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Critique de AMR_La_Pirate


Dernièrement, malgré le confinement, nous sommes allés au Théâtre, non pas en vrai, mais virtuellement… En effet, le Théâtre du Grand Rond de Toulouse propose des prestations en visio-conférence. Ce fut l'occasion de redécouvrir, lu par Corinne Mariotto, un excellent texte de Guy de Maupassant sobrement intitulé La Maison Tellier, puis, pour moi, de le retrouver avec bonheur parmi l'intégrale de cet auteur dans les abysses de ma liseuse.

"Fermé pour cause de première communion" : un tel avis, sur la porte d'une maison close, n'est pas chose courante, et les habitués de la maison Tellier n'en reviennent pas. Pendant ce temps, Madame et ses cinq pensionnaires vont retrouver à la campagne, le temps d'une fête, leurs émois et leur innocence de petites filles...
Cette nouvelle est inspirée de faits réels ; La Maison Tellier a réellement existé, à Rouen ; la cérémonie de la première communion s'est passée au Bois-Guillaume. La nouvelle fut achevée au mois de janvier 1881. Maupassant écrit, à cette ocasion, à sa mère : « J'ai presque fini ma nouvelle sur les femmes de bordel à la première communion. […] Je crois que c'est au moins égal à Boule de Suif, sinon supérieur. »

Maupassant nous plonge dans le fonctionnement interne d'une honorable maison de plaisir de province, transposée à Fécamps, où se retrouvent régulièrement quelques habitués. Ces dames n'ont pas la mauvaise réputation des filles des bordels parisiens et semblent très bien intégrées et acceptées dans le paysage. Madame s'occupe bien de sa troupe, à la fois juste et maternelle.
Les clients habituels du premier étage sont représentatifs de la bourgeoisie de la petite ville : marchands, notables, percepteur, banquier… S'y ajoutent quelques matelots de passage, cantonnés au rez-de-chaussée. Leur étonnement devant la fermeture inopinée de la maison close donne lieu à des tergiversations et à des allées et venues particulièrement savoureuses.
Quand Madame est invitée à la première communion de sa nièce, elle emmène tout naturellement les filles de sa maison avec elles, n'ayant pas de sous-maitresse à qui confier la bonne marche de son établissement en son absence…
Les détails du voyage en train puis en carriole attelée, les descriptions des toilettes, la préparation de la cérémonie et du banquet ainsi que les anecdotes gaillardes nous donnent à lire et à voir une réelle peinture à la fois des moeurs d'une époque et d'une fête campagnarde. Maupassant connaît bien le milieu provincial qu'il décrit. L'ensemble est très vivant, très visuel, naturel, cocasse, satirique, émouvant…, profondément humain.
Cette parenthèse dans le quotidien des filles de joies est un superbe morceau de littérature, une brèche d'espace-temps où elles se révèlent brièvement dans leurs vraies personnalités. Pourtant, il est grand temps que les choses rentrent dans l'ordre : « Elles dormirent jusqu'à l'arrivée, du sommeil paisible des consciences satisfaites ; et quand elles rentrèrent au logis, rafraîchies, reposées pour la besogne de chaque soir, Madame ne put s'empêcher de dire : — C'est égal, il m'ennuyait déjà de la maison. On soupa vite, puis, quand on eut repris le costume de combat, on attendit les clients habituels ; et la petite lanterne allumée, la petite lanterne de madone, indiquait aux passants que dans la bergerie le troupeau était revenu ».

Le talent de conteur De Maupassant est à la fois jubilatoire, précis et sarcastique ; on sent ici une nette volonté de se moquer de la bourgeoisie et de la religion. Il ne faut pas perdre de vue que La Maison Tellier figure parmi ses premiers écrits mais déjà se devine sa plume alerte, artiste et réaliste.


http://www.grand-rond.org/index.php/grandrond/spectacle?Number=1967

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