6 août 1945, 8 h 15 du matin, trois B12 américains traçaient dans le ciel d'Hiroshima. Les habitants n'avaient encore jamais subi de raid aérien depuis le début de la guerre alors bien qu'en alerte, le faible nombre d'avions ne les a pas inquiétés.
Ils se trompaient.
L'un des trois bombardiers, baptisé Enola Gay, transportait dans ses soutes une bombe à l'uranium de 4.5 tonnes équivalant à 15 000 tonnes de TNT.
Le bébé avait un petit nom, Little Boy, et c'était la première fois dans l'histoire de l'humanité qu'un engin d'une telle capacité avait été conçu afin de détruire une population civile.
Hiroshima n'était plus qu'un immense brasier et les victimes innombrables.
Officiellement Truman et son État-Major avaient voulu frapper fort parce qu'ils n'entrevoyaient pas la fin du conflit avant 1946 et la bombe atomique sur Hiroshima devait être le moyen le plus efficace pour mettre un terme à une guerre qui s'avérait trop coûteuse du côté des alliés.
Les Américains avaient sélectionné plusieurs villes, dont Yokohama et Kyoto, dans le but de frapper un lieu fortement lié à l'histoire du Japon et à ses traditions religieuses, dans l'espoir de provoquer une réaction puissante au sein de la population civile, pour obliger les militaires nippons à capituler.
Centre de communication, lieu de stockage et de rassemblement des troupes, avec son château qui abritait le quartier général de la deuxième armée générale, Hiroshima était une cible idéale.
Étant donné qu'elle n'avait jamais été bombardée, il était plus facile aux militaires d'observer la puissance destructrice de la bombe...
À noter qu'une fois que ce bombardement spectaculaire fut connu, il a été approuvé par tous les dirigeants du monde occidental.
Seules quelques voix discordantes et isolées, comme celle de Camus en France, osèrent afficher leur réprobation.
*
Je me dois de préciser que tout ce qui précède est constitué de quelques phrases de la préface du livre.
*
Le docteur Hachiya, directeur de l'hôpital des Communications d'Hiroshima, qui résidait à 1.5 km de l'épicentre de l'explosion, émergeait d'une nuit de garde.
Vêtu d'un caleçon et d'un t-shirt, il était étendu sur le sol du séjour de sa maison, quand un puissant éclair de lumière le fit tressaillir. Un second éclair succéda au premier.
Le paysage ensoleillé devint sombre et brumeux, la maison commença à s'écrouler. le docteur réussit à sortir dans le jardin malgré les gravats.
Une fois dehors, il constata ses multiples blessures (il en fut dénombré 150 par la suite), dont certaines très graves.
Victime d'un immense sentiment de faiblesse, à sa grande stupeur, il vit qu'il était complètement nu.
Sa femme émergea des ruines de la maison, et ils se rendirent à l'hôpital, affrontant la chaleur et contournant les multiples obstacles, faisant fi de leurs blessures et leur affaiblissement général.
Mettre un pied devant l'autre relevait presque de l'exploit.
Malgré son état plus que préoccupant,
Michihiko Hachiya eut la présence d'esprit et le courage de coucher sur le papier, sous la forme d'un journal, tout ce qu'il a vécu et constaté du 6 août au 30 septembre 1945.
Ce journal n'était pas destiné à être publié sous forme de livre et c'est une grande chance que l'un de ses lecteurs en ait eu l'idée.
Après une traduction pointilleuse et respectueuse du récit d'origine, ces écrits ont pu être distribués à travers le monde.
Et c'est ainsi que par l'intermédiaire de mon ami Piwai qui en a rédigé une critique, ce témoignage m'est arrivé entre les mains.
J'ai mis un moment à lire ce Journal qui fourmille de détails sur tous les symptômes et toutes les maladies qui ont touché cette population.
Le docteur n'est pas avare non plus en descriptions du "paysage" et des conditions d'hébergement et de soins dans l'établissement hospitalier.
Je ne dirais pas que ma lecture fut agréable, mais par contre, excessivement poignante.
J'ai passé ces journées en immersion totale, embarquée dans un récit fluide, passionnant et instructif, en compagnie de personnalités très attachantes.
Fut un temps, on parlait souvent d'Hiroshima et de Nagasaki, sans disposer de détails précis. La "lacune" est comblée.
Un grand merci à ce docteur qui, malgré l'horreur, la douleur, la fatigue, l'affaiblissement (tous les médecins qui l'ont soigné pensaient qu'il ne s'en sortirait pas), a trouvé le courage d'écrire jour après jour, dans le but de laisser un témoignage au reste du monde.
.