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EAN : 9782707305855
173 pages
Editions de Minuit (01/09/1981)
4.2/5   41 notes
Résumé :
Ceux qui se livrent à l'écriture, sans doute, ne peuvent plus écrire comme autrefois, du temps d'avant l'image photographique, télévisuelle, cinématographique.
Comme les peintres, les premiers touchés par ces météorites sidérants, ils ont dû les prendre en compte, car l'écriture aussi est une production d'images. Voilà que la photographie est non seulement prise en compte, dans un livre sans photographies, mais emballée, charriée, elle devient un support, un ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
« Et j'ai imaginé que la photographie pouvait conjuguer ces deux pouvoirs, j'ai eu la tentation d'un autoportrait... »
(premier texte, « Les lunettes à lire la pensée » p.9)

Ces deux pouvoirs, qui inspirent d'un même souffle à l'auteur crainte et désir, sont celui de lire la pensée et celui de « transpercer » l'apparence, de « déshabiller » par le regard. Comme un remède à l'effroi que lui procure l'idée de ces pouvoirs détenus par un autre et utilisés à son insu (ou comme pour mieux s'y abandonner), Hervé Guibert s'en empare pour lui, sur lui. Avec ce premier texte, il nous annonce l'intention de son écriture : l'autoportrait. Il ne se trompe pas. L'Image Fantôme n'est pas une autobiographie ni une autofiction, c'est un autoportrait. Dans ce roman qui n'en est pas un, (pas au sens classique du terme), à travers soixante-quatre clichés littéraires, il va en-dessous de ce que photographie l'oeil, de ce que dit la bouche, il écrit ce qui souvent ne se raconte pas et il est touche son lecteur. Parce qu'il rend sa valeur au commun. Parce qu'une grande impression de calme se dégage de cette écriture juste, mesurée, empreinte de mélancolie. Parce qu'il réussit à écrire. Parce qu'il saisit l'insaisissable, le détail, la nuance. Parce qu'il se dévoile. Parce qu'il ne refuse rien de ses contradictions. Parce qu'il est intime.
Des photos manquées et leur amertume, des tentatives, des vues invisibles, des rendez-vous, des rencontres ratées, des impressions, des objets vécus ; il rend éternel, non pas l'image, mais ce qui a entouré l'image, toute la vie particulière qu'à généré ou à laquelle a participé l'image. Ses textes, dont la longueur varie de quelques lignes à plusieurs pages mais dont le style reste fidèle, sont des portraits d'instants, des silences rendus, des aveux amoureux, des revanches quelquefois.
Il est toujours risqué d'écrire une « critique » trop élogieuse d'un livre – et je dis « toujours » comme si, alors que c'est ma première, en quelques sortes, ma première critique hors du carnet. On voudrait des mots à la hauteur de ceux de l'auteur mais le livre n'en a pas besoin. On risquerait au contraire d'en donner une appréciation presque fausse d'être trop émotionnelle et de gâcher la découverte personnelle d'un nouveau lecteur qui trouverait ses propres raisons. Je l'ai lu par hasard, ce livre-là, sans m'y attendre, sans en attendre. Je ne connaissais pas Hervé Guibert, je le connais un peu. Je devine la douceur de son regard, une tranquillité, la persévérance de la passion, la rigueur qui l'accompagne. Surtout maintenant, j'ai ses textes pour raconter mes « autobus », les « photos de famille », et les « premiers amours »...
À travers l'angle de l'image photographique (ratée), Hervé Guibert aborde la vie dans ses instants particuliers, dans ses amours, dans ses grands petits regrets et dans ses pathétiques espoirs, dans le passage du temps qui nous amène, inaltérablement, du vécu au souvenu, de l'instant à l'histoire, et nous fait chérir la mémoire.
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Récit en séquences, chacune analysant un médium ou genre photographique (tout y passe) pour révèler un rapport à l'image intime, identitaire, sociale, familiale, érotique, artistique, ... . Entre souvenirs et présent, des moments différents reliés ça et là par des présences et absences affectives. Ode à la mémoire et au passage du temps.
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Hervé Guibert n'est pas seulement l'autobiographe marqué par le sida que l'on connaît, c'est d'abord et avant tout un écrivain de l'image qui a beaucoup médité sur la photographie, à moins qu'il n'ait été un photographe qui se mêlait de littérature. Les textes réunis ici sont remarquables de beauté et de profondeur.
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Quelle est l’'image ? Qui est le fantôme ?
L’'auteur, qui nous entraîne dans une introspection de son rapport à la photographie et de sa vie, par ricochet ?
Nous, qui lisons en comprenant les images sans les voir tout à fait ?

