AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de pompimpon


Pierre et Jean sont deux frères que tout oppose. Physiquement, ils ne se ressemblent en rien, l'aîné étant un petit brun nerveux, le cadet un grand blond indolent. Pierre est aussi colérique que Jean est arrangeant.
Bien qu'étant l'aîné de cinq ans, Pierre décroche son diplôme de médecin après avoir entrepris d'autres études abandonnées entre-temps, en même temps que Jean son diplôme d'avocat.

Il faut maintenant qu'ils trouvent une situation, et si possible au Havre où vivent leurs parents, M. et Mme Roland, anciens joailliers parisiens modestes.
C'est au milieu de ces préoccupations qu'arrive une nouvelle inattendue : un vieil ami de leurs parents, décédé récemment, a légué toute sa fortune à Jean, le second, et à lui seul.

On va assister à une débâcle familiale en règle, dont seul sortira indemne M. Roland, qui ne comprend rien, ne voit rien et ne se doute de rien.

Jalousie, suspicion, silence, secrets vont entrer en collision avec la réalité de cet héritage et de l'inégalité entre les frères qu'il accentue.

Maupassant aborde ce thème de la jalousie fraternelle, entre l'aîné peinant à réussir et le cadet à qui tout sourit, avec la fine connaissance des passions humaines qu'il manifeste tout au long de son oeuvre.
Mais si cette jalousie donne aux relations entre les deux frères un arrière-goût de fiel, elle n'est finalement pas le sujet principal de ce roman. Tout juste souligne-t-elle la complexité des liens entre Pierre, Jean et Mme Roland leur mère, et l'inconfortable place qu'a l'aîné dans la famille.

Le manque de réussite, un caractère difficile, des ambitions dont il n'a pas les moyens, Pierre accumule les obstacles pour sa vie professionnelle comme pour être accepté et aimé. Souvent seul, cherchant une présence amicale qu'il ne trouve jamais, il devait forcément être celui par qui le malheur arrive.

Il est le parfait contrepoint à son jeune frère, qui n'est jamais déchiré, se pose peu de questions et est de toute façon un garçon aimable qui sait pouvoir compter sur l'indéfectible soutien de sa mère.

Une fois nouée, l'intrigue avance au rythme des interrogations de Pierre, de ses crises de conscience, de ses soupçons, vers un dénouement qu'on n'imagine pas.
On le suit sur la première partie de l'ouvrage, mais lorsque la crise a éclaté, même l'auteur met Pierre de côté pour suivre Jean.

Maupassant cisèle ses caractères, leurs emportements, leurs faiblesses, leurs retenues. Il place ses personnages, entre partie de pêche et partie de campagne, en des lieux dont il décrit toujours la beauté avec délicatesse, et dont la douceur contraste avec la tempête qui couve.

Il n'épargne aucune réflexion acide à propos des femmes, si supérieures aux hommes, ces pauvres benêts, pour ce qui est des calculs et des manoeuvres. Mais personne n'échappe à sa plume à la fois cynique, brutale, pénétrante, sensible et raffinée, et les hommes ne sont pas mieux lotis.

Cette marche implacable vers sa logique conclusion serre la gorge au fil des pages, un dénouement sans complaisance mais sans cruauté non plus.

Maupassant est, reste un de mes auteurs préférés, et c'est à relire Pierre et Jean que cela me revient. Je ne l'avais jamais relu, plus attachée aux nouvelles qu'aux romans de cet écrivain cher à mon coeur. Y retrouver sa connaissance de l'âme humaine et de ( tous) ses penchants, sa façon toute en subtilité de présenter les situations les plus pénibles et ceux qui y sont plongés par bêtise, arrogance, ou autre travers si commun, son absence totale de complaisance comme de méchanceté, a été un grand plaisir pour moi.
A cela s'ajoute un talent particulier dans les descriptions des personnages comme des paysages, dont je ne me lasserai jamais.
Commenter  J’apprécie          184



Ont apprécié cette critique (14)voir plus




{* *}