rentrai dans la tranchée française...

711 - [Librio n°245, p. 82]
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Mercredi 5 mai 1915.

Chérie,

Voilà le baptême du feu, c'est chose tout à fait agréable, tu peux le croire, mais je préférerais être bien loin d'ici plutôt que de vivre dans un vacarme pareil. C'est un véritable enfer. L'air est sillonné d'obus, on n'en a pas peur pourtant : nous arrivons dans un petit village, où se fait le ravitaillement; là, on trouve dans des casemates enfoncés dans la terre les gros canons de 155; il faudrait que tu les entendes cracher, ceux-là; ils sont à cinq kilomètres des lignes, ils tirent à 115 sur l'artillerie "boche".

On sort du village à l'abri d'une petite crête, là commencent les boyaux de communication; ce sont de grands fossés de 1 mètre de large et de deux mètres de profondeur ; nous faisons trois kilomètres dans ces fossés, après on arrive aux tranchées qui sont assez confortables. De temps en temps, on entend siffler quelques balles, les "boches" nous envoient quelques
bombes peu redoutables; nous sommes à deux cents mètres des "boches", ils ne sont pas trop méchants.
Je me suis promené à huit cents mètres sur une route, à peine si j'en ai
entendu deux siffler; nous avons affaire à des Bavarois qui doivent en avoir assez de la guerre, ça va changer d'ici quelques jours.
Nous faisons des préparatifs formidables en vue des prochaines attaques. Que se passera-t-il alors, je n'en sais rien, mais ce sera terrible car à tout ce que nous faisons nous prévoyons une chaude affaire. J'ai le coeur gros mais j'attends toujours confiant; nous prévoyons le coup prévu avant dimanche. Si tu n'avais pas de mes nouvelles après ce jour, c'est qu'il me sera arrivé quelque chose, d'ailleurs tu en seras avertie par un de mes camarades. Il ne faut pas se le dissimuler, nous sommes en danger et on peut prévoir la catastrophe; sois toujours confiante malgré cela parce que tous n'y restent pas.
Alphonse.

Neuf jours après avoir écrit cette lettre, l’auteur a été tué par un obus.
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26 avril 1918
Des copains sans nombre ont été écrabousés, mis en miettes, un vrai désastre, gradés, homme, ça tombait comme les semences.
Arthur MIHALOVICI
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Par ces temps de pluie, les terres des tranchées, bouleversées par les obus, s'écroulent un peu partout, et mettent au jour des cadavres, dont rien, hélas, si ce n'est l'odeur, n'indiquait la présence. Partout des ossements et des crânes. Pardonnez-moi de vous donner ces détails macabres ; ils sont encore loin de la réalité.
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