Mélange réussit entre nouvelle, essai et autobiographie. L’'aventure de l'’image, de la photo et de l'’image de l’'auteur qui fuit subrepticement., tantôt plaisant, tantôt gênant. La société, l'’homme, le sexe, la famille et bien d'’autres sujets encore, liés presque par définition à la photographie, sont abordés pour nous emporter de l’'autre côté du mystère des Chambres claires, noires, obscures.
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Plusieurs protraits, pérégrinations autour de la photographie, de l'image prise, volée, adorée, etc.
Un livre pour se donner envie de sortir son appareil photo ou sa caméra super 8
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Cette projection a donné lieu à une révision nostalgique; {...}. En relevant des phrases de-ci de-là qui échappaient au babillage descriptif, j'ai pu me rendre compte à quel point ce discours était angoissé et porteur de mort. J'en retranscris ici quelques-unes, dans l'ordre :
- Il s'est suicidé Robert ...
- Il a eu les jambes coupées Edouard .....
- Il y a beaucoup de gens morts là-dedans...
- André, regarde ce qu'il a changé ...
- Renée est devenue toute rondouillarde...
- Il faisait froid, j'étais glacée, regarde comme j'étais coiffée...
- La tonnelle a été complètement retirée parce qu'elle pourrissait ...
- Tu vois, ça serait mieux en couleur. Il y a des fleurs, il y aurait l'herbe verte....
- C'est là qu'elle a eu son accident, qu'elle est tombée sur le front ...
- Ce que j'étais mince, pas de ventre, ah dis donc...
- Je me demande si les films ne doivent pas vieillir. C'était beaucoup plus clair que ça ...
- Il est tombé à l'eau et il est mort. On l'a retrouvé à l'écluse...
- Forcément la tomate, si c'était en couleur, on verrait que c'est une tomate...
- C'est certainement la Vierge à l'Orteil qu'on regarde...
- Là, Suzanne avait une douleur exquise ...
- C'est peut-être la dernière fois qu'on voit ces films...
- La poupée est restée toute nue toute sa vie...
- Nous nous sommes baignés. L'eau était chaude...
- Et on dirait que c'était hier tout ça, alors que c'était il y a vingt, trente ans ...
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IDENTIFICATION
M'énervent au plus haut point les photos pelliculées qui recouvrent les romans, et qui montrent les protagonistes de l'adaptation cinématographique du livre : Gérard Philippe est l'exemple le plus exécré, parce que le plus innombrable, le plus répété, celui qui semble prêter le mieux son visage à l'image du héros. J'ai envie de lire L'idiot, J'ai envie de lire Le rouge et le noir, mais je n'ai pas envie que ce visage (qui m'est pourtant sympathique) sans cesse me rappelle à lui, chaque fois que je prendrai le livre, en me disant : "Le prince Mychkine, Julien Sorel, c'est moi, ne l'oublie pas", alors que je suis enclin (et c'est là un des plaisirs les plus forts de ma lecture) à constituer lentement leurs images, à partir des propositions successives de Dostoïevski et de Stendhal. Le prince Mychkine et Julien Sorel, c'est qui je veux, et il se pourrait, à certains moments, que je veuille que ce soit moi, alors je découpe la couverture du livre, ou je la recouvre, au risque de la défigurer, d'un papier neutre et opaque, sur lequel, mentalement, je vais redessiner un visage, ou attendre qu'il apparaisse de lui-même, comme au sortir d'un bain révélateur.
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Nous les haïssons au point au point de vouloir les torturer, de vouloir laisser brûler la pellicule trop longtemps devant la lampe, en image fixe afin de nous en rassasier avidement tout en la disloquant, nous les haïssons au point de vouloir les défigurer, les mutiler, les rayer à la pointe d'une aiguille à même le film, pour qu'ils ne nous narguent plus, ces vilains mirages, ces trop beaux mirages. Car sans cesse tu me trompes avec elle et je te trompe avec lui ; je me trompe avec lui et tu te trompe avec moi. Le souvenir ne se raye pas si facilement.

L'appareil photo est bien un petit corps autonome, avec son diaphragme, ses temps d'ouverture et de rétractation, son boîtier comme une carcasse, mais il est un corps mutilé, on doit le porter sur soi comme un enfant, il est lourd, il se fait remarquer, on l'aime aussi comme un enfant infirme qui ne marchera jamais seul mais à qui son infirmité fait voir le monde avec une acuité un peu folle.


On raconte que, pour rendre quelqu'un de rétif amoureux de soi, il suffit de laisser pourrir à son insu, sous son lit, une pomme verte dans laquelle on a planté des clous de girofle. La photo est une semblable manipulation, comme un sort que je te jetterais : en prenant ta photo je te lie à moi si je te veux , je te fais entrer dans ma vie, je t'assimile un peu, et tu n'y peux rien.
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Alors les photos de famille restent là, dans leurs petits cercueils de carton, et on peut les oublier, elles sont comme des croix plantées, elles appellent le plaisir mélancolique. Quand on ouvre le carton, aussitôt c'est la mort qui saute aux yeux, et c'est la vie, toutes les deux nouées et enlacées, elles se recouvrent et elles se masquent.
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Parmi cette masse de photos, je cherche des traces plus énigmatiques. Les dédicaces au dos des photos sont souvent banales, elles se contentent de marquer un lieu et une date (Cambrai, le 14 juin 1958), l'âge de l'enfant (Claude, 4 mois, puis Claude 4 mois 1/2), une situation géographique (« Au sommet du Brédent 2 550 mètres Mimi »), ou un lien familial (« En souvenir de Gisèle à sa chère sœur Jeannine avec ses baisers »). Et puis d'un seul coup deux dédicaces faites au stylo par ma mère me touchent parce qu'elles marquent la mort : « Décédé à 37 ans le 20 juin 1938 » au dos de la photo de son père Théo, mort noyé dans sa voiture ; « Décédée à 18 ans le 25 janvier 1950 » au dos de la photo de sa cousine Odette, morte à bicyclette. Ces dédicaces sont posthumes, et elles marquent la mort prématurée (aucune dédicace du même ordre n'a été faite sur des photos de gens morts de leur belle mort), la mort entachée de fatalité, comme si la mort tragique était la destinée de cette famille.
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Videos de Hervé Guibert (16) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Hervé Guibert
Mathieu Lindon Une archive - éditions P.O.L où Mathieu Lindon tente de dire de quoi et comment est composé son livre "Une archive", et où il est notamment question de son père Jérôme Lindon et des éditions de Minuit, des relations entre un père et un fils et entre un fils et un père, de Samuel Beckett, Alain Robbe-Grillet, Claude Simon, Marguerite Duras et de Robert Pinget, de vie familiale et de vie professionnelle, de l'engagement de Jérôme Lindon et de ses combats, de la Résistance, de la guerre d'Algérie et des Palestiniens, du Prix Unique du livre, des éditeurs et des libraires, d'être seul contre tous parfois, du Nouveau Roman et de Nathalie Sarraute, d'Hervé Guibert et d'Eugène Savitzkaya, de Jean Echenoz et de Jean-Phillipe Toussaint, de Pierre-Sébastien Heudaux et de la revue Minuit, d'Irène Lindon et de André Lindon, d'écrire et de publier, de Paul Otchakovsky-Laurens et des éditions P.O.L, à l'occasion de la parution de "Une archive", de Mathieu Lindon aux éditions P.O.L, à Paris le 12 janvier 2023.

"Je voudrais raconter les éditions de Minuit telles que je les voyais enfant. Et aussi mon père, Jérôme Lindon, comme je le voyais et l'aimais. Y a-t-il des archives pour ça ? Et comment être une archive de l'enfant que j'ai été ?"
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>Arts>Photographes et photographie>Photographie et photographies (81)
